Jusqu’à quand allons-nous laisser nos enfants choisir la clandestinité pour des chimères? La triste tragédie du naufrage du cinq juin...
Jusqu’à quand allons-nous laisser nos enfants choisir la clandestinité pour des chimères?
La triste tragédie du naufrage du cinq juin 2020 au large de la Tunisie qui a endeuillé beaucoup de familles comoriennes est sincèrement désolante. Mes condoléances attristées aux familles ainsi éprouvées.
Je voudrais dans ces circonstances interpeller l’attention et la conscience de tous (parents, étudiants, demandeurs d’emploi, etc.). L’archipel des Comores est peut-être pauvre, mais c’est le seul pays dont nous puissions à coup sûr nous prévaloir. Référons-nous toujours à cet adage courant « il n’y a pas de petit chez soi » ("wovamru kovayi") ; ou encore au coran ( "wa lainshakartum, laazîdannakum ; walainkafartum, inna andhâbî lashadid"), car la moindre des choses dans ce bas monde est entre autres de remercier Dieu du peu qu’on a, du peu qu’il nous a donné.
L’écrivain et philosophe existentialiste français Jean-Paul Sartre (du 20è siècle) nous a lui aussi légué matière à méditer d’après laquelle l’essentiel pour l’homme, c’est ce qu’il fait de ce qu’on a fait de lui. Ce qui ne sous-entend pas qu’il faille recourir à tous les extrêmes.
Que faire ? Il n’y a pas d’offres d’emploi, me dira-ton. Mais il faut tout autant admettre qu’ « il n’y a pas de sot métier ». Nos demandeurs d’emplois sont-ils obligés de ne songer qu’à ceux de la fonction publique quand d’autres personnes quittent cette dernière à la première opportunité rassurante? Pourtant les chômeurs qui ont choisi l’agriculture, la pêche ou les métiers de foresterie s’en sortent bien. Il y a aussi le commerce (formel ou pas), et l’artisanat qui totalise à lui seul plus d’une centaine de métiers.
A ceux qui ont envie de rétorquer que tout cela demande au préalable un capital, je fais remarquer que chaque voyage consistant à rejoindre un passeur (pour une entrée payante mais clandestine en Europe) a lui aussi nécessité un budget, plus consistant celui-là. Il est temps donc pour nous, parents d’élèves ou d’étudiants, d’arrêter d’envoyer nos enfants à la mort ; il est de notre devoir de refuser toute proposition irréaliste.
En 2018, un de mes jeunes amis (de niveau master 1 en droit s’il vous plait) m’a informé de son intention d’opter pour la voie de la clandestinité afin d’entrer en France via la Tunisie et l’Italie. J’ai eu tout le mal du monde à réussir à le convaincre qu’avec les moyens à sa disposition, il pouvait légalement entrer dans n’importe quel pays Schengen. Ce qui a été fait depuis. Si l’objectif des étudiants comoriens est de terminer un cycle universitaire à l’Extérieur pour revenir après avec un diplôme plus côté, pourquoi na pas aller par exemple à Port Louis, Bujumbura, Djibouti, Addis-Abeba, Alexandrie, Nouakchott, Dakar, Tunis, Alger ou Rabat ?
Sinon Bucarest, Sophia ou Istanbul ? Mais ce n’est pas ce qui est le plus utile pour nos jeunes diplômés : il faut plutôt leur conseiller l’entrepreneuriat pour que chacun devienne son propre patron. Se débrouiller ici et maintenant, c’est ce qui leur est prioritaire et non la fuite des cerveaux. Si chaque parent doit se saigner aux 4 veines, que ce soit au bénéfice de sa progéniture et non à celui des passeurs ou propriétaires de kwassas.
Antoy Salime, chargé de formation à l’Administration comorienne des douanes
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