Quatre bonnes raisons pour que la France lâche Azali, le dictateur comorien Avant-hier, quelques internautes avaient tenté de créer le buzz ...
Avant-hier, quelques internautes avaient tenté de créer le buzz sur la toile en vilipendant ce pantalon à la taille mal choisie porté par le président usurpateur comorien lors de son accueil au perron de l’Élysée par Emmanuel Macron. Cette critique peut, à priori, se comprendre car, même s’il n’est pas un mannequin ou une vedette de music-hall, il ne peut pas se comporter comme un Comorien lambda. La moindre des choses pour un Président en visite d’État c’est de disposer d’un habilleur qui prend soin de ses costumes.
Je considère néanmoins qu’il n’y a pas lieu de lui en tenir rigueur, compte tenu du contexte dans lequel s’effectua ce voyage précipité Moroni/Paris. Le fait est que ce déplacement impromptu n’était pas inscrit à l’agenda présidentiel puisque, à la base, le gouvernement comorien n’était pas convié au sommet de Paris sur le financement des économies africaines. C’est, par orgueil, suite aux critiques et insinuations malveillantes faites dans les réseaux sociaux, du fait de son absence de la liste officielle des dirigeants invités, que les autorités de fait comoriennes ont mobilisé le ban et l’arrière-ban pour faire revenir E. Macron sur sa décision de l’inscrire aux abonnés absents de cette réunion.
Pour Azali Assoumani, prendre la pose avec le couple présidentiel français au perron de l’Élysée c’est son rêve ultime, le couronnement de toute une vie consacrée à la recherche de la grandeur personnelle. Peu importe le chaos économique et social dans lequel il a plongé son pays à cause de sa mauvaise gouvernance ; peu importe la crise politique sans précédent que traversent les Comores du fait du déni démocratique, des injustices, de la dictature et du démantèlement de l’État de droit.
Cependant, quelque réjouissantes que soient les accolades de l’Élysée, le chef de l’État comorien sera vite ramené à la dure réalité de la forte mobilisation des comoriens de l’intérieur et de la diaspora qui réclament son départ immédiat et le transfert pacifique du pouvoir conformément aux règles constitutionnelles. Le peuple comorien attend du gouvernement Macron qu’il s’investisse dans la recherche d’une solution qui puisse permettre le respect de l’alternance démocratique. Au-delà du devoir de solidarité qui incombe à la France, à titre de partenaire historique privilégié, d’aider les Comores à remettre le cap sur les valeurs de l’État de droit démocratique, la bonne gouvernance et la stabilité économique et sociale, il y va de notre intérêt à tous de désamorcer la poudrière comorienne avant qu’il ne soit trop tard.
Qu’on se le dise, la frustration accumulée après de longues années d’autoritarisme, d’arbitraire, de disette et de vaches maigres, constitue un terreau favorable à la subversion et dans lequel peuvent s’engouffrer les semeurs de terreur et autres marchands d’illusions. Certes, les Africains ne peuvent que saluer Emmanuel Macron qui, en digne représentant de la France, a pris l’initiative d’inviter les dirigeants européens et autres membres de la communauté internationale à se rendre au chevet d’une Afrique malade et pauvre.
Toutefois, ce geste mémorable laisserait un goût d’inachevé si le gouvernement français fermait les yeux sur un cas grave comme celui des Comores. Il serait paradoxal qu’il puisse se taire devant un pouvoir qui utilise tous les moyens pour rendre impossibles l’alternance et la succession d’un « petit Bokassa » pour lequel la survie de son peuple n’est que son dernier souci. Les États membres de la communauté internationale devraient quand-même comprendre, et c’est peu de le dire, que jamais un État gouverné par un système de voyoucratie - et donc régi par la loi de la jungle - ne pourrait parvenir à sortir la tête de l’eau, quels que soient les capitaux investis.
Les investisseurs étrangers auront beau bénéficier des mécanismes de garantie financière internationaux ou des pays exportateurs de capitaux, toujours est-il qu’ils se méfieront des risques politiques encourus dans un État instable, peu respectueux de la règle de droit et gouverné comme une entreprise familiale. Pour offrir plus de protection et de sécurité aux personnes et à leurs biens, il est besoin d’un État fort et juste. L’État fort c’est un État qui a de l’autorité.
Or l’autorité de l’État ce n’est pas l’autoritarisme ou la loi du plus fort. C’est plutôt le pouvoir exercé légitimement et conformément à la loi. Autant dire qu’il y a au moins trois bonnes raisons pour que la France laisse tomber Azali pour se ranger du côté du peuple comorien : prévenir le risque terroriste ; assurer protection et la sécurité des personnes et de leurs investissements ; rétablir les valeurs et institutions de l’État de droit et de la démocratie ; et retrouver la confiance du peuple comorien et de sa diaspora.
Par Youssouf Boina, ancien SG du parti UPDC
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