MAB Elhad est un poète que l’on ne présente plus aux Comores. Après avoir dynamisé la poésie de son pays et occupé des fonctions importante...
MAB Elhad est un poète que l’on ne présente plus aux Comores. Après avoir dynamisé la poésie de son pays et occupé des fonctions importantes, il se tourne maintenant vers le continent pour échanger, partager et présenter sa plume ainsi que son âme. Ses vers figurent sur les billets de sa patrie et méritent d’être exportés. AFRIK.COM a rencontré pour vous ce grand poète assurément Africain.
AFRIK.COM : Bonjour MAB Elhad, quelle est votre réelle identité et qui êtes-vous ?
MAB Elhad : Bonjour, permettez-moi tout d’abord, de vous remercier de m’avoir accordé cette interview. Je saisi cette opportunité pour saluer la volonté, les efforts considérables et le dévouement dont a toujours su faire preuve AFRIK.COM pour nous instruire et nous informer dans tous les domaines contribuant de la sorte, à l’épanouissement de ses internautes au siècle de l’émergence, en faisant de nous des témoins oculaires de l’évolution de notre temps et du développement de notre continent. Pour revenir à votre question, je suis ABDEREMANE BOINA Mohamed, connu sous le pseudonyme de MAB Elhad.
Je suis né le 15 Septembre 1968 à Moroni, capitale de l’Union des Comores. Après avoir fréquenté le Lycée public Saïd Mohamed Cheikh jusqu’en classe de 3ème, j’ai poursuivi ma scolarité au Collège de La Ferrière à Orvault-Nantes, de 1980 à 1983, avant d’opter pour le Lycée Agricole de Luçon en Vendée où j’ai poursuivi un Brevet Professionnel Agricole en élevage bovin de 1983 à 1985. A mon retour aux Comores en 1985 j’ai exercé les fonctions de Responsable du département de préparation des Provix à la station avicole de Daché, relevant du Centre Fédéral d’Appui au Développement Rural. En 1987, ne supportant plus la monotonie de la tâche et ayant compris que les rêves que je nourrissais heurtaient la réalité du quotidien, je me suis engagé dans l’armée comorienne sous les couleurs de la Gendarmerie nationale.
Après avoir acquis mon Diplôme d’Officier de Police Judiciaire, je suis retourné en France en 1989 me perfectionner en Police Technique et Scientifique au Centre de Perfectionnement de Police Judiciaire de l’Ecole des Sous-Officiers de Gendarmerie de Fontainebleau. C’est ici où mon goût de la photographie s’est affirmé grâce à la photographie judiciaire. Depuis j’ai acquis une panoplie de formations, aussi diversifiées dans les domaines de la répression autant que de la prévention des crimes et délits, qui m’ont conduit à gravir les échelons. Allant de Directeur d’enquêtes, à Adjoint au Commandant de la Brigade de Gendarmerie Aéroportuaire, Commandant de la Brigade de Recherches ; puis Directeur adjoint de la Brigade Mixte Anti-Drogue.
En 2009, alors Officier de Commandement chargé de l’Administration et du Fichier Central de Renseignements Judiciaires à l’Etat-major de la Gendarmerie, l’envie de repartir vers des nouveaux horizons m’a hanté, et c’est ainsi qu’après 22 ans de carrière j’ai sollicité une retraite anticipée. Je pensais que, après des loyaux services rendus avec abnégation à l’endroit de mon pays, j’allais prendre un repos mérité et me consacrer à mes passions dont la poésie et les arts. Cependant c’était sans compter avec la plume de la destinée, puisque la continuité de l’expérience a voulu que j’embrasse une fois de plus une carrière civile.
D’abord comme enseignant vacataire en matière de prévention contre l’addictologie, à la demande de l’OMS. Puis deux mois après ma mise à la retraite, j’ai été copté premier Adjoint au Maire de la capitale de l’Union des Comores Moroni, avant d’être distingué six mois après comme Préfet de cette même ville et des villages environnants. A la fin de l’année 2009, le gouverneur de l’île de la Grande Comore m’a nommé Conseiller en sûreté et sécurité, chargé des relations avec la sécurité civile, dans son cabinet. Ce n’est qu’en 2011 que le ministre de l’Intérieur m’a nommé dans son cabinet pour les mêmes fonctions. En 2012, le Président de la République me propose d’occuper les fonctions de Coordinateur National de la Sûreté et la Sécurité Aéroportuaires.
Trois ans après je me suis vu confier la Direction Nationale de la Documentation et de la Protection de l’Etat qui s’occupe des Renseignements Extérieurs. Et depuis 2017 j’ai créé ma société de Recouvrements, Enquêtes et Médiations (SOREM-Comores). Mais tout ce parcours ne m’a jamais empêché de faire de la poésie et m’adonner à l’art de la calligraphie et de la photographie. J’ai assuré la chronique culture du quotidien La Gazette des Comores de sa création à 2011.
AFRIK.COM : Où avez-vous publié vos recueils ? Où peut-on se les procurer ?
MAB Elhad : Mon premier recueil « Kaulu la mwando » a été publié chez un éditeur comorien installé en France, Les « Editions Komédit ». C’est un recueil de 80 pages pour 36 poèmes dont 4 poèmes écrits en langue comorienne. « Kaulu la mwando » signifie humblement en comorien ou en tanzanien « parole première ». Ce premier recueil porte sur les thèmes de l’amour, mais aussi exprime un cri de révolte.
AFRIK.COM : L’Union des Comores fait-elle de la place à la poésie ?
MAB Elhad : Notre littérature souffre d’un désintéressement dû au manque d’implication de la politique nationale de la culture. Non pas qu’elle n’existe pas puisque j’ai eu le privilège de participer aux Assises nationales d’avril 2008, qui se sont tenues au Palais du peuple, puis à l’Atelier de sensibilisation tenu à l’Ecole de Santé au mois de juillet 2011. Seulement tant qu’il n’y aura pas un ministère de la Culture, notre littérature ne pourra pas s’épanouir. La culture est sous tutelle de la Jeunesse et Sports. Certes des progrès ont été enregistrés avec le Festival des Arts Contemporains des Comores, sous le règne de son Excellence le Président Ikililou Dhoinine, puis il y a eu le 1er Salon du livre qui vient de voir le jour aux Comores avec le soutien du Gouvernement comorien sous la Présidence de son Excellence le Président Azali. Il est à rappeler que c’est sous son premier mandat présidentiel qu’a été créer la « Journée Mbaye Trambwe » intitulée « Journée de la poésie comorienne » célébrée tous les 17 juin de chaque année, de même que les Gamboussi d’Or, mais tous ces évènements ont été pour la plupart délaissés par manque de financements. Mais je suis optimiste au vu de la motivation qui anime l’actuel Président et son gouvernement de l’Union, qui ne ménagent pas leurs efforts pour accompagner les nouveaux projets qui leurs sont soumis.
Je ne peux pas me plaindre, mais il faut reconnaître que beaucoup reste à faire. Et la cerise sur le gâteau date de novembre 2006, depuis que des extraits de mes poèmes se retrouvent en mini lettres, macros lettres rouges et en filigranes sur les billets de banque de 1000 et de 2000 francs émis par l’Etat comorien, au même titre que les maximes et pensées du Prince des poètes comoriens, Mbaye Trambwe. A part cela, certaines sociétés privées et certaines institutions assurent le rôle de mécènes. Egalement, des cercles et clubs de poésie existent sur l’ensemble des « îles de la lune » que ce soit Joal sur l’île d’Anjouan, et la Délégation Europoésie Comores en Grande Comore, dont je suis le Délégué, pour ne citer que ceux-là, qui sont très actifs.
AFRIK.COM : Pourquoi avoir choisi de faire carrière dans la Gendarmerie ?
MAB Elhad : Je n’ai pas choisi, c’est la destinée qui m’a poussé vers ce choix. D’abord j’étais impressionné par le port des galons, puis j’ai toujours été animé par l’envie, le besoin d’être utile à mon prochain et de défendre le droit et la paix. Et d’ailleurs cela ressort si bien dans l’un de mes poèmes « Je suis Gendarme » publié dans mon premier recueil « Kaulu la mwando ».
AFRIK.COM : N’avez-vous pas souffert de la discipline alors que vous êtes en réalité un flâneur, un rêveur ?
MAB Elhad : J’ai toujours dit qu’effectivement je fus un gendarme muni de plusieurs casquettes pour ne pas dire « képis ». Certes, parfois la réalité me rattrapait. Ma hiérarchie militaire comme tant d’autres personnes n’ont jamais cessé de se demander « comment pouvait-on porter l’uniforme et être poète en même temps ? ». Si j’ai pris ma retraite en 2009, après 22 ans de bons et loyaux services, c’est aussi en partie parce que souvent on me disait que le lieutenant que j’étais, s’était trompé de carrière, et que ce fut un crime d’hérésie au sein de l’armée, pour certains, parce qu’étant poète, je semblais trop sentimental pour un gendarme censé imposer la loi.
AFRIK.COM : Quels sont vos trois poètes préférés ? Pourquoi ?
MAB Elhad : Victor Hugo, Léopold Sédar Senghor et Aragon. Ma préférence va aussi à l’endroit de Mahmoud Darwish. Je les aime pour leurs engagements sociopolitiques d’une part et d’autre part, pour leur imaginaire. Dans l’œuvre poétique de Senghor, se dévoile un talent d’artiste qui peint avec les mots, comme dans un calligramme.
AFRIK.COM : Qui est d’après vous le plus grand poète comorien ?
MAB Elhad : Incontestablement Mbaye Trambwe, pour le XVIIIe siècle. Par contre j’estime qu’actuellement, c’est Saindoune Ben Ali.
AFRIK.COM : Vous êtes partenaire du site AFROpoésie(www.afropoesie.com), pourquoi avoir adhéré à ce projet ?
MAB Elhad : Depuis mon enfance j’ai toujours milité pour la promotion de la poésie et les arts. Quand j’étais 1er Adjoint au Maire de la capitale Moroni, j’ai initié des échanges culturels avec la mairie de Saint-Denis de La Réunion, puis devenu Préfet, j’ai concrétisé ce projet qui a permis des actions portées par la structure réunionnaises LERKA, qui a séjourné à Moroni pour faire l’état de lieux d’une éventuelle coopération entre les deux îles. Depuis des acteurs culturels ont bénéficié de leurs accompagnements multiformes. De même que l’Union pour la Défense de l’Identité Réunionnaise conduit des projets consistant à l’édition, la diffusion et l’animation en faveur de la scène poétique de l’Océan indien.
Ceci dit, ce qui m’a motivé à rejoindre AFROpoésie, c’est d’abord le fait qu’elle est la seule plateforme qui s’est spécialisée dans le domaine de la poésie sur notre continent et de surcroît que je suis membre du Printemps des poètes francophones. Je pense que les partenaires affiliés à AFROpoésie ont un rôle majeur à jouer, non seulement pour la promotion du site, mais aussi et surtout comprendre qu’ils sont les ambassadeurs de la poésie africaine. Il revient aux partenaires de l’alimenter et de le rendre attractif. AFROpoésie doit relever les défis de faire de 2018 l’année de la poésie africaine, grâce aux activités des uns et des autres.
AFRIK.COM : Pouvez-vous conclure notre entretien par quelques vers ?
MAB Elhad : Permettez-moi de renouveler ici ma gratitude à l’endroit d’AFROpoésie et mes remerciements à AFRIK.COM, pour leur dévouement à la cause de la poésie africaine. Nous en sommes très reconnaissants. Et pour les quelques vers demandés je viens de les formuler par des vœux. Souvenons-nous que la poésie n’est pas l’apanage des seuls poètes, elle appartient aussi à ceux qui nous lisent et nous apprécient et sans lesquels, tout ce que nous faisons n’aurait aucun sens. Nous sommes poètes et slameurs, parce qu’il y a des lecteurs et des auditeurs qui nous motivent à créer. A ceux-là aussi, je leur exprime ma gratitude, c’est à eux que je dédie mes vœux les plus chers :
Et meilleurs vœux 2018 !
Alors que 2017 nous quitte, cédant le pas à 2018
Qu’un air nouvel se lève, et qu’un nouvel parcours,
Se dessine dans l’aurorale du renouveau et sa suite,
Je vous souhaite plein d’actions et peu de discours !
Qu’Allah le tout puissant nous épargne de l’infortune,
Que la paix règne, et que cesse les guerres intestines,
Que le plus riche apporte son viatique aux nécessiteux,
Et que l’orgueil enterre son air hautain et si capiteux !
Du passé tirons les leçons, des échecs et des déboires,
Le bilan s’impose certes mais pour quelles perspectives ?
Les paroles peuvent-ils suffirent, pour guérir nos maux ?
S’assumer, car une fois le lait versé, il faudra le boire !
Que cet air nouvel vous soit bel et plein de prospectives ;
Pour que nous puissions nous émanciper de nos défauts.
Mon vœu le plus cher est que le bien l’emporte sur le mal,
Pour que la victoire du peuple nourrisse d’autres espoirs,
Qu’ensemble nous puissions porter le dernier coup fatal,
A la bêtise humaine, et ses boucs émissaires du désespoir.
Au combat de la vie nous devons être aguerri car l’avenir,
Appartient à l’audacieux et à ceux qui sauront bien servir,
Armons-nous de patience et cultivons la pensée positive,
Qu’elle vous soit belle cette année et d’une vie intensive.
PAR RENAUD ARTOUX - Retrouvez cet article sur Afrik.com
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