À Mayotte, « personne n’est allé dans les bidonvilles prévenir la population ». Les conséquences du cyclone Chido étaient prévisibles. Mayotte est une
Prévention lacunaire de l’État, habitations exposées, peur des autorités, manque de dialogue... Les ravages causés à Mayotte par le cyclone Chido auraient pu être largement réduits, selon le géographe Fahad Idaroussi Tsimanda.
Après le passage du cyclone Chido samedi 14 décembre, les images de Mayotte ont des airs post-apocalyptiques. L’ile est sous les décombres. Les bidonvilles ont été balayés par des rafales de vents dépassant les 220 km/h. L’hôpital, le port et l’aéroport ont été sérieusement endommagés. 15 000 foyers sont actuellement privés d’électricité et les habitants doivent survivre sans eau courante, et avec peu de provisions.
Pour Fahad Idaroussi Tsimanda, docteur en géographie et spécialiste des risques naturels et des vulnérabilités associé au Laboratoire de géographie et d’aménagement de Montpellier (Lagam), et habitant de Mayotte depuis un an, ces dégâts témoignent des lacunes de l’État vis-à-vis de la vulnérabilité d’un territoire pas préparé à un tel phénomène météorologique.
Reporterre — Était-il possible d’anticiper ce qu’il s’est passé à Mayotte ?
Fahad Idaroussi Tsimanda — Les conséquences du cyclone Chido étaient prévisibles. Mayotte est une zone à risque même si elle bénéficie de la protection naturelle de Madagascar qui réduit d’ordinaire l’intensité des phénomènes climatiques. Le dernier cyclone de cette ampleur remonte aux années 1930, donc la conscience du risque s’est peu à peu endormie. Ce type de catastrophe n’est donc pas envisagé dans la conscience collective.
« La France doit prendre ses responsabilités vis-à-vis de l’île »
Cependant, les autorités mahoraises savaient qu’un tel phénomène allait toucher l’île. Elles auraient dû mettre en place un diagnostic et un dialogue avec les populations, mais rien n’a été fait. Et à l’approche du cyclone, personne ne s’est déplacé dans les bidonvilles pour prévenir la population. Seules des alarmes téléphoniques bruyantes écrites en français ont alerté les populations provenant des bidonvilles. Or, beaucoup d’habitants ne comprennent pas cette langue.
Au nord de l’île, des élagages auraient pu être faits pour éviter des chutes d’arbres, et des coupures de courant. Mais il n’y a pas assez de moyens. L’État se désolidarise et Mayotte ne peut affronter une telle crise. Nous ne devrions pas avoir à quémander de l’aide. La France connaît les risques, elle doit prendre ses responsabilités vis-à-vis de l’île. Ces comportements dangereux contribuent à ce terrible spectacle qui aurait pu être en partie évité.
Les récits des évènements rapportent que dans les bidonvilles, zones les plus durement touchées par le cyclone, des habitants, pour bon nombre sans papiers, n’ont pas trouvé refuge dans les lieux en dur. Comment l’expliquer ?
Les zones anthropisées sur lesquelles se trouvent ces bidonvilles sont fortement exposées. Les constructions y sont très précaires, bâties sur des pentes sujettes au mouvement de terrain. Avec le vent du cyclone Chido, quasiment toutes les maisons en tôles ont volé.
Il existe plusieurs raisons pour lesquelles certains refusent de quitter leur domicile. Certains ont peur des vols, d’autres sous-estiment les dégâts d’un cyclone. Mais dans la majorité des cas, la population a peur des autorités. Selon les quelques témoignages que j’ai pu recueillir, certains ont cru à un stratagème pour les renvoyer chez eux.
Pourquoi le pouvoir français a-t-il échoué à prévenir la population d’une telle catastrophe ?
On a une approche verticale avec des décisions paternalistes qui viennent de Paris. Nous devrions gérer la crise depuis la base. Nous sommes un territoire insulaire où plus de la moitié de la population vit sous le seuil de pauvreté. Il faut nous donner les moyens directs et ne pas attendre les décisions parisiennes.
La France doit aller au contact de la population mahoraise avec une approche horizontale. Les politiques doivent discuter et sensibiliser. Tout cela aurait pu être fait avant le drame.
Sur place, les moyens déployés pour réparer les dégâts sont-ils suffisants ?
Seules les forces locales ont commencé à débarrasser les routes, mais pour le moment [l’entretien a été réalisé le 16 décembre à 14 heures, heure de Paris] il n’y a aucune aide concrète. Nous n’avons pas d’arrivage d’eau ou...Lire la suite sur Reporterre
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