Un arrêté publié le 7 avril dernier permet la détention d’armes de catégories D pour les Equipes mobiles de sécurité du rectorat, qui dép...
Un arrêté publié le 7 avril dernier permet la détention d’armes de catégories D pour les Equipes mobiles de sécurité du rectorat, qui dépendent de l’Education nationale. Une décision qui s’inscrit dans un climat social tendu, à l’heure où les violences d’état se multiplient, et montre le caractère colonial de l'Etat français.
Depuis le Journal officiel du 7 avril, les agents de Mayotte pourront disposer d’une arme de catégorie D. Un arrêté autorise l’Education nationale à armer les Equipes mobiles de sécurités. Elles pourront se servir de matraques ou de tonfas. Quand les EMS avaient été à l’origine constituées dans un but éducatif, cet arrêté institutionnalise leur transformation en police supplétive. Un traitement différentié de la métropole qui montre à lui-seul le caractère colonial de sa domination sur Mayotte.
Ces agents, sous la direction du recteur d’académie, ont pour tâche officielle la prévention de la violence autour des établissements. Le vice-recteur de Mayotte Gilles Halbout le rappelle : « Il est vrai que leur mission c’est de faire de la médiation. » et explique que « leur équipement, ce n’est pas pour remplacer les forces de l’ordre, mais pour se protéger ».
C’est à des spécialistes du maniement de la matraque, que les EMS devront faire face, puisque c’est la gendarmerie nationale qui les formera. Riche idée, sinon surprenante quand on a en tête la tension permanente de la police et de la gendarmerie à faire acte de prévention ; quand il est acté que la prévention de la violence est toujours moins efficace sans l’usage de la matraque, quand pour les élèves de Mayotte la prévention de la violence passera par la rencontre avec le tonfa d’un policier, ah non d’un fonctionnaire de l’Education nationale.
Une décision qui interpelle nombre d’enseignants
La nouvelle ne passe pas, elle ne fait pas l’unanimité chez les enseignants de l’île. Emilie, une enseignante réagit dans un article de StreetPress : « Ça ne m’étonne pas. Certains EMS ont déjà des matraques télescopiques. On assiste depuis des années à une escalade de la violence ». Quentin Sedes, représentant CGT Education ajoute : « En faisant ça, l’institution intègre la violence dans le système. », son collègue Bruno Dezile continue : « Pour nous, l’urgence n’est pas là, on ne voit pas ce que le fait de les armer va changer de plus [...]. Ça risque d’être pris comme une provocation et d’inciter plus à l’affrontement qu’à l’apaisement ».
Ce saut sécuritaire à L’Education nationale, pris en charge par le ministre ne peut et ne doit être accepté face au risque de son essaimage. Une nouvelle fois la réponse à une crise sociale est autoritaire quand les budgets sont réduits ailleurs, quand le manque de moyens est criant dans l’Education nationale, et ce particulièrement à Mayotte : « On constate des restrictions budgétaires, des réductions d’effectifs au prorata du nombre d’élèves, et on nous propose des équipements pour sécuriser les établissements alors qu’on manque de CPE pour encadrer les élèves. C’est inquiétant. » s’inquiète Quentin Sedes.
Toujours moins de moyens, une réponse autoritaire à la crise sociale
En 2018, une grève générale de près de deux mois avait fait éclater au grand jour la situation inquiétante de l’île, quand l’insécurité y est grandissante. L’intersyndicale exigeait des moyens pour les services publics, de l’éducation aux infrastructures routières, en passant par la santé.
L’Etat, soutenu par la presse dominante, avait alors tenté de conférer à la colère sociale un contenu réactionnaire, en se saisissant de l’ire des mahorais contre la misère et la violence, inéluctable conclusion de la pauvreté, pour la mettre sur le dos de l’immigration des Comoriens des autres iles, et autres archipels voisins. La question de l’insécurité devenant un argument pour renforcer son tournant sécuritaire, et ce maintenant jusqu’à l’éducation nationale, un prétexte pour ne pas répondre aux exigences de moyens, et enfin un moyen de légitimer l’envoi de troupes supplémentaires pour appuyer le contrôle de l’impérialisme français sur son vassal insulaire.
Ce tournant autoritaire, aujourd’hui opérant jusque dans les écoles, ne s’attaque jamais aux origines de la violence sur l’île. Quand la pauvreté est extrême et que 84% de la population vit sous le seuil de pauvreté, quand plus de 5000 jeunes vivent sans leurs parents, expulsés vers les autres iles des Comores, et que 35% des 15-64 ans n’ont pas d’emploi, quand les infrastructures sont défaillantes l’Etat choisit de répondre aux cailloux et à la colère par la matraque, la gazeuse et le LBD. Le 1er février 2020, la ministre des Solidarités et de la Santé, annonçait 1,9 million d’euros pour le plan pauvreté de Mayotte, en 2018 l’intersyndicale exigeait 1,8 milliards.
L’arrêté du gouvernement, du 7 avril, stipule donc que « "le ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse peut acquérir et détenir des matraques de type bâton de défense ou tonfa, matraques télescopiques et tonfas télescopiques, relevant de la catégorie D ». Nouvelle offensive autoritaire, d’un gouvernement qui, jusque dans ses écoles, répond à la misère par la matraque. En parallèle le manque de moyens, à l’heure du Coronavirus, se révèle de façon toujours plus amère quand le cap des 200 cas a été franchi, et qu’une terrible catastrophe sanitaire semble s’y annoncer.
Par Nathan Erderof ©Révolution Permanente
Par Nathan Erderof ©Révolution Permanente
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