L’espoir réaliste et le refus de la fatalité du sous-développement. Le politicien comorien dans l’obligation morale de faire renaître l’es...
L’espoir réaliste et le refus de la fatalité du sous-développement.
Le politicien comorien dans l’obligation morale de faire renaître l’espérance.
On les désigne par un terme désobligeant, «dinosaure»,
qui évacue toute forme de respect à leur égard et qui en dit long sur le
refus de la jeune génération de leur reconnaître le moindre mérite, dû
notamment à l’expérience professionnelle et à la fréquentation des
arcanes du pouvoir, pendant au moins un demi-siècle, dans le cas de
certains. Certes, la classe politique comorienne a vieilli sur pied.
Certes, la relève générationnelle s’est opérée en douce sous la
présidence de Saïd-Mohamed Djohar.Le politicien comorien dans l’obligation morale de faire renaître l’espérance.
Pour autant, le Comorien a toujours le regard fixé sur l’horizon, guettant le moindre signe annonciateur de bonnes nouvelles. C’est un fait. Mais, ce regard a fini par s’embuer, par être gagné par la lassitude. De guerre lasse, le Comorien a fini par ne plus croire aux slogans et aux mots d’ordre. Incontestablement, le slogan qui, naguère, avait le plus mobilisé les Comoriens, suscité le plus d’espoir demeure «Ouhourou Na Kazi», «Indépendance et Travail». Mais, nos espoirs ont été déçus. Nous nous interrogeons sur notre indépendance, et nombreux sont les Comoriens à la recherche d’un travail sérieux. Les anges de la Révolution ont déchanté et n’ont pas réussi à développer le pays. Ceux qui voulaient transformer les Comores ont abandonné le combat politique. Le rêve d’un monde meilleur est désormais interdit.
Dès lors, le champ politique comorien est devenu un désert surpeuplé: plusieurs caravanes politiques s’y croisent, refusent la sédentarité politique, multiplient la transhumance idéologique et partisane, leurs membres étant devenus des tournesols qui suivent goulument la direction du soleil, sans conviction, sans projet de société, sans alternative à proposer. À ce jour, sur le plan programmatique, personne ne sait ce que propose tel politicien comorien, et qu’est-ce qui différencie son idéologie et son projet de société de ceux d’un autre politicien. On fait du surplace. Le vide sidéral s’est installé sur notre scène politique, et cela nécessite la recherche de nouvelles synergies et énergies.
Le médecin que je suis assiste, la mort dans l’âme, à la régression institutionnelle, politique, économique et sociale de notre pays, et je me suis retrouvé dans la nécessité d’abandonner la blouse blanche pour faire mon entrée en politique, en compagnie d’autres compatriotes aussi sincères les uns que les autres. La raison de ce sacrifice est très simple: la politique est une chose trop sérieuse pour être laissée aux seuls politiciens, surtout dans un pays comme les Comores, où nombreux sont ceux qui se piquent de faire de la politique, et de la faire de la plus belle des manières, de la meilleure manière, mais ne font rien pour favoriser le développement de notre beau pays.
Que d’échecs, des échecs rendus inévitables par le manque de sincérité dans l’engagement politique de certains qui, pourtant tiennent le haut du pavé. Les «élites» politiques, chères au politologue et au sociologue de la politique, ont échoué aux Comores. C’est au vu de cette situation désespérée et désespérante que des Comoriens de toutes les conditions sociales ont décidé de créer Comores Alternatives. Tout est dans l’appellation de ce parti politique qui ne propose «que» l’alternative. Cette alternative n’est pas seulement celle des hommes usés par le pouvoir, mais surtout celle des dynamiques internes, celle des méthodes de travail, celle de la pensée politique, celle de l’action étatique. Pour faire renaître l’espoir, le Comorien doit faire la politique autrement, sortir des sentiers battus et s’abonner aux risques intellectuels consistant à proposer des idées constructives et à refaire le monde, jusqu’à ce qu’il soit refait.
Les Comores ont besoin de deux choses: l’unité et le développement. Après voir assisté à l’agonie et à la disparition des idéologies et des partis qui les sous-tendaient, elles étaient en quête de ces utopies sans lesquelles un peuple ne peut se libérer du fatalisme de la pauvreté, de l’ignorance et du sous-développement. En 2004-2006, Ahmed Sambi avait fait renaître cet espoir, mais rapidement, le Comorien fut sommé de regagner la case du désespoir et de la déchéance morale. Même si le Comorien fait semblant de suivre aveuglement son politicien, il sait qu’il n’est pas en de bonnes mains. Dans ces conditions, la question qui se pose est celle de savoir si nous allons continuer à accuser nos aînés de la classe politique de tous les maux de la terre, tout en étant dans l’incapacité de faire mieux qu’eux.
À titre strictement personnel, c’est la faillite des «élites» politiques des Comores qui m’a fait jeter dans l’arène politique. J’ai de l’ambition pour les Comores. Je ne supporte pas de voir ce peuple fier et combatif vivre dans un sous-développement dégradant et évitable. Rien ne destine les Comoriens à mourir en haute mer, en fuyant une partie de leur beau pays pour une autre partie de celui-ci. Rien ne destine le Comorien, par fatalité, à vivoter au gré des arriérés de salaires, à la recherche d’un introuvable enseignement pour sa progéniture, en quête d’impossibles soins médicaux et sanitaires dans son village, dans la recherche d’un habitat plus digne.
Le Comorien installé à l’étranger a sa chair marqué au fer rouge et porte les stigmates de tous les problèmes de son pays, et est révolté chaque fois qu’il a devant lui une belle réalisation humaine qui manque cruellement à son pays: un système de transports digne de ce nom, des vrais soins médicaux, une Sécurité sociale, une sécurité alimentaire (l’autosuffisance alimentaire étant la phase avancée du processus de développement), un École qui scolarise, un centre de santé qui soigne, des fonctionnaires payés à la fin du mois sans qu’il ne soit nécessaire de vendre la fierté nationale incarnée par le passeport et la nationalité de notre pays, une diplomatie réelle et non réduite à la mendicité internationale, etc.
Les Comores s’acheminent vers des élections législatives en 2014 et vers un scrutin pour la magistrature suprême en 2016. Ces échéances cruciales doivent permettre de dépasser le sempiternel débat sur l’utilité ou la nocivité de la présidence tournante. Notre parti, Comores Alternatives, sera au rendez-vous, et ne veut pas le faire en simple spectateur, mais en acteur politique majeur. Il en a les moyens et la volonté. La bataille que nous comptons mener à cet égard est avant tout celui du cœur, de la volonté et de la sincérité, à un moment où la désaffection politique est devenue une terrible réalité, puisque, désabusé, le Comorien rejette ses «élites» politiques.
Le combat que nous comptons mener est au cœur de la société comorienne, puisqu’incarné par des Comoriens vivant en France marchant la main avec leurs frères et sœurs vivant aux Comores. Ce n’est pas un combat individuel ou sectaire, mais celui de tout un peuple qui, en même temps qu’il s’interroge sur des «élites» en état d’échec, scrute toujours l’horizon, à la recherche de cet espoir qui ira bien au-delà de celui suscité en 2004-2006 et qui se solda par de terribles désillusions. Notre combat est celui du réalisme et de la sincérité, celui de l’effort commun, celui de la valorisation d’un peuple oublié et marginalisé, un peuple qui doit être réhabilité dans sa souveraineté pleine et entière, conformément à ce que disait le Père Jean-Bertrand Aristides lors de sa «période démocratique»: «Il vaut mieux échouer avec le peuple que de réussir sans lui».
Par Saïd-Abdillah Saïd-Ahmed
Animateur Principal de Comores Alternatives
Biographie de l'auteur
Saïd Ahmed Saïd Abdillah est né le 6 juin 1969. Il est médecin de formation, diplômé de la Faculté de Médecine de Tananarive.
Il a été Secrétaire Général Adjoint au Conseil d’Etat et au Conseil Législatif entre 1999 et 2002.
Il est actuellement chef d’entre- prise en France et dirige le club de réflexion et d’action politique «Comores Alternatives».
Il a écrit : Comores. D'une République à l'autre, Coelacanthe, 2012.