Des militaires distribuent la tisane contre le coronavirus dans le centre d'Antananarivo, la capitale malgache, le 22 avril 2020. (RIJ...
Des militaires distribuent la tisane contre le coronavirus dans le centre d'Antananarivo, la capitale malgache, le 22 avril 2020. (RIJASOLO / AFP) |
La société civile malgache est vent debout. Elle dénonce "un excès de communication politique au détriment de la parole des experts médicaux".
Dans les ruelles de la capitale Antananarivo, c'est l'armée qui a reçu la mission de livrer à domicile une potion gratuite du Covid-Organics, censée protéger du coronavirus. Des militaires malgaches en uniforme font donc du porte-à-porte avec des sachets de tisane sous le bras, accompagnés du mode d'emploi de ce produit conçu par l'Institut malgache de recherche appliquée (IMRA).
Un sachet pour quatre litres d'eau, à prendre à raison de deux verres par jour pour un adulte, et un verre pour les enfants. C'est interdit aux femmes enceintesMode d'emploi de la tisane Covid-Organics fourni aux habitants
Si de nombreux Malgaches ont accueilli à bras ouverts la distribution inattendue et gratuite de ce remède traditionnel vanté par leur président, Andry Rajoelina, "l'opération tisane" n'est pas du goût de tout le monde. La distribution du Covid-Organics a même suscité une vive polémique depuis qu'il a été donné à consommer par les élèves qui ont repris le chemin de l'école la semaine dernière. Certains ont refusé de s'y soumettre sans avoir obtenu l'accord de leurs parents, rapporte la presse malgache. "Chaque parent est bien évidemment libre de ne pas autoriser son enfant à le prendre", explique la directrice de cabinet du président, Madame Lova Ranoramoro
"Pas assez de place à la parole des experts médicaux"
Depuis quelques jours, la société civile est vent debout dans la Grande Ile de l'océan Indien. Des réactions se sont multipliées pour dénoncer la distribution du Covid-Organics dans les établissements scolaires. Certaines organisations invoquent les dispositions de la Constitution malgache pour justifier leur rejet.
Il est interdit de soumettre une personne, sans son libre consentement, à une expérience médicale ou scientifique
Article 8 de la Constitution malgache
L'Express de Madagascar du 25 avril 2020
Toute forme de contrainte est donc inadmissible, note un communiqué signé par plusieurs associations de la société civile malgache. Elles dénoncent aujourd'hui "un excès de communication politique au détriment de la parole des experts médicaux". C'est ce que pointe aussi Transparency International sur sa page Facebook. L'organisation réclame la totale transparence des recherches et des expérimentations médicales du Covid-Organics sur la santé publique.
"Les déclarations de la société civile justifient les doutes de plusieurs entités et notamment les membres de l'Académie nationale de médecine sur l'efficacité du remède", écrit Transparency International, citée par l'Express de Madagascar.
Le journal précise toutefois qu'après une rencontre avec le chef de l'Etat malgache, l'Académie de médecine a fini par lever ses doutes concernant le Covid-Organics. Elle avait mis en garde contre l'utilisation d'un remède dont "les preuves scientifiques n'ont pas encore été élucidées". Dans un nouveau communiqué publié dans la soirée du 24 avril, l'Académie de médecine ne s'oppose plus à la distribution du produit. Toutefois, elle tient à préciser que le Covid-Organics n'est pas un médicament, mais plutôt "un remède traditionnel amélioré".
"L'Académie ne s'oppose pas à son utilisation sous forme de décoction et la laisse à la libre appréciation de chacun, sous réserve de respect de la dose indiquée, notamment pour les enfants", indique le communiqué remis à la presse. Il est toutefois recommandé de mettre en place un système de suivi des personnes ayant consommé le "Tambary CVO", terme utilisé par l'Académie pour désigner la décoction Covid-Organics.
"Des méthodes pas bien scientifiques"
Mais si l'Académie de médecine ne déplore plus l'absence de preuves scientifiques concernant ce remède, sa nouvelle prise de position est loin de faire l'unanimité au sein de la communauté scientifique de la Grande Ile. Le doyen de la faculté de médecine de Toamasina, dans l'est de l'île, est parmi ceux qui tirent la sonnette d'alarme contre "les méthodes pas bien scientifiques" autour de cette tisane. Rejoignant ainsi les grandes réserves émises par l'Organisation mondiale de la santé après le lancement du remède malgache.
Martin Mateso, Rédaction Afrique France Télévisions
Martin Mateso, Rédaction Afrique France Télévisions
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