Analyse Dix ans après qu’il est devenu un département français, l’ile de l'Archipel des Comores est encore loin de l’égalité sociale att...
Dix ans après qu’il est devenu un département français, l’ile de l'Archipel des Comores est encore loin de l’égalité sociale attendue par les Mahorais. Avec 77 % d’habitants vivant sous le seuil de pauvreté, Mayotte est en 2021 le territoire français le plus pauvre.
Le 31 mars 2011, Mayotte devenait le 101e département français. Dix ans plus tard, élus et associations partagent le même constat : l’égalité sociale avec le continent est encore très loin d’être atteinte. Avec 77 % de ses habitants vivant sous le seuil de pauvreté, dont la moitié dispose de moins de 160 € par mois, d’après une étude de l’Insee rendue publique en juillet 2020, le niveau de vie des Mahorais est six fois plus faible que celui des continentaux.
« La volonté politique n’est pas au rendez-vous »
Le manque d’infrastructures, c’est le principal problème soulevé par le député Kamardine. À commencer par l’eau courante, à laquelle un tiers des Mahorais n’ont toujours pas accès. Par ailleurs, avec un seul centre hospitalier, « Mayotte est un véritable désert médical », assure Mansour Kamardine. De son côté, Baptiste Filloux, délégué départemental du Secours catholique, pointe « l’absence de piscine municipale et de complexes sportifs dignes de ce nom ».
Quant à l’aménagement de l’aéroport de Mayotte, qualifié de priorité par Emmanuel Macron lors d’une visite dans le département en octobre 2019, il a été différé. « On ne la verra pas avant 2050 cette piste longue d’atterrissage. C’est un frein majeur pour le développement aérien et touristique de Mayotte. La volonté politique n’est pas au rendez-vous », regrette Mansour Kamardine, qui déplore : « Depuis la départementalisation, il ne s’est rien fait de sérieux, ni de durable pour Mayotte ».
Les flux migratoires au cœur du débat
Des chiffres alarmants, qui s’expliquent notamment par des flux migratoires importants. Entre 2012 et 2017, 32 500 natifs de l’étranger sont arrivés sur le sol mahorais avec de faibles revenus, principalement venus des îles voisines des Comores. Dans le même temps, 25 900 natifs de Mayotte aux niveaux de vie plus élevés ont quitté l'ile pour partir vers la métropole et La Réunion. Mansour Kamardine estime que le gouvernement « n’a pas mis suffisamment de moyens dans l’endiguement de ces phénomènes de migration, ce qui freine les efforts de développement du territoire ».
À l’inverse, Baptiste Filloux défend la mise en place d’une « zone de libre circulation entre Mahorais et les comoriens des autres iles » pour permettre des relations plus apaisées. Il dénonce l’insuffisance des aides aux plus précaires alors que la préfecture « paye des opérateurs de tourisme pour dénoncer les entrées sur le territoire et reconduire systématiquement à la frontière ». Une stratégie qu’il juge « dangereuse, face à des gens qui sont de toute façon prêts à mettre leur vie en danger pour revenir à Mayotte chercher une meilleure situation économique ».
Après avoir considérablement progressé entre 2005 et 2011, le niveau de vie des Mahorais est reparti à la baisse entre 2011 et 2017 d’après l’Insee, dont l’étude se base sur des chiffres de 2018. « Le salaire minimum est inférieur de 30 % à celui des continentaux et les aides sociales, quand elles s’appliquent, dépassent rarement 50 % de ce qui est proposé en métropole », confirme Mansour Kamardine, partisan d’une loi qui programme un réel rattrapage de l’égalité sociale sur dix ans. « Il y a urgence. Sinon, on risque l’explosion. »
Maud Guilbeault, ©La Croix
Kawéni, à Mayotte, en plein confinement. (Photo David Lemor)
COMMENTAIRES