Je suis «candidat à l’élection présidentielle en 2016 afin de restaurer la République»
Ahmed Wadaane Mahamoud dévoile ses ambitions et fustige les élections et Ahmed Sambi.
Une position présidentielle bien assumée, un visage scandaleusement jeune comme si les années n’avaient aucune prise sur lui, la mine sereine et épanouie, le ton volontariste, le pli du pantalon impeccable, le costume taillé dans la belle étoffe, et la cravate de classe internationale, c’est ainsi qu’Ahmed Wadaane Mahamoud s’est présenté au journal du soir de Mme Hanane Faro sur la chaîne panafricaine Africa 24, le dimanche 25 janvier 2015, avant de passer à l’émission «L’Invité du jour» de MmeGraziela Tchakounté, pour une diffusion au lundi 26 janvier 2015.
Ceux qui connaissent Ahmed Wadaane Mahmoud savent qu’il a le grand mérite d’avoir réussi à concilier une grande capacité intellectuelle à une carrière très riche au service des Comores, notamment au sein de leur appareil diplomatique. Ce qui fait qu’il est un homme d’État qui sait éviter la langue de bois, la charlatanerie politique et le populisme crapuleux, pour s’intéresser aux choses concrètes et utiles. Ahmed Wadaane Mahamoud est donc à la fois un penseur et un homme d’action.
Dans son programme présidentiel pour 2016, il ne fait aucune proposition s’il n’a pas déjà le moyen de la concrétiser, et cela, contrairement aux charlatans qui se contentent de dérouler un catalogue mafieux de vœux pieux formulés avec des intentions difficilement avouables. L’homme de Mbéni-Hamahamet n’a qu’une ambition pour les Comores: la République. Car, il est un républicain intransigeant.
Il est impossible de discuter deux minutes avec lui sans que le mot «République» ne s’invite des fois et des fois dans son discours, pendant que d’autres limitent leurs discours au «moi-je». Après son excellente prestation télévisée sur Télésud, et avec ce passage sur Africa 24, Ahmed Wadaane Mahamoud réalise un comeback médiatique de haut vol, qui confirme qu’après avoir pris le temps de la réflexion politique, il a toujours cette énergie flamboyante et fabuleuse de l’homme qui a mangé du lion et qui est prêt à en découdre avec une classe politique moribonde, faisant dans l’escalade du ridicule et dans la misère de la réflexion. Les deux interviews qui sont ainsi présentées au lecteur et à la lectrice permettront de continuer à découvrir l’un des hommes d’État comoriens les plus prometteurs, les plus attachants et les intéressants de la période contemporaine.
Mme Hanane Faro pour Africa 24: Le premier tour des élections législatives a eu lieu ce dimanche aux Comores. Initialement prévu en novembre dernier, ce scrutin a été reporté à deux reprises. Pour parler de la situation politique aux Comores, j’accueille sur ce plateau Ahmed Wadaane Mahamoud. Bienvenue. Vous êtes journaliste, ancien diplomate et Président du Parti RIFAID Comores, les Réformateurs des Îles face aux Impératifs du Développement des Comores. Les résultats de ces élections sont attendus pour le milieu de la semaine. Qu’attendez-vous de ce scrutin, dont le deuxième tour est attendu pour le 22 février?
Ahmed Wadaane Mahamoud: Nous nous battons pour changer de vision, pour changer de cap, et pour changer de pratiques. Nous nous sommes opposés à l’organisation de ces élections législatives parce que nous considérons que certaines régions sont lésées. Je peux citer, à titre d’exemple: la région de Mitsamiouli est couplée avec la région de Mboudé, alors que ce sont des régions différentes, qui devraient avoir, chacune, un Député. La région de Hamahamet est couplée avec la région de Mboinkou, alors que ce sont des régions qui devraient avoir, chacune, un Député. La région de Dimani et Oichili, pareil. Elles ont été mises ensemble alors que chacune devrait avoir un Député. Nous considérons que ce sont des injustices.
Il fallait organiser des élections avec une nouvelle vision, qui consiste à tenir compte des évolutions, de la démographie. Or, le schéma actuel, nous le combattons. C’est la raison pour laquelle nous nous prononçons toujours pour une dissolution de l’Assemblée qui sera élue. Il va falloir la dissoudre pour essayer de revoir. Je peux citer les exemples dans les autres villes, dans les autres régions, dans les autres îles, Anjouan et Mohéli, mais nous n’avons pas le temps. C’est pourquoi nous considérons que ça a été encore un gâchis, un gâchis lié à la non-préparation de ces élections de manière saine, mais aussi aux dysfonctionnements que tout le monde a constatés, liés à un laisser-aller dans la façon de gérer, je dirais, les biens publics, puisque je tiens à préciser qu’on a investi 2 milliards pour organiser ces élections. Or, le constat est là, et il est patent. La plupart des électeurs n’ont pas eu leurs cartes d’électeurs.
Africa 24: Alors, après ces législatives, la prochaine échéance, c’est la présidentielle de 2016. Est-ce que votre parti va présenter un candidat? Selon vous, quelles sont les urgences à présenter aux Comoriens?
Ahmed Wadaane Mahamoud: Nous présenterons un candidat à l’élection présidentielle en 2016. Notre première ambition, c’est de lutter pour défendre l’unité nationale, parce qu’elle est menacée. Le courant séparatiste est là. Ensuite, il y a un danger: on a un mécanisme de tournante, de la présidentielle. Certains dirigeants veulent la remettre en cause. Or, c’est une prémisse à une autre guerre qui ne dit pas son nom. C’est la raison pour laquelle il va falloir tout mettre en œuvre pour défendre l’unité de ce qui reste de l’archipel des Comores, parce que, sinon, on risque d’aller vers le démembrement et l’éclatement de l’archipel des Comores. Voilà l’ambition première: sauvegarder la paix civile et l’unité nationale.
Africa 24: Merci beaucoup, Monsieur Ahmed Wadaane Mahamoud d’avoir répondu à notre invitation. Je rappelle que vous êtes journaliste et ancien diplomate des Comores.
Mme Graziela Tchakounté pour Africa 24: Un triple scrutin, voilà ce qui attendait les électeurs comoriens ce 25 janvier. Ils devaient choisir parmi 878 candidats, leurs représentants, Députés, Conseillers municipaux et Conseils des îles. Mais, ces élections reportées à deux reprises ont donné lieu à des doutes liés notamment au nouveau système de cartes électorales biométriques. Pour en parler, notre invité du jour est Monsieur Ahmed Wadaane Mahamoud, journaliste, écrivain et Président du Parti RIFAID Comores, les Réformateurs des Îles face aux Impératifs du Développement des Comores. Soyez le bienvenu.
Ahmed Wadaane Mahamoud: Merci, bonsoir.
Africa 24: Tout d’abord, Monsieur Mahamoud, votre pays est traversé par de vives tensions politiques ces derniers mois. Quelle analyse faites-vous de cette situation?
Ahmed Wadaane Mahamoud: C’est une situation qui dure depuis plusieurs années. Nous avons connu plusieurs instabilités, liées aux coups d’État. Maintenant, on a commencé depuis les années 1990 à avoir un système d’organisation des élections, mais c’est toujours entaché d’irrégularités. C’est un processus qui suit son cours. Il y a lieu de patienter. Il y a lieu d’espérer, tout en sachant que ceux qui détiennent le pouvoir, à chaque fois, ils ne veulent pas comprendre que les alternances doivent se faire dans la paix et la concorde.
Africa 24: Parlons-en des élections, justement. Les élections législatives se sont tenues ce 25 janvier. Comment s’est déroulé le vote?
Ahmed Wadaane Mahamoud: D’après les informations dont je dispose à l’heure actuelle, les élections se sont déroulées dans le calme. Mais, la situation reste la même, à savoir: sur 726.000 habitants, c’est-à-dire près de 800.000 habitants, il n’y a eu que 300.000 inscrits. Donc, vous pourrez imaginer que ceux qui sont inscrits, la plupart n’ont pas eu leurs cartes de vote. Et ensuite, il y a eu 12 bureaux de vote qui ont été créés et on ne sait pas pourquoi.
Africa 24: Alors, vous l’avez dit: la totalité des cartes électorales n’ont pas été distribuées avant le vote, comme le prévoit d’ailleurs le Code électoral. Comment expliquer ce manquement?
Ahmed Wadaane Mahamoud: C’est un dysfonctionnement lié au système d’organisation, à la fois de la Commission chargée de ces élections, mais aussi un dysfonctionnement au niveau de la supervision de ces élections. Ce qui fait qu’on a investi plus de 2 milliards de francs comoriens pour organiser ces élections, mais le constat est dur. Le constat est dur puisqu’on constate que ceux qui ont eu leurs cartes ne sont pas inscrits, ceux qui sont inscrits n’ont pas eu leurs cartes, et ensuite on a constaté ce dysfonctionnement et on a dit: «OK. Maintenant, on va permettre à certains électeurs qui n’ont pas de cartes d’électeurs, qui n’ont pas de cartes d’identité, mais qui peuvent se présenter. Si jamais ils figurent sur les listes électorales, ils peuvent voter».
Voilà un exemple. Un autre exemple qui illustre le mal, c’est que, au moment où on a commencé à faire le décompte des gens inscrits, on a constaté que le recensement ne s’est pas fait dans les normes. Et même, on trouve une personne qui peut avoir une carte avec plusieurs noms et aussi une personne qui peut avoir deux cartes dans deux bureaux différents. Et je peux vous donner un exemple typique qui prouve qu’on crée toujours des situations de crise. L’ancien Président Sambi s’est arrangé, on ne sait pas comment, pour voter en Grande-Comore, alors qu’officiellement, son bureau de vote est à Anjouan. Voilà un exemple qui prédit qu’on cherche toujours à créer un climat de crise, un climat de tensions entre un peuple qui, généralement, est un peuple paisible.
Africa 24: Alors, selon vos propos, on a constaté certaines irrégularités. Est-ce que vous doutez de la crédibilité de ces élections?
Ahmed Wadaane Mahamoud: Je doute de la crédibilité de ces élections. Je pense, et c’est la raison pour laquelle nous pensons, qu’il aurait été sage de reporter ces élections, parce que les conditions n’étaient pas réunies. Certes, j’insiste beaucoup: nous avons un peuple pacifique, qui a horreur de la violence. On a appelé ce peuple aux urnes. Ceux qui ont eu leurs cartes se sont présentés, sachant pertinemment qu’on va légaliser les fraudes, avec le système biométrique. Avant, on essayait de remplir les urnes avec le système de cartes. Maintenant, avec la biométrie, on a trouvé des mécanismes qui vont permettre aux uns et aux autres de tripatouiller le scrutin.
Africa 24: Venons-en à présent aux prochaines élections présidentielles, qui sont prévues pour 2016 aux Comores. Serez-vous candidat à cette élection?
Ahmed Wadaane Mahamoud: Oui!
Africa 24: Qu’est-ce qui a motivé votre candidature?
Ahmed Wadaane Mahamoud: Je pense qu’il faut doter les îles Comores d’une autre vision. C’est la raison pour laquelle je me prépare pour être candidat à l’élection présidentielle en 2016, afin de restaurer la République.
Africa 24: Quel sera votre programme, et comment est-ce qu’il sera décliné?
Ahmed Wadaane Mahamoud: Mon programme est bâti sur 99 propositions. La première proposition, c’est de restaurer la République des Comores, parce que nous sommes convaincus, et je ne suis pas le seul, que l’Union des Comores nous amène tout droit vers le démembrement, l’éclatement de ce qui reste des Comores. Nous avons des exemples: l’Union indienne, en 1947, a éclaté. Nous avons l’exemple de l’Empire Ottoman, et l’Empire a éclaté. Nous avons l’exemple de l’URSS, l’Union des Républiques Socialistes et Soviétiques, qui a éclaté aux années 1990. Donc, nous pensons que l’Union des Comores nous amène directement vers le démembrement de ce qui reste des Comores. C’est la raison pour laquelle, notre première proposition, c’est de restaurer la République, avec quatre piliers essentiels: le premier pilier, c’est de confier chaque île au Vice-président.
Deuxième pilier: c’est de renforcer les capacités de l’Assemblée nationale. C’est la raison pour laquelle, si nous avons cette possibilité de diriger les Comores demain, nous allons procéder à la dissolution du Parlement, parce qu’il y a lieu de renforcer le Parlement, de créer de nouvelles circonscriptions, notamment la circonscription des Comoriens de l’étranger. Je pense que les Comoriens de l’étranger méritent d’avoir trois sièges: un siège pour les Comoriens résidant en France, un siège pour les Comoriens résidant à la Réunion, et un siège pour les Comoriens résidant à Madagascar. Voilà notre ambition. Et le troisième pilier, permettez-moi, c’est de réorganiser les communes, pour que les villes et villages organisés puissent être le moteur du développement. Et le dernier pilier, organiser la communauté comorienne émigrée. Voilà les quatre piliers qui vont permettre de faire décoller les Comores.
Africa 24: Merci, Monsieur Ahmed Wadaane Mahamoud, d’avoir répondu à nos questions. Je rappelle que vous êtes journaliste, écrivain et Président du RIFAID Comores. C’était l’invité du jour.
© lemohelien – Mercredi 28 janvier 2015.