Que faire pour réduire le taux de mortalité dans notre pays ?

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Les annonces répétées sur internet des décès des jeunes compatriotes survenant dans nos hôpitaux aux Comores doivent inquiéter tout un ch...

Les annonces répétées sur internet des décès des jeunes compatriotes survenant dans nos hôpitaux aux Comores doivent inquiéter tout un chacun. Bien que vivant depuis plus de 30 ans loin de mon pays natal, je partage la souffrance de ces comoriens d’en bas qui paient les pots cassés de la mauvaise politique sanitaire des gouvernements successifs.

Avec plus de 150 médecins et des infirmiers au chômage, dans un petit pays comme le nôtre, il apparaît donc qu’il se pose plutôt un problème d’organisation que d’effectif médical ou paramédical. Il faut rappeler aussi qu’en matière de locaux médicaux notre pays se place en très bonne place par rapport à de nombreux pays Africains et d’ailleurs.

Dans un précédent billet, j’avais tiré la sonnette d’alarme sur le drame sanitaire, sans aucun écho car, dans notre pays le souci majeur des politiques demeure ; la conservation du pouvoir pour les uns et la reconquête pour les autres. Les journalistes comme les internautes s’intéressent aux sujets sur les politiques politiciens en occultant la situation catastrophique sanitaire qui prévaut dans notre pays. Je me contenterai à dire avec magnanimité que notre peuple a les autorités qu’il mérite. 

Quel pays ? C’est le mien et je l’aime toujours d’où mon combat avec l’arme qu’est la mienne, l’écriture qui ne diffuse pas des insultes ni des critiques stériles mais des propositions. Sans compromission je continuerai ma démarche désintéressée laquelle se limitera à faire des propositions concrètes aux décideurs à partir de mon expérience personnelle et familiale dans le domaine de la santé. Car, assumer des responsabilités politiques est mon dernier souci et surtout que je me sens plus utile à ma place de chirurgien. Je dirais tout simplement que je hais la politique mais pas les politiciens que je respecte par ailleurs pour leur talent que je ne possède pas.

En effet, fils d’un infirmier, j’ai pu vivre l’évolution du système de santé depuis mon bas âge jusqu’à maintenant, bien que j’exerce loin des Comores puisque je garde toujours des contacts étroits avec les professionnels de santé des toutes les îles. En fait, avant de débuter mes études de médecine à l’étranger, j’ai découvert le milieu médical d’abord dans mon village natal où mon père, monsieur Abdou Ada alias Médecin, a exercé pendant plus de 30 ans d’où son surnom de Médecin, après Bambao Mtsanga et Hombo Mutsamudu. Une période révolue où l’infirmier faisait fonction de médecin en faisant des prescriptions médicales et des accouchements voire même des sutures et des contentions sur attelle pour fractures.

Ainsi, j’ai gardé en mémoire le rangement des stocks de médicaments dans les armoires et les registres sur lesquels tout était consigné y compris le nom et prénom du bénéficiaire, le nombre de comprimés d’aspirine ou de cuillère de nivaquine, et la dose de pénicilline ainsi que la voie d’administration pour chaque patient. Le rapport mensuel avec cette traçabilité sous le contrôle du docteur Amada Oifakana, le médecin inspecteur, qui chapeautait les dispensaires de l’île d’Anjouan était exigée avant la livraison en médicaments entre autres. 

Une organisation qui permettait à la fois d’évaluer la situation sanitaire réelle dans l’île et d’apprécier le fonctionnement des dispensaires. Estimant que l’équipement de base de ces dispensaires ne pourrait pas dépasser 1 million de francs Comoriens pour chaque localité et qu’avec le nombre de médecins en quête de travail, je suggérais de faire fonctionner les dispensaires, comme il y a plus de quarante ans sous le contrôle d’un médecin régional qui doit rendre compte tous les mois au commissariat de l’île, du fonctionnement de chaque dispensaire, avant la dotation mensuelle. Pour attirer les médecins dans ces dispensaires des villes et villages, il serait judicieux de leur accorder 2 demi- journées de consultations privées par semaine correspondant à 2 matinées ou 2 après-midis. 

Concernant les centres médicaux périphériques, on peut appliquer le même principe que pour les dispensaires, mais il faut créer des consultations- dites avancées en France -consistant à faire venir au moins 2 fois par semaine les différents spécialistes exerçant dans les hôpitaux de Moroni, Mutsamudu et Fomboni. Il est révolu le temps où l’activité d’un praticien était limitée à un seul centre. A titre d’exemple en ce qui me concerne comme d’autres confrères exerçant en France, je dois consulter chaque mercredi dans un hôpital à plus de 70 km de mon lieu d’affectation initiale. 

C’est donc moi qui dois me déplacer vers les malades qui n’ont plus de services de chirurgie car la politique actuelle consiste à regrouper les moyens humains et matériels pour plus d’efficacité, mais aussi c’est plus économique et humain de faire déplacer une personne au lieu d’une vingtaine de patients pour une prestation équivalente. Il s’agit d’un exemple concret à suivre avec nos petits moyens au lieu de créer des centres médicaux et de maternités dans chaque village avec les conséquences qu’on connait faute de personnels qualifiés et de moyens matériels. 

Une situation nouvelle qui crée une inégalité de soins entre le citadin qui peut accoucher ou être opéré dans le grand centre et, le villageois qui se contente du centre de santé de sa contré. Une autre aberration qui passe inaperçu au sein de la population, mais bien connu dans le milieu médical aux Comores, compte tenu de nouvelles complications liées aux retards de diagnostics chez les patients qui sont initialement pris en charge dans les centres périphériques. Au moment où les grands centres hospitaliers connaissent une crise sans précédent, il faut s’attendre au pire dans les petits hôpitaux périphériques.

Afin de minimiser la casse dans ces centres de santé périphériques et garantir une égalité de soins entre les citoyens des villes et des campagnes, il faut développer le transport médicalisé en favorisant la création de sociétés privées et publiques avec es ambulances dans chaque région de telle sorte que partout dans le territoire national un patient puisse être pris en charge dans les grands centres hospitaliers en moins de 20 mn.

Quant aux centres hospitaliers, les problèmes qui se posent sont totalement différents mais les plus saillants sont :

- le manque d’électricité d’une manière continue
-l’absence d’un service d’imagerie digne de ce nom (pas de radiologue)
-un service de biologie défaillant faute de moyens
-le coût onéreux du séjour en réanimation et insuffisance de personnels qualifiés

Ainsi s’impose en urgence :

1/L’électrification des centres hospitaliers de Moroni, Fomboni et Mutsamudu par des panneaux solaires. Avec moins de 10 millions de Fc le montant équivalent du prix de 2 billets première classe Moroni Paris pour le déplacement d’une autorité, on pourrait assurer l’installation de panneaux solaires pour chaque hôpital.

2/Le recrutement d’un radiologue s’impose à Moroni et à Mohéli quitte à faire venir un étranger. Mutsamudu dispose d’un radiologue mais il manque l’appareil alors qu’il en existe dans les autres centres y compris dans l’hôpital de Bambao La Mtsanga où le matériel commence à moisir en attente d’une hypothétique réorganisation.

3/Réhabilitation des services de biologie avec un souci de mutualiser les moyens comme suit :

-Toutes les analyses courantes doivent être pratiquées dans un seul laboratoire à Moroni, à Fomboni et à Mutsamudu pour des raisons d’efficacité et de coût (réactifs onéreux). Pour ce faire les prélèvements se feront dans les dispensaires tôt chaque matin et acheminés ensuite jusqu’au laboratoire central dans une glacière par le premier transporteur en Commun du village. Le développement de cabinets privés d’infirmiers, dans les grandes villes, capables d’effectuer des prélèvements pour analyses biologiques entre autres soins, pourrait décongestionner l’afflux des patients dans les centres hospitaliers.

-Toutes les analyses spéciales onéreuses et peu courantes doivent être regroupées dans une seule île pour plus d’efficacité et surtout dans un souci de minimiser le coût des soins à la charge des patients.

-Tous les examens histologiques doivent se faire à l’étranger dans le même laboratoire, le plus intéressant par rapport à sa fiabilité et au coût des analyses. Force est de constater qu’au jour d’aujourd’hui il n’est pas opportun de pratiquer les examens histologiques aux Comores compte tenu de la faible demande et le manque de personnel qualifié expérimenté. La qualité voire la fiabilité des résultats histologiques exige une grande activité et une longue expérience. Il faut savoir que la décision d’un chirurgien d’amputer un organe ou de mettre en place traitement complémentaire à base de chimiothérapie onéreuse ou de radiothérapie à l’étranger dépend des résultats de l’histologie. Une grande responsabilité lourde de conséquence.

4/Réorganiser, avec l’aide ce service de réanimation lequel serait équipé d’un matériel moderne avec l’aide des praticiens étrangers tout en formant les médecins locaux. Ainsi le jumelage de nos centres hospitaliers avec des CHU de France avec pour objectif premier le transfert du savoir-faire médical à nos médecins dans le cadre d’une formation continue pendant 5 ans, me paraît comme la meilleure des solutions. 

Cette nouvelle voie me paraît plus utile pour notre pays que le don de médicaments et de compresses dont nos hôpitaux en bénéficient depuis son accession à l’indépendance, sans aucune amélioration de la qualité des soins. Il faut aussi rappeler que nos praticiens pourraient prendre en charge sur place, 90% des patients évacués chaque année à l’étranger faute de service de réanimation digne de ce nom. Les locaux et le matériel moderne dernier cri ne suffisent pas seuls, bien qu’indispensables pour des meilleurs soins ; il faut une organisation des soins et un savoir-faire.

Il appartient également aux autorités de réviser à la baisse le prix de séjour en réanimation tout en préservant la qualité des prestations. Sur ce, les conditions d’admission en réanimation doit être rigoureux et basé sur des critères médicaux catalogués, objectifs donc bien définis.

Enfin, concernant la reconstruction d’El Maarouf, il faut avouer qu’il s’agit d’une bonne initiative compte tenu de la vétusté des anciens locaux. Par contre le regroupement de beaucoup de services sur le même site risque de poser de problèmes de financement pour accueillir les patients au moment où rien n’est fait pour réhabiliter les hôpitaux périphériques pour prendre en charge les pathologies moins lourdes ne nécessitant pas une admission dans un service spécialisé. 

Le mieux serait de réserver le centre de d’El Maarouf pour recevoir uniquement les pathologies lourdes qui nécessitant actuellement des évacuations à l’étranger telles que les AVC, les maladies cancéreuses entre autres…. Pour ce projet phare El-Maarouf, je crains fort la désillusion et dans un prochain billet je présenterai mes craintes et des propositions pour sa réussite, car j’ai le sentiment que les politiques ignorent certaines réalités sur le fonctionnement d’un hôpital et qu’il appartient aux praticiens médicaux d’apporter leur contribution pour éviter les écueils.

Docteur Abdou Ada Musbahou
Chirurgien des hôpitaux
France

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