Le Parlement comorien, acteur clé de la politique climatique nationale. Cette conférence se déroule dans un contexte international marqué par la rééle
Le Parlement comorien, acteur clé de la politique climatique nationale
Depuis 1995, la communauté internationale a initié une série de conférences afin de renforcer les engagements de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, adoptée en 1992. Ces rencontres visent à définir des actions pour ‘‘stabiliser les concentrations de gaz à effet de serre à des niveaux qui préviennent toute interférence anthropique dangereuse avec le système climatique’’.
C’est dans ce contexte que s’inscrit la Conférence de Bakou, ayant débuté le 11novembre en Azerbaïdjan et prendra fin ce 22 novembre 2024. Cette réunion, officiellement reconnue comme la 29ᵉ Conférence des Parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur le changement climatique (CCNUCC), constitue un espace de concertation interétatique où les parties s’emploient à affiner et intensifier leurs engagements pour la maîtrise des dynamiques climatiques mondiales, en se focalisant sur la question du financement.
Cette conférence se déroule dans un contexte international marqué par la réélection de ‘’Donald Trump’’ et les préoccupations relatives à un éventuel retrait des États-Unis de l'Accord de Paris sur le climat de 2015. Parallèlement, le contexte national comorien se retrouve marqué par la dynamique électorale avec la perspective de nouvelles élections législatives d’où la nécessité de s’interroger sur le rôle crucial que pourrait jouer les parlementaires comoriens dans l’action climatique.
En effet, la lutte contre le changement climatique fait appel à l’intervention d’une pluralité d’acteurs dont les parlementaires, en raison de la nature intrinsèquement complexe et multidimensionnelle de ce phénomène qui impacte négativement l’ensemble des sphères de la vie humaine, en particulier dans les petits États et vulnérables tels que les Comores.
Traditionnellement, le parlement comorien exerce trois fonctions essentielles, telles que mentionnées dans la constitution de 2018. Selon l’article 72 de cette constitution « l’Assemblée de l’Union est l’organe législatif de l’union. Elle vote les lois, y compris les lois de règlement, adopte le budget et contrôle l’action du gouvernement».
Dans le cadre de ces trois fonctions à savoir l’élaboration et l’adoption des lois, l’adoption annuelle de la loi de finances, ainsi que le contrôle de l’action gouvernementale, le Parlement comorien peut assumer un rôle central dans le renforcement de la politique climatique nationale.
La fonction législative confère aux parlementaires comoriens la capacité d’adopté une loi-cadre sur le changement climatique, ouvrant ainsi la voie à des propositions législatives dans des domaines relatifs à la lutte contre le changement climatique, tels que le recyclage des déchets, le développement des énergies renouvelables et d’autres initiatives écologiques.
En outre, conformément à l’article 72 de la Constitution susmentionné, les parlementaires comoriens peuvent intégrer des exigences de financement climatique dans le budget public. Bien que le pouvoir de soumettre le projet de loi de finances annuel appartienne au gouvernement, cependant c’est au parlement que revient l’adoption de ce projet et dispose ainsi du droit initial de le modifier. Ce droit permet d’amender le contenu du projet de loi de finances en ajustant les estimations de recettes et de dépenses, ouvrant la possibilité de renforcer les investissements en faveur de l’action climatique.
De plus, les parlementaires ont également la possibilité de suivre de près l’action gouvernementale en matière de climat. D’après l’article 72 de la Constitution comorienne, le travail du gouvernement fait l'objet d'un contrôle parlementaire. À ce titre, les parlementaires peuvent superviser les initiatives du gouvernement comorien, notamment en organisant des auditions publiques et en posant des questions adressées au gouvernement, en particulier au ministère de l’Environnement, qui joue un rôle primordial dans la gestion des questions liées au changement climatique. A titre d’exemple, le Parlement comorien pourrait inviter le gouvernement à organiser une audience dédiée aux Contributions Déterminées au niveau National (CDN). Cette initiative permettrait de clarifier les plans de mise en œuvre, d’examiner les rapports d’avancement, de définir les étapes suivantes à entreprendre et d’identifier les principaux défis liés au processus d’exécution, ce qui renforcerait la transparence tout en facilitant une collaboration interinstitutionnelle pour surmonter les obstacles et garantir le respect des engagements climatiques internationaux.
Dans le cadre de ses prérogatives constitutionnelles, le Parlement comorien pourrait jouer un rôle central en légiférant sur des thématiques clés liées à l’action climatique. Il lui incomberait également d’assurer l’intégration des impératifs climatiques dans l’élaboration du budget national tout en exerçant un contrôle rigoureux sur les politiques et initiatives du gouvernement en matière de lutte contre le changement climatique. Cette implication renforcerait la cohérence entre les engagements climatiques nationaux et les objectifs globaux de développement durable.
Il est important de souligner que les membres du Parlement comorien ont un rôle fondamental à jouer en dehors des couloirs du Parlement, puisqu’en tant qu’individus appartenant à différents partis politiques, qui sont en principe des écoles pour la préparation et la formation d’élites, peuvent conscientiser les citoyens notamment au niveau de leurs différentes circonscriptions électorales en promouvant ainsi l’éducation environnementale et climatique.
De ce fait, les parlementaires peuvent assumer un rôle essentiel dans la mobilisation de leurs électeurs face aux risques liés au changement climatique, en promouvant une prise de conscience accrue et en orientant les efforts vers des réponses individuelles et collectives adaptées. Ils sont également bien placés pour conduire des initiatives concrètes en faveur de l’action climatique, telles que des campagnes de reboisement, la promotion des transports publics, ainsi que l’encouragement à une gestion durable de l'eau et des ressources naturelles.
Les membres du parlement peuvent aussi contribuer à instaurer et à renforcer une culture du développement durable en veillant à ce que les activités parlementaires soient menées dans des infrastructures respectueuses de l’environnement qui optimisent l’utilisation de l’eau et de l’énergie et en promouvant l’adoption de méthodes numériques dans toutes leurs activités réduisant ainsi la dépendance aux supports papier, et démontrant par l'exemple que la transition vers des pratiques durables est à la fois réalisable et bénéfique.
Par ailleurs, le Parlement comorien pourrait intensifier la diplomatie parlementaire en forgeant des partenariats avec d’autres parlements nationaux dans des domaines liés à l’action climatique, contribuant ainsi à un échange de bonnes pratiques et au renforcement des engagements climatiques communs.
En définitive, les représentants du parlement comorien sont parmi les acteurs importants de la lutte contre les effets néfastes du changement climatique. Ils ont la possibilité de réagir en faveur du climat en utilisant leurs prérogatives constitutionnelles ou en agissant en tant que source d’inspiration et d’incitation au changement de comportement dans le but de soutenir et de renforcer la résilience de leurs communautés face aux défis environnementaux.
IBRAHIM Nidhoir : Chercheur spécialisé dans les enjeux et les défis des relations internationales.
COMMENTAIRES