Nicolas Sarkozy passe à la trappe
C’est la fin de la surenchère verbale. La fin du sans-gêne. La fin de la désinvolture. Finalement le 1er voyage officiel du prochain président français ne sera pas pour les Comores pour parler des comoriens qui meurent dans le bras de mer qui sépare Anjouan de Mayotte. Sarkozy se dit serein, toujours débout, donc inébranlable, flegmatique devant cette défaite qui sonne le glas de son insoutenable impertinence. Mais personne n'est dupe: Sarkozy, dont l’obsession présidentielle était démesurée, tombe de si haut, c'est toute sa personne, sa folie des grandeurs, tout son ego surdimensionné parce qu'outrancier, son identité, ses certitudes, ses convictions, son aura qui viennent d’être remis en cause, balayés d'un revers de main, déchiquetés par la volonté des urnes, la souveraineté du peuple pour cette Primaire de la droite.
Mais une chose, positive à son actif: Sarkozy a, de façon inhabituelle, fait preuve d’élégance et de sobriété dans son discours de reddition. Il y avait en lui, curieusement, beaucoup de tact, de la hauteur de vue. Il était d’un calme olympien, loin de se personne publique toujours en transe, aux envolées lyriques, aux gestes fous, à la tête qui dandine à chaque parole prononcée. Ce n’est pas mal, les défaites rendent sages, posé, mais surtout lucide. Sarkozy pourra se reposer, loin du tumulte politique lié à ses sujets de prédilection : l’immigration qu’il croit être un véritable goulet d’étranglement pour la France, le droit du sol contre lequel il s’inscrit en faux, désormais, l’identité nationale dont il se veut le chantre zélé, l’insécurité ambiante à laquelle il promettait aux français d’apporter l’estocade, la baisse du chômage pour laquelle il allait se battre , plus que quiconque, l’islamisme qu’il dénonce sans concession.
Mais la victoire comme la défaite n’est jamais absolue : Sarkozy ne sait pas s’enfermer dans le mutisme parce qu’il se sent investi d’une mission digne d’un messie. Il aura certainement l’envie de s’exprimer mais en prime avec moins de légitimité et d’audience. On sait qu’il ne peut pas se dépêtre de son envie maladive, irrépressible de parler, de s’ériger en donneur de leçons, en fin politicien. L’anonymat, en tout cas, guette cet homme politique au franc-parler décapant et pour qui l’étranger doit servir de bouc émissaire pour occulter l’incapacité de la politique à apporter des solutions concrètes aux maux dont souffre le peuple. Sarkozy, un homme politique autant adulé décrié. Il aime déranger, bousculer les mentalités, dire tout haut ce que les autres disent tout bas. Ses propos sont en permanence incisifs. Cela fait aussi son charme, qu’on le veuille ou pas.
Le discours de Dakar du 27 juillet 2007, à l’université Cheikh Anta Diop où il met en cause, avec une effronterie inimaginable, l’histoire africaine, son identité, son passé, sa volonté timide mais nécessaire à aller de l’avant, malgré les pesanteurs qui se dressent sur sa route, en est la parfaite illustration. Sarkozy avait volontairement oublié de souligner, au cours de son discours controverse, que l’inféodation d’une grande partie de l’Afrique à la France, à l’occident impérialiste, n’est pas innocente. Il suffit de lire La force qui nous manque d’Eva Jolie, pour se plonger dans ces liaisons dangereuses qui mettent en coupe réglée tout un continent. Il suffit aussi de lire L’Afrique répond à Sarkozy: contre le discours de Dakar, pour voir que son discours a choqué au plus haut point. Pourtant, l’homme fascine encore et toujours: environ 20.6% des voix, ce n’est pas si mauvais pour un ancien chef de l’Etat dont la gestion est régulièrement clouée au pilori.
Pour rappel: Fillon et Juppé qualifiés. Le premier, auquel Sarkozy se rallie, sans se faire prier, a une bonne longueur d’avance. La suite s'annonce palpitante, électrique. Le dénouement dans une semaine celui qui représentera les républicains aux élections présidentielles de 2017.
La Gauche s’empêtre dans ses déboires, laissant un boulevard à la droite. François Fillon a probablement l’étoffe du prochain président de la France qui n’a qu’un seul souhait : que son prochain président soit moins brouillon pour ne pas donner l’impression de galvauder sa fonction!
Une réalité s’impose: le prochain président français, qu’il soit de gauche ou de droite, n’aura ni le charisme et l’outrecuidance exacerbés d’un Sarkozy, ni la mollesse et l’attentisme mesurés d’un Hollande. Le juste milieu s’imposera, peut-être pour mieux rassembler. Cela s’appelle rupture. Rendez-vous le 07 mai 2017.
Par Ali Abdouroihamane