Anil Ben Aid Said est l’un des étudiants du lycée agricole du Pflixbourg, à Wintzenheim. Un étudiant pas tout à fait comme les autres puisqu...
Anil Ben Aid Said est l’un des étudiants du lycée agricole du Pflixbourg, à Wintzenheim. Un étudiant pas tout à fait comme les autres puisque ce jeune Comorien a dû redoubler de motivation et de persévérance pour avoir accès à un enseignement de qualité. Un parcours du combattant qui lui permet aujourd’hui de se former en Alsace.
C’est dans l’archipel des Comores, plus précisément sur l’île d’Anjouan, qu’Anil Ben Ali Said a grandi, au sein d’une fratrie de onze enfants. Son envie irrépressible d’étudier, ainsi que son statut de fils aîné, lui ont permis, grâce au soutien de sa famille et de sa communauté, de pouvoir accéder à l’enseignement. Mais pour cela, il a dû quitter le nid et s’envoler pour l’île voisine de Mayotte, département français d’outre-mer. « Dans ma famille, personne n’a fait d’études. J’étais le premier à qui on offrait cette possibilité », évoque Anil. En 2014, alors âgé de 15 ans, l’adolescent part vivre chez l’une de ses tantes à Mayotte. « Je suis parvenu à trouver un établissement agricole qui a accepté de m’accueillir, à Coconi », souligne-t-il.
Bon élève, et investi dans la vie sociale de l’établissement - il anime même une émission au sein de la radio du lycée - Anil est un peu la fierté de l’établissement. Ses professeurs se démènent pour lui, croient en son potentiel. À son passage en première , son statut de sans-papiers lui revient cependant en pleine figure. « Pendant cette année, nous devions effectuer un stage en dehors de Mayotte. Le lycée avait noué depuis 2013 un partenariat avec des établissements autrichiens, allemands, mais aussi français, notamment avec le lycée du Pflixbourg, à Wintzenheim, dans le cadre du programme Erasmus + », explique l’étudiant. Mais contrairement à ses camarades de classe, faute de papiers, il n’a pas pu partir de Mayotte. En quelque sorte un échec pour lui.
Un titre de séjour et un visa pour rejoindre l’Alsace
Mais il profitera, quelques mois plus tard, de la venue d’une délégation Erasmus + pour évoquer son avenir scolaire. Il rencontre notamment Marc Oberheiden, ancien professeur d’allemand au lycée du Pflixbourg, mais aussi responsable et traducteur de la coordination de ce projet trinational, qui souhaitait nouer un partenariat avec le lycée mahorais, très investi dans le maraîchage bio. Alors en classe de terminale, Anil souhaite poursuivre ses études, mais son lycée ne propose pas de BTS. C’est donc la métropole ou rien. Ses enseignants font des pieds et des mains, appuyés par le professeur de Wintzenheim, pour que l’étudiant puisse obtenir un titre de séjour, lui permettant de résider sur le territoire français. Document qu’il obtient assez facilement, à Mayotte. En revanche, pour l’obtention d’un visa, les démarches traînent. Et sans ce sésame, impossible pour lui de rejoindre la métropole.
« Je me souviens très bien du jour où je l’ai obtenu. C’était le 2 décembre 2019. Le jour même, j’ai acheté mon billet d’avion et je suis parti le même soir », détaille Anil. Il arrive à Paris par avion, à près de 8 000 km de distance de son pays d’origine, en tee-shirt, en plein mois de décembre. « Je n’avais jamais connu le froid », sourit-il. La chaîne de solidarité qui l’entoure étant toujours son atout numéro 1, l’ami d’un ami, travaillant à l’aéroport, le rejoint pour lui donner des vêtements chauds. Juste le temps pour Anil de monter à bord d’un train en partance pour Strasbourg, où Marc Oberheiden l’attend sur le quai de la gare. Puis direction Wintzenheim ! Il rejoint l’internat de son nouveau lycée, découvre des équipements scolaires au-delà de ses espérances. Les week-ends et les vacances scolaires, c’est chez Marc Oberheiden qu’il les passe.
Un nouveau mode de vie et le manque de sa famille
Un nouveau mode de vie, et des découvertes. Il dit notamment être « tombé amoureux de la gastronomie alsacienne », en particulier de la choucroute, version poisson, le jeune homme étant de confession musulmane. Il découvre aussi une manière d’étudier différente, accentuée par les mesures sanitaires liées au Covid, qui le mène à redoubler sa première année de BTS de production horticole. « Mes professeurs me l’ont proposé. J’ai considéré que si on me le suggérait, c’est que j’en avais besoin », indique-t-il. Des situations auxquelles il s’adapte, mais il y a un manque qu’il ne peut pas combler : celui de sa famille. « Nous nous appelons, mais aux Comores, les communications sont difficiles. Ma famille n’a pas internet par exemple. Je pleure souvent quand j’ai ma mère au téléphone, mais je reste conscient de la chance que j’ai », reconnaît Anil.
Aujourd’hui âgé de 21 ans, le jeune Comorien aimerait devenir enseignant dans la filière agricole. Et si sa bonne étoile le suit, il aimerait surtout obtenir la nationalité française. « Tout ce que j’ai pu rater dans ma vie, c’est parce que je n’étais pas Français. J’espère pouvoir un jour rejoindre Mayotte, pas les Comores, avec une carte d’identité tricolore », projette Anil.
Par Audrey NOWAZYK ©DNA
Anil Ben Ali Said, un jeune Comorien, est arrivé en Alsace en décembre 2019 pour poursuivre ses études au lycée agricole du Pflixbourg, à Wintzenheim. Photo L’Alsace /Audrey NOWAZYK
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