Mayotte : Comme une odeur de poudre dans l’île aux parfums. Face à la flambée des prix qui semble inévitable avant la fin du mois, les Ma...
Mayotte : Comme une odeur de poudre dans l’île aux parfums.
Face à la flambée des prix qui semble inévitable avant la fin du mois, les Mahorais vont-ils à nouveau redescendre dans la rue pour manifester contre la vie chère, comme ils l’ont fait fin 2011
La tension monte à Mayotte. Après le personnel de l’agence de santé, les agents de la Sécurité sociale et de la CAF sont entrés en grève lundi. Demain ( mercredi), ce sera sans doute l’hôpital. Quant à la question de la vie chère, elle risque de se reposer puisque l’accord sur le gel des prix arrive à son terme dans quelques jours. Le feu couve-t-il à Mayotte ? Éléments de réponse.
En grève depuis cinq semaines, les agents mahorais de l’agence de santé de l’océan Indien (ARS-OI), ne veulent rien lâcher tant qu’ils n’obtiendront pas un traitement égalitaire avec leurs homologues réunionnais. Près de 80 personnes (sur 120) occupent les locaux de Mamoudzou et restent déterminés. La pierre d’achoppement est essentiellement statutaire. Quand les agents réunionnais sont recrutés avec un statut de fonctionnaires d’État ou de contractuel - bénéficiant d’une indexation et de congés bonifiés - leurs homologues mahorais ne bénéficient que d’un statut de fonctionnaire transitoire. Ainsi, à travail ou mission égale, les agents mahorais ont des salaires plus faibles. Une situation qui ne devrait pas évoluer avant 2015. Les solutions avancées par la direction de l’ARS-OI ont été immédiatement rejetées. Au début du conflit, la directrice leur a proposé de compenser les écarts de rémunération par des primes (plafonnées) et des bons d’achats. “La voie de sortie semble compliquée à trouver”, résumait-il y a peu dans nos colonnes Chantal de Singly, directrice de l’ARS-OI.
« Nous nous sentons mis à l’écart »
Ce mouvement social, qui a occasionné la suspension du vaste programme de distribution de moustiquaires à toute la population, semble s’étendre. Lundi, la Sécurité sociale (indépendante de la CGSS de la Réunion) et l’établissement des allocations familiales (EAF, équivalent de la CAF) sont également entrés en grève. Là encore la disparité salariale est au cœur des revendications. Le personnel gréviste réclame l’application de la convention collective nationale et les avantages qui vont avec en termes de primes et de salaires.
“Il est normal de revendiquer l’alignement des salaires depuis que nous sommes devenus un département, explique, Madi M’Collo, représentant de Force ouvrière (FO) à Mayotte. Quand il s’agit d’avoir des obligations, nous sommes Français, mais quand il s’agit de bénéficier de droits, nous ne le sommes plus. Nous nous sentons mis à l’écart. C’est une forme de discrimination.”
Le mouvement social est particulièrement suivi : 80 % des agents de l’EAF et 70 % à la Sécurité sociale. Les grévistes expriment aussi des velléités d’indépendance à l’égard de l’ARS-OI et de la CAF de la Réunion dont ils dépendent et qu’ils accusent de défavoriser financièrement leur antenne mahoraise. Dans la même veine, les syndicats CFDT-CFE et CGC du centre hospitalier de Mayotte (CHM) se sont réunis lundi afin d’envisager une grève ces prochains jours. “Il s’agit plus d’un problème avec le directeur qu’un problème d’acquis salarial”, observe un proche du dossier.
Les prix à la hausse dès le 22 mars ?
Néanmoins, un climat tendu semble régner dans l’île aux parfums. Et les choses ne vont sans doute pas s’arranger. Car le protocole de fin de conflit sur la vie chère, signé le 20 décembre 2011, arrive à son terme. Syndicats et associations avaient réussi à obtenir la baisse du prix de neuf produits alimentaires de première nécessité (riz, poulet, bœuf congelé, farine, huile végétale, huile de palme, boîte de tomates, lait et sardines), ainsi que celui du gaz et du sable. Des réductions qui “seront maintenues jusqu’en mars 2012, date des premiers versements du RSA”, spécifie l’accord signé avec l’État.
Selon les informations glanées par notre confrère du Journal de l’île de la Réunion, dès le 22 ou le 23 mars, les prix pourraient donc repartir en flèche. Si tel était le cas, Madi M’Collo “n’exclut pas de nouvelles manifestations”. Pour autant, l’intersyndicale ne s’est pas encore réunie sur le sujet. Et son leader, Saïd Bouinali, qui se présente à la députation, pourrait bien avoir envie de “policer son image”, analyse un fin connaisseur de Mayotte.
Bien que la chose soit cyclique (en 2009 et en 2011), il n’est donc pas certain qu’un mouvement social explose à nouveau dans cette île, qui n’a pas suivi avec attention les émeutes qui ont récemment secoué la Réunion. Dans le cas contraire, ce serait un coup fatal porté à l’économie mahoraise, ébranlée par 46 jours de conflits, et déjà moribonde.
Marie Payrard, Le Journal de l’île de la Réunion.
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