L'époque étant à la chasse aux diplômes, il serait peut-être temps de rappeler combien ces derniers ne garantissent en rien l'excel...
L'époque étant à la chasse aux diplômes, il serait peut-être temps de rappeler combien ces derniers ne garantissent en rien l'excellence de celui qui les collectionne.
Je connais des gens et non des moindres qui sont tellement bardés de diplômes que leur bureau ne suffit pas pour afficher la liste complète de leurs réussites universitaires. Ils les collectionnent comme d'autres les bonnets d'âne ou les boîtes à camembert. Ils sont sortis majors de leur promotion, ils ont fréquenté l'élite des classes préparatoires, ils se sont assis sur les bancs de nos grandes écoles les plus prestigieuses, ils ont des doctorats en pagaille, des licences à revendre, des maîtrises à ne savoir qu'en faire dans des domaines si variés que rien de ce qui se passe dans ce bas-monde ne leur est étranger.
D'ailleurs, ils savent tout sur tout.
Ils peuvent aussi bien pérorer pendant des heures sur l'influence de Cervantès dans les romans de jeunesse de Garcia Marquez que de disserter jusqu'à l'aube à propos des différences d'approche entre les tenants de l’École de Chicago et celle de Manchester; ils connaissent sur le bout des doigts Beaumarchais et Bourdieu, Mozart et Mahler, Picasso et Picabia; ils sont cultivés au point de pouvoir réciter en grec ancien des passages entiers de l'Odyssée; ils ont lu les Évangiles, le Talmud, le Coran; rien ne saurait leur échapper et comme ils aiment à cultiver une petite part d'excentricité afin de se démarquer de leurs camarades de promotion, si vous les poussez dans leurs derniers retranchements, ils avoueront en rougissant une faiblesse pour la chanson française, notamment Joe Dassin dont ils connaissent les moindres refrains de ses chansons –surtout «Les Dalton». [...]
Bêtes à en pleurer
Pourtant à bien y regarder, quand vous les écoutez pour de vrai –enfin certains, hein, pas tous!– lorsque vous les surprenez dans le cadre de leurs conversations familiales, au beau milieu de leurs vies quotidiennes, vous êtes surpris de constater à quel point ils sont immensément bêtes, bêtes à en pleurer, si bêtes que vous restez là à les contempler comme ces animaux de foire capables de jongler avec des oranges mais qui une fois leur numéro achevé, se montrent infichus de redescendre du tabouret d'où ils se tenaient.
À aucun moment, vous ne devinerez chez eux cette palpitation du sentiment, ce scintillement de la pensée, cette gourmandise de l'esprit, ce pétillement des sens qui attesteraient de leurs réelles dispositions intellectuelles.
C'est que les diplômes, tous les diplômes, ne viennent jamais célébrer l'audace ou la truculence ou la sensibilité d'un candidat mais juste sa propension à recracher en temps et en heure ce que son esprit aura retenu de ses heures passées à étudier les savants ouvrages recommandés par le corps professoral. Ni plus ni moins. La seule et unique qualité d'un diplômé c'est sa vertu à ingurgiter tout un tas de connaissances sans jamais les questionner, dans cette obésité du savoir qui, s'appuyant sur une mémoire infaillible et un vernis de talent, permet à un individu de plastronner le jour de l'examen tout en demeurant, à l'intérieur de lui, un parfait et somptueux crétin. [...]
Évidemment, afin d'être tout à fait honnête, il nous faudrait encore caractériser ce qu'est l'intelligence, en dessiner ses contours afin de définir ses détours –à moins que ce ne fût le contraire– mais c'est là, je crains, une entreprise dont je ne saurais me charger: je suis à peine licencié!