L'intervention du Sénateur dans la discussion générale du projet de loi relatif au Mariage pour les couples de même sexe : Monsie...
L'intervention du Sénateur dans la discussion générale du projet de loi relatif au Mariage pour les couples de même sexe :
Monsieur le Président, Madame la Ministre, Mes Chers Collègues,
Au regard des échanges qui ont eu lieu à l’Assemblée Nationale et
dans les médias, on pourrait s’étonner de me voir prendre ici la parole.
En effet, je suis l’élu d’un Département d’Outre-mer où la tradition
culturelle est très forte et très différente de celle de la métropole,
et où 95 % de la population est de confession musulmane.
J’ai pourtant d’excellentes raisons, républicaines, de penser que ce
texte, avec tous les enjeux qu’il soulève, représente une chance plus
qu’une opportunité.
Pour l’avocat que je suis, le fait que la France souhaite réparer une
rupture d’égalité devant le droit, en rejoignant les rangs des 7 autres
Etats de l’Union Européenne ayant ouvert cette voie, est une raison
suffisante pour me mobiliser en tant que législateur.
Pour le représentant d’une île qui a tant marqué son attachement à ce
pays, c’est une occasion supplémentaire de réaffirmer son ancrage dans
la République.
Je vais donc m’employer ici à détailler les raisons, qui transcendent
mes convictions religieuses, et me poussent à voter ce texte.
Permettez-moi avant toute chose une parenthèse d’importance : j’ai été
très étonné d’entendre les membres d’une organisation associative prier
devant l’entrée de l’Assemblée Nationale, et appeler à prier devant le
Sénat pour s’opposer à cette loi, alors même que les prières de rue sont
interdites, à juste titre, au nom du principe de laïcité.
Cette interdiction ne saurait s’appliquer qu’aux seuls musulmans de ce
pays, au nom cette fois-ci du principe d’égalité.
Cette parenthèse étant fermée, mes raisons, donc, sont les suivantes :
En premier lieu, les couples de même sexe sont aujourd’hui placés dans
une situation d’inégalité inacceptable puisqu’ils n’ont d’autre
alternative pour organiser une vie commune que de recourir au Pacs, dans
l’étroite limite des droits ouverts par cette convention.
Je rappelle que le Pacs, qui avait en son temps fait l’objet d’une vive
opposition, a depuis lors démontré son utilité. Il est d’ailleurs
amusant d’observer que les opposants d’hier en sont devenus les ardents
défenseurs…
Le texte qui nous est proposé aujourd’hui a le mérite de mettre fin à
ces situations d’inégalités ou de discriminations indirectes en ouvrant
le mariage aux personnes de même sexe.
Il permet également d’offrir aux enfants élevés par un couple homosexuel
un cadre familial plus sûr et plus protecteur juridiquement.
Car ces enfants existent.
Les associations de parents homosexuels parlent de 200.000 à 300.000
enfants concernés. Nous ne pouvons pas les ignorer sous prétexte qu’ils
heurtent nos représentations morales ou religieuses.
Ensuite, il faut reconnaître que, dans nos îles, l’homosexualité est
plus difficile à vivre qu’ailleurs. L’insularité peut y rendre le regard
social plus pesant, plus réprobateur qu’ailleurs.
S’il est vrai que la diversité sociologique, géographique, culturelle et
religieuse des outre-mers est une réalité, elle ne doit pas servir de
prétexte pour se soustraire aux avancées sociales de notre pays.
Je crois vraiment que l’on ne peut à la fois revendiquer cette
appartenance à la République et réclamer l’application du droit commun,
tout en faisant valoir des particularités locales lorsqu’un projet de
loi nous contrarie.
Il ne peut y avoir de rupture du pacte républicain entre la France et
les outre-mers ; surtout pas quand il s’agit des libertés !
Nous avons tant lutté pour cela et nous luttons encore. Qu’il s’agisse
de l’abolition de l’esclavage, de la départementalisation, ou encore de
notre conquête dans l’égalité des droits.
Pas plus que l’abandon légal de la polygamie à Mayotte en 2005, coutume
faisant pourtant partie intégrante de notre culture, la possibilité
donnée aux couples homosexuels de s’unir ne sonnera le glas de notre
identité.
Enfin, je voudrais redire que ce projet de loi répond à un engagement
clair de campagne du candidat François HOLLANDE.
Désormais Président de la République, il est donc normal qu’il mette en
œuvre sa politique au profit de TOUS les français.
C’est notamment la raison pour laquelle l’actuel gouvernement, qui
poursuit la consolidation du processus de départementalisation voulu par
les Mahorais, a prévu à l’article 21 de ce texte, que les dispositions
relatives aux prestations familiales seront applicables à la situation
de parents de même sexe.
Pour finir, ce projet de loi, porté avec conviction et talent par une
Ministre, elle-même ultramarine, est une formidable occasion de montrer
que nous sommes capables d’aller vers l’intérêt général et le
dépassement de nos intérêts individuels en portant, mieux encore que
quiconque, les grandes avancées symboliques de notre République.
C’est à ce prix que les sociétés évoluent, et que les droits et les libertés progressent.
Je voterai donc en faveur de ce texte, qui constitue pour nous tous un véritable progrès pour l’égalité des droits.
Source : KTV
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