Rien de plus étonnant qu’un petit pays comme le nôtre, peuplé de moins d’un million d’habitants, avec autant de désordres dans tous les d...
Rien de plus étonnant qu’un petit pays comme le nôtre, peuplé de moins d’un million d’habitants, avec autant de désordres dans tous les domaines. Rien n’est à sa place. Rien ne fonctionne avec logique, ni dans notre vie quotidienne, ni dans le fonctionnement des institutions.
Il ne s’agit pas ici de faire état d’un pessimisme exagéré. Non. C’est juste un constat. Il suffit de prendre un recul, de s’observer, d’observer la société. On est frappé par le degré de désordre qui envahit tous les espaces et qui ne produit que de la souffrance.
Il ne s’agit pas ici de faire état d’un pessimisme exagéré. Non. C’est juste un constat. Il suffit de prendre un recul, de s’observer, d’observer la société. On est frappé par le degré de désordre qui envahit tous les espaces et qui ne produit que de la souffrance.
Déjà, à l’école on vit et revit le désordre. Quand les examens nationaux approchent par exemple, les élèves doivent certifier les bulletins pour constituer leurs dossiers. Vous croyez que c’est une formalité ? Eh bien non. C’est un parcours de combattant, qui dure souvent plus d’un jour, avec des files d’attentes devant le Ministère de l’éducation, bloquant le fonctionnement des services de l’institution, troublant les cours dans les établissements, pénalisant des élèves parfois qui viennent de loin, tout cela parce qu’on veut certifier et contrôler des bulletins. Oui des bulletins.
Arrivés à l’université, les étudiants sont déjà entraînés à souffrir. Et ils continuent à souffrir. Ils doivent payer le droit d’inscription. C’est le désordre. Des milliers d’étudiants, envahissent les bureaux de poste de la capitale, passant des heures, voire des jours pour pouvoir payer le droit d’inscription. Pourquoi les élèves ne paient pas dans l’administration de leur université ou leur faculté ?
Parce qu’il y a un certain désordre dans ces lieux qui rend le paiement risqué. Prendre le bus pour aller à la fac ? C’est la force des muscles qui compte. On ne fait pas la queue, on se bat, quitte à bousculer les filles qui ne tarderont pas à s’endurcir pour pouvoir suivre les cours. Même dans l’enceinte de l’université, le désordre n’est pas absent. Pour trouver une place en cours, certains élèves courageux se trouvent sur site bien avant la levée du soleil, car les tables bancs sont insuffisantes pour servir tout le monde.
En cours de journée, l’étudiant doit se débrouiller pour manger, si les moyens le permettent, afin de gagner des forces, tout en surveillant son estomac, priant le Seigneur de ne pas avoir un besoin naturel pressant, car le désordre a fait que les toilettes sont quasi inexistantes. Cette culture de désordre et de combatcrée dans l’inconscient un sentiment de normalité qui conditionne le comportement de ces jeunes, qui sont les responsables et décideurs de demain.
Autre constat et à titre d’illustration. Dans les démarches administratives, le citoyen lambda, parfois un « je viens », a besoin d’un extrait de naissance. C’est le traumatisme. Où doit-il aller ? A la préfecture d’abord, ou à la mairie, à condition que par chance l’imprimé n’est pas en pénurie. Oui, c’est une « denrée » souvent en rupture de stock. Ensuite, au palais de justice, pour aller passer une journée, voire plus pour obtenir le précieux document. Pourquoi tant de souffrance et de stress dans la relation entre le citoyen et l’administration ? Tout cela par ce que rien n’est ordonné.
Si on continuait à peindre le tableau, on ne constaterait qu’un désordre dans tous les secteurs. Mais pourquoi cette situation perdure ? Pourquoi on complexifie ce qui devrait être simple et évident ? La réponse est simple. Le désordre arrange. Il n’arrange pas la société peut-être. Mais certains acteurs en tirent profit au détriment de l’intérêt général.
Rien de plus facile, si l’on veut tricher, que lorsque le désordre règne. Le flou permet de se faufiler entre les mailles du filet sans avoir à rendre compte.
D’ailleurs ceux qui devraient demander des comptes ont leur part de désordre qu’ils veulent préserver. Le schéma institutionnel aura du mal à s’ordonner, vu que le désordre permet à beaucoup d’obtenir des postes, des titres, improductifs peut-être mais comblant la vanité et l’appétit de la culture du paraître.
Dans les administrations, il sera difficile de mettre en place des procédures, des normes, des règles qui peuvent pénaliser un supérieur incompétent et illégitime, promouvoir un bon élément à qui on veut barrer la route, ou empêcher un certain robinet de bien fonctionner. L’incompétent est ravi du désordre ambiant qui le protège de l’obligation de résultat dans la mesure où tout le monde est pareil. Dans tout désordre constaté, il est souvent voulu ou du moins toléré permettant de remplir des distributions à plus qu’un acteur.
Pour développer notre pays, il faudrait que l’Etat assume son rôle de régulateur et de garant de l’intérêt général, dans le respect strict des lois et des règlements en toute transparence et dans un esprit de redevabilité. Mais aussi, chacun de nous doit assurer sa responsabilité dans sa zone d’intervention et sa sphère d’influence. Si chacun rangeait son petit désordre la situation s’améliorerait.
C’est très commode de crier au loup,de dire que ce pays est vraiment perdu alors qu’on contribue soi-même à l’enfoncer en profitant du désordre. Cette prise de conscience doit produire du changement dans notre manière d’être et de faire pour contribuer de manière significative à mettre en place l’ordre et la tranquillité pour l’intérêt de tous.
Mohamed Ibrahim Abdallah
Ancien Candidat à l’élection des gouverneurs de Ngazidja
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