Coup d’œil sur le phénomène de la prolifération du Anda ou Grand mariage...Depuis fort longtemps, certains régimes politiques comoriens ont toujours e
Coup d’œil sur le phénomène de la prolifération du Anda ou Grand mariage dans les capitales de la Grande Comore : le cas de Moroni
Avec amertume et mélancolie, un grand notable de la Grande Comores résume la course effrénée du anda ou grand mariage en ces termes: "Ye nfi yihisa yitsambaliya ho zioyoni"(le poisson est déjà éparpillé dans le repas). Ce notable éclairé n'avait pas tort si nous observons très bien la course contre la montre qui est faite pour la réalisation de ce grand mariage, surtout de la part des jeunes de la capitale. De ce fait, ce phénomène de prolifération du anda ces dernières années à Moroni nous permet de faire quelques analyses dans les domaines politique, social et économique.
Depuis fort longtemps, certains régimes politiques comoriens ont toujours essayé de pratiquer ouvertement un système de récupération du anda pour s'imposer au sein de la population. Le régime de l'ancien président Ahmed Abdallah(1978-1989)en l'exemple. Le régime dictatorial actuel en est aussi un autre exemple probant. En effet, dans certains grands mariages, le président autoproclamé, Azali, s'affiche au côté du marié, surtout lors des grandes cérémonies publiques(l'exemple du "madjilis" qui a un caractère à la fois religieux et coutumier).
Cela montre que le marié ou la mariée est proche du président, c'est-à-dire du pouvoir politique. De plus, souvent, le président fait partie de ceux qui vont faire la lecture des prières de la dernière partie de cette cérémonie . Ce procédé lui permet de s'affirmer davantage la sphère religieuse et coutumière.
Dans le domaine social, nous observons un rajeunissement dans les rangs des wandru wadzima ou notables(ceux qui ont fait le grand mariage) car de nombreux jeunes font de plus en plus leurs grands mariages. Et cette nouvelle donne pose parfois des problèmes protocolaires lors des grandes cérémonies parce que certains jeunes nouveaux notables veulent prendre les places du devant réservées aux grands notables(ceux qui sont plus âgés et qui ont fait autant d'actes coutumiers) et aux oulémas.
Nous remarquons aussi un changement de forme au niveau du discours. De plus en plus des jeunes, qui maîtrisent très bien la langue arabe, font une partie du discours d'ouverture en arabe. Leurs discours sont plus longs qu'avant car il lisent la quasi-totalité de noms des gens importants qui constituent les familles du marié et celles de la mariée.
Ce phénomène de la prolifération du anda est aussi fort intéressant à observer dans le domaine économique car le anda est avant tout, surtout ces derniers temps, un système exclusivement monétaire. Et cela rend davantage ce phénomène complexe et entraîne des multiples conséquences.
Tout d'abord, nous avons deux catégories de jeunes qui font ce anda. La première est composée des jeunes qui ont les moyens financiers(la plupart sont des de "je viens de France) pour réalisé ce anda. Ce sont des jeunes issus de la diaspora ou ceux qui occupent des postes importants aux Comores.
La deuxième catégorie est celle de ceux qui n'ont pas les possibilités financières pour le faire. Puis, ces derniers misent beaucoup plus sur le soutien de leurs familles. De plus des, ils font souvent des prêts auprès des banques, ils l'hypothèquent ou ils vendent certains biens fonciers. Ainsi, cette situation fait qu'une mutuelle comme la MECK de Moroni(Mutuelle d'Epargne et de Crédit des Comores) procède ces dernières années à des liquidations et des ventes aux enchères.
Par conséquent, la prolifération du anda à Moroni et dans d'autres localités de la Grande Comore ne fait que renforcer le mélange de genre entre politique, coutume et religion. En outre, le coup financier de ce système pousse davantage certains jeunes à se surendetter. Ce procédé participe à la dégradation et la déliquescence de ce système du anda car, parfois, dans certains grands mariages, l'or donné à la mariée par le marié est faux. Pire encore, la somme d'argent prononcée en public , sous la forme dote, est, dans certains cas, fausse.
Cela créé un sentiment doute entre ce qui est authentifié et la contrefaçon. Et un jeune nouvellement notable, "je viens de Paris"(qui habite à Paris), résume très bien ce spectacle tragi-comique : "Kapvatsi anda sha ngapvo tchezo boneso"(il n'y a du grand mariage mais du spectacle). Enfin, aujourd’hui, faute de moyens, certains couples prêtent des maisons(une maison d'un ou d'une membre de leurs familles) pour faire leur grand mariage.
Ibrahim Barwan
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