Coronavirus - Mayotte/Anjouan : L’impossible frontière Dans le sens de Mayotte ou vers Anjouan, la valse des kwasa donne le tournis. ...
Coronavirus - Mayotte/Anjouan : L’impossible frontière
Dans le sens de Mayotte ou vers Anjouan, la valse des kwasa donne le tournis. Paradoxalement, c’est sur les côtes anjouanaises, que se joue le cache-cache entre forces de sécurité et les revenants de Mayotte qui fuient le coronavirus.
Beaucoup de monde sur le pont de la lutte contre le coronavirus. Les détachements de l’armée comorienne renforcés par des éléments dépêchés de Moroni, les forces de la gendarmerie stationnées sur place, les responsables communaux et les chefs de village travaillent au coude à coude. Objectif, repérer les embarcations qui reviennent de Mayotte et interpeller les passagers pour prévenir la propagation du virus sur le reste de l’archipel, alors est déjà à son 30ème cas détecté.
Si une simple note des autorités sanitaires et du ministère des transports a suffi pour suspendre depuis les liaisons maritimes et aériennes entre Mayotte et les autres îles comoriennes depuis déjà une semaine, fermer la frontière aux kwasa relève par contre du branle-bas de combat. De jour comme de nuit, ces acteurs militaires et civils scrutent les côtes anjouanaises. Mais le résultat est maigre pour l’instant. Musbah Chabani, maire de la commune de Ongojou dans le Nyumakélé concède seulement quatre personnes identifiées et transférées à l’école de police de Mbouyoujou, réquisitionnée pour accueillir les personnes placées en quarantaine.
C’est dire la difficulté de cette bataille en mer contre des embarcations aussi imprévisibles que l’est le coronavirus. Quatre jours après le lancement de l’opération interception des kwasa en provenance de Mayotte, « aucune embarcation n’a été interceptée sur site », avoue le maire de Ongojou comme pour souligner l’ardeur de la tâche. Mardi après-midi, des kwasa ont été signalés à Kangani et Sandapoini, toujours dans le Nyumakelé. Mais comme souvent, les passagers disparaissent dans la nature. Ironie de l’histoire, comme lorsqu’ils arrivent à Mayotte, les kwasa déchargent leurs passagers et repartent incognito.
Un véritable casse-tête pour les autorités sanitaires qui craignent que des porteurs éventuels du virus ne le propagent dans leur entourage familial, ce qui présagerait un scénario catastrophe. D’où le rôle pédagogique attendu des responsables municipaux et des chefs des villages d’appeler à la prise de conscience des familles pour aider les autorités à localiser les arrivants. L’opération concerne les gens qui reviennent de Mayotte depuis la suspension des liaisons régulières il y a près de 5 jours.
Parmi les revenants, certains sont en situation régulière à Mayotte, explique le maire de Ongojou. Mais la plupart « sans papiers français » et vivant de petits boulots, « ne peuvent plus se rendre dans les champs à la suite des mesures de confinement décidées par les autorités de l’île». Mais, pour Musbah Chabani, il y a une raison cachée. «La plupart des gens préfèrent se soustraire à la mise en quarantaine, de peur d’être montrés du doigt comme porteur du virus ». Un sentiment de « honte » qui convainc malheureusement les familles à protéger les leurs. C’est cette barrière sociologique que les autorités doivent réussir à faire tomber en impliquant tous les acteurs de la société et peut-être aussi en offrant de meilleures conditions de prise en charge pour que la mise en quarantaine soit acceptée comme une mesure de précaution médicale et non un isolement de pestiférés.
E. M. (article paru dans Al-Fadjr du 25 mars 2020)
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