Benoît Hamon supprimera-t-il le brevet des collèges ? La balle est dans son camp, mais s'il suit les préconisations du Conseil supérie...
Benoît Hamon supprimera-t-il le brevet des collèges ? La balle est
dans son camp, mais s'il suit les préconisations du Conseil supérieur
des programmes (CSP), le brevet tel qu'il est aujourd'hui va
disparaître.
Alors que les 800 000 élèves de 3e se préparent à passer
les trois écrits de leur diplôme national du brevet (DNB) les 26 et
27 juin, un membre du CSP, Denis Paget, a déclaré, vendredi 6 juin lors
d'une réunion organisée par un syndicat, que « nous n'allons pas maintenir le brevet (...). Il n'y aura que la validation du socle en fin de 3e ». Rapportée par le Café pédagogique,
un site d'information éducative, la nouvelle a fait l'effet d'une
bombe, d'autant que le CSP ne devait communiquer sur ce sujet que le
11 juin.
SERPENT DE MER
La réforme du diplôme national du brevet est un serpent de mer. Bien
que régulièrement rénové, il ne satisfait personne. Il évalue la
maîtrise des programmes et non celle du socle commun de connaissances,
de compétences et de culture dont doit être armé chaque élève en
terminant sa scolarité obligatoire. La maîtrise du socle est, de son
côté, évaluée par un livret personnel de compétences (LPC), qui suit
l'élève depuis le primaire et consigne au fil des ans ce qu'il sait
faire de nouveau. A l'heure actuelle, le seul lien entre ces deux modes
d'évaluation est qu' on peut maîtriser le socle sans avoir le brevet,
mais pas le contraire. Ce qui incite d'ailleurs des équipes enseignantes
à valider en bloc des livrets de compétences pour permettre à des
élèves d'obtenir leur brevet.
Le Conseil supérieur des programmes avait pour première mission de
revenir sur cette incohérence. Dans un texte précisant ce que sera le
nouveau socle commun, il se propose donc d'« assimiler la délivrance d'un brevet redéfini et la validation d'un socle ». Bref, de fondre en une évaluation les deux qui se superposent aujourd'hui.
Interrogé par Le Monde, le président du CSP, Alain
Boissinot, a tenu à préciser qu'« il était peut-être hâtif de parler de
disparition du brevet des collèges », mais que l'instance qu'il préside « souhaitait
réformer en profondeur l'évaluation actuelle pour qu'on puisse valider
d'un même coup le socle et le brevet. Validation terminale ou en cours
de formation, les discussions sur le sujet vont s'ouvrir », a-t-il ajouté.
« PROCÉDURE SIMPLE ET COHÉRENTE »
Le texte remis à Benoît Hamon vendredi et qui sera public mardi
reprend la position d'Alain Boissinot, plus que celle de Denis Paget. Il
évite soigneusement de préciser si les trois épreuves écrites du brevet
des collèges vont perdurer sous forme d'examen terminal et n'éclaire
nullement ce que pourrait être la validation du socle. Aujourd'hui, les
notes de l'année de 3e comptent pour 60 % dans l'obtention du brevet, les trois écrits terminaux et un oral d'histoire des arts pour 40 %.
Le CSP précise qu'il va falloir « rechercher une procédure simple
et cohérente associant une évaluation progressive des acquis des élèves
à chaque fin de cycle et une validation terminale du socle commun ».
Or on était en droit d'attendre qu'un texte définissant le socle
propose aussi les modalités précises de son évaluation. D'autant que la
première version du socle, celle qui est en vigueur depuis 2006, a déjà
achoppé sur cet impensé de l'évaluation...
Subtil maniement de ce qu'un ministre de l'éducation avait baptisé le « volapuk ednat »,
les 21 pages du document sont pleines d'intentions louables, certes,
mais ne tranchent aucun des débats. Le CSP propose ainsi de « prendre en compte l'ensemble des compétences définies par le socle commun »
mais se garde bien de proposer des modes d'évaluation des compétences
numériques et infodocumentaires, d'investigation ou encore
d'organisation d'un projet dans la durée qu'un élève de 15 ans doit
savoir faire. Il suggère par ailleurs d'« éviter les calculs artificiels de moyennes ».
Ce qui ne veut pas dire en finir avec les moyennes qui permettent
– spécificité française – à un élève de sauver la mise s'il a 0 en maths
et 20 en français.
DÉBAT HOULEUX
Le CSP joue la prudence car le débat est houleux. Côté FSU, le SNES prévient d'emblée qu'il « tient à une épreuve terminale en fin de collège » et que « les enseignants ne veulent pas du LPC, même toiletté et rebaptisé ». Côté SE-UNSA, on estime en revanche que « le
DNB tel qu'il existe ne peut que disparaître. Un diplôme de fin de
scolarité commune n'a qu'un sens, celui d'attester la maîtrise du socle
commun. Ce diplôme peut être attribué au vu du parcours de l'élève et
des compétences qu'il a acquises mais n'exclut pas une ou plusieurs
épreuves spécifiques qui mettraient en évidence les compétences
acquises. » Le SGEN-CFDT ajoute de son côté que « l'examen
terminal coûte aujourd'hui très cher en coût de fonctionnement aux
établissements et aux élèves. Un coût qui inclut le temps
d'apprentissage perdu en juin mais aussi celui passé à bachoter pour
l'examen ».
En ne préconisant aucune modalité claire d'évaluation, le CSP
affaiblit la portée du socle qu'il a pour mission de redéfinir et ne
simplifie pas la mission du ministre qui se retrouve avec un chantier
qu'il n'avait pas forcément pensé ouvrir.