La malédiction de textes juridiques de bazar et du banabana tue les Comores à petit feu. Le Comorien aime l'érudition, le savoir e...
La malédiction de textes juridiques de bazar et du banabana tue les Comores à petit feu.
Le Comorien aime l'érudition, le savoir et la culture générale. Cependant, il n'en reconnaît la valeur que quand ces vertus cardinales sont dans sa basse-cour, dans le capital culturel de ses enfants, neveux et nièces. Dites à un Comorien qu'untel dispose d'un capital culturel impressionnant, il pose sur vous un regard de profond mépris tant que l'appréciation ne porte pas sur un proche. Et comme on refuse d'admettre le bien-fondé et l'utilité du savoir et du savoir-faire des autres, on méprise les gens de savoir et on s'en vante. On s'en rend compte en constatant qu'il n'y a pas un seul texte juridique comorien portant sur un sujet d'ordre politique qui soit d'une application facile. La raison? Parce que le Comorien a juré de ne jamais écrire simple et clair, et de faire en sorte que son texte soit à la portée du citoyen. Pis, la conception des textes juridiques comoriens n'est jamais confiée à des spécialistes du Droit.
Tout le monde se souvient du charivari monumental provoqué en 2014 par différentes tentatives d'interprétation des dispositions juridiques relatives à la fin du «mandat», «fonctions» et «pouvoirs» des Députés aux Comores, là où il aurait été facile d'écrire que «le mandat des Députés prend fin cinq ans à compter de la date de leur élection». Au lieu de cela, le texte s'y rapportant est rédigé de telle sorte qu'à ce jour, personne ne sait ce qu'il en est exactement. Naturellement, cela trahit un amateurisme juridique à faire rougir le plus incompétent des dirigeants les plus incompétents et les plus veules de la plus rébarbative des «Républiquettes» bananières et des «Ripoux-bliques». Ce n'est pas bien. Quand on plonge son nez dans les modalités d'élection des Députés, on est estomaqué parce que, au lieu de stipuler que «l'Assemblée de l'Union est composée de 33 Députés élus au suffrage universel direct pour une durée de cinq ans», l'article 20 de la Constitution est ainsi rédigé: «L'Assemblée de l'Union est composée de représentants désignés par les Assemblées des îles, à raison de cinq députés par île et de dix-huit représentants élus au suffrage universel direct dans le cadre d'un scrutin majoritaire uninominal à deux tours».
Est-ce que les Comoriens sont obligés de s'infliger une telle malédiction textuelle? Naturellement, non. Les Comoriens s'infligent de telles sanctions parce qu'ils sont intimement convaincus qu'il suffit de rédiger de textes alambiqués et difficiles d'application pour avoir un pays normal sur le plan institutionnel.
Et, il y a le décret 15-030/PR signé le mercredi 4 mars 2015 de la main du Président Ikililou Dhoinine et «relatif aux chefs des villages et chefs de quartiers». Quand on apprend que le Président de la République signe un décret sur ces gens-là, on prend peur. Mais, quand on est juriste, il faut lire les «visas» pour savoir sur quoi le chef de l'État s'est basé pour décréter sur ces carcans et carcasses d'hyènes d'un autre âge, parce que la chose est tout de même surannée et surréaliste. Voyons! Des chefs de villages et des chefs de quartiers dans le monde moderne, dans les Comores de 2015, des Comores qui viennent d'élire des Conseillers pour leurs municipalités à l'existence douteuse? Et là, on découvre avec stupeur et effroi que le Président de la République s'est bel et bien appuyé sur des textes juridiques existants: la Constitution, la loi n°11/006/AU du 9 mai 2009 portant organisation territoriale de l'Union des Comores, promulguée par le décret n°11-148 du 21 juillet 2011; la loi n°11-004 du 12 avril 2014 relative au Code électoral, promulguée par le décret n°14-078/PR du 5 juin 2014; le décret n°11-078/PR du 30 mai 2011 portant réorganisation générale des ministères et missions des services des ministères de l'Union des Comores, modifié par le décret n°11-139/PR du 12 juillet 2011; le décret 13-082 du 13 juillet 2013 relatif au gouvernement de l'Union. Et on apprend que les chefs du village et des quartiers sont nommés par le ministre de l'Intérieur, leur supérieur hiérarchique et sont même des salariés de l'État!
Combien de chefs de villages et de quartiers Houssen Hassan Ibrahim va nommer? En réalité, ce sont de chefs de villages élus qui devaient être les Maires, mais aux Comores, «le Maire» est le Président d'une communauté d'agglomération regroupant de nombreux villages, et c'est tout simplement ahurissant et hallucinant. Le Maire, dans tous les pays du monde, sauf aux Comores de Papa, est chef d'une commune qui correspond à une ville ou à un village, et non à un ensemble de villes et villages. En d'autres termes, aux Comores, on refuse la pratique administrative en cours dans les autres pays du monde. Ce n'est ni glorieux, ni intelligent.
Aujourd'hui, un vif débat est lancé aux Comores pour savoir si ces chefs de quartiers et de villages sont fondés juridiquement à prendre part aux travaux du Conseil municipal. Maître Abdou Elwahab Moussa, qui vient de prêter son serment d'avocat au Barreau de Moroni, est catégorique sur le sujet: «Rien n'interdit au chef de village de siéger au sein du conseil municipal. Surtout pas la loi. En tout cas pas celle relative au scrutin communal et celle portant Code électoral en Union des Comores, lesquelles ont largement consacré ce droit. Il faut être de mauvaise foi ou animé par une volonté de semer la discorde et de susciter la confusion pour nier l'évidence. Car, ensembles les dispositions des articles 24 de la loi sur le scrutin communal et 194 de la loi relative au code électoral prévoient, de façon claire et sans équivoque, que les Chefs de quartiers et de villages, désignés conformément à la tradition de leur village, sont de droit membres du Conseil communal de la commune dont relève leur village et leurs sièges s'ajoutent au nombre de siège impaire établi par la loi.
Contrairement aux affirmations de certains commentateurs, les chefs de village participent pleinement aux délibérations des conseils, ainsi qu'à l'élection des maires et des adjoints». Or, Ali El Mihidhoir Saïd Abdallah, administrateur à la retraire, dit exactement le contraire: «Le texte qui faisait autoriser le chef de village à être un membre de plein droit du conseil municipal avec les mêmes droits et les mêmes obligations me paraît être en contradiction avec les principes de la séparation des pouvoirs, de la déconcentration par rapport à la décentralisation», ajoutant que «le chef de village, à l'époque coloniale, a toujours été un agent relevant de l'autorité administrative qui recevait les ordres du chef de canton. Jamais, il ne prenait part à aucune élection dans la commune existante», avant de s'interroger: que «viennent faire ici les chefs des villages nommés si ce n'est de représenter les autorités nommées pour exécuter leurs ordres?». Si ce débat est soulevé, c'est parce que les Comoriens ont juré de ne jamais écrire simple et clair, et ils en paient le prix fort.
Et il y a la mère de toutes les manipulations et confusions, à savoir: l'article 13 de la Constitution, ainsi rédigé: «La présidence est tournante entre les îles». Tout le monde sait que cet article, qui constitue la clé de voûte de l'édifice constitutionnel et institutionnel de l'Union des Comores, a été rédigé pour permettre à chaque île de diriger le pays à tour de rôle, par rotation de 5 ans. Or, aujourd'hui, Ahmed Sambi nous en fait une lecture très personnelle et personnalisée en vertu de laquelle il suffit d'être inscrit sur les listes électorales d'une île pour être éligible lors du scrutin présidentiel. Pourtant, en 2002, seuls des Grands-Comoriens s'y présentèrent, en 2006, on n'y vit que des Anjouanais et en 2010 rien que des Mohéliens.
Aujourd'hui, Ahmed Sambi est entré dans les petites omissions volontaires et voulues de la Constitution pour prétendre qu'il peut se présenter aux élections présidentielles partout où il voudra. Il fait fi de la coutume constitutionnelle née de l'interprétation et application de la Constitution du 23 décembre 2001, alors que tous les jeunes Comoriens en Première Année de Droit peuvent affirmer que la coutume constitutionnelle naît de quatre éléments: 1.- Répétition de la même attitude ou même interprétation de la Constitution. 2.- Une constance dans cette attitude et interprétation de la règle constitutionnelle. 3.- Une clarté sur les motifs de l'attitude et de l'interprétation de la règle constitutionnelle. 4.- Un consensus des organes constitutionnels intéressés et de l'opinion publique. Aux Comores, il n'y a qu'Ahmed Sambi qui fait une lecture différente des dispositions constitutionnelles pertinentes. En même temps, le constituant comorien aurait rendu un grand service au pays s'il avait précisé: «La présidence est tournante entre les îles.
Un candidat doit présenter sa candidature uniquement sur son île d'origine et ne pourra le faire sur plus d'une île». Qu'est-ce qui aurait coûté au constituant comorien de 2001 s'il avait été plus précis? Rien du tout. En plus, il aurait aidé le pays à faire l'économie d'une exégèse charriant la mauvaise foi, la manipulation et la duplicité.
ARM
© www.lemohelien.com – Mardi 10 mars 2015.
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