Echos de l'histoire : Il était une fois, l'Opération Uwambushu

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Echos de l'histoire : Il était une fois, l'Opération Uwambushu. Le gouvernement français a donc mis en place tout un dispositif militaire prompt à en

Echos de l'histoire : Il était une fois, l'Opération Uwambushu


Echos de l'histoire : Il était une fois, l'Opération Uwambushu

Ils ont tout prévu coté violence, ils ont tout ignoré coté résistance. Cela faisait des mois que les élus de Mayotte ont su faire admettre au gouvernement français qu’une opération brutale, peut mettre fin à l’insécurité et à "l’immigration illégale" à Mayotte. Le ministère français de l’intérieur a rebondi sur cette opportunité pour justifier, vis-à-vis de l’opinion, une volonté ferme du gouvernement en matière de politique migratoire et sécuritaire.

Présentée comme une solution de maintien de l’ordre, l’opération Uwambushu a séduit le président Macron qui en a fait partie de son agenda à court terme. Il a recommandé la discrétion des préparatifs pour convenir le président comorien et président de l’Union Africaine pour une collaboration effective. Mais, le journal Le Canard Enchainé a publié l’information, ce qui a pris de court le gouvernement en pleine préparation de l’opération et l’opinion choquée par la violence en vue.

Le gouvernement français a donc mis en place tout un dispositif militaire prompt à en découdre, en deux mois, avec la délinquance et "l’immigration illégale" à Mayotte. Plus de 1800 policiers sont mobilisés et une unité de la fameuse CRS 8 spécialisée dans l’intervention urbaine est envoyée à Mayotte, avec un impressionnant arsenal militaire. Les objectifs sont de mettre un terme, par les armes, aux activités des bandes des jeunes, de décaser les bidonvilles et de d’expulser les Comoriens vers l’île d’Anjouan. En deux mois, tout serait nettoyé pour rétablir l’ordre et récolter les dividendes politiques en conséquence. Toute la stratégie est à la fois militaire et politique sans mesures sociales, juridiques et diplomatiques d’accompagnement.

Mais, les concepteurs de cette opération ont tout ignoré ou sous-estimé de tout ce qui pourrait être de la résistance. Pourtant, plusieurs réseaux se sont immédiatement mobilisés pour faire barrage à ce qui est considéré, à tort ou à raison, comme une brutalité disproportionnée de force et non de loi.

Ils n’ont pas pris le temps d’évaluer les risques que pourraient encourir des jeunes livrés à eux-mêmes dans les rues, des jeunes élevés dans les privations, la violence, surtout dans des conditions de survie épouvantables qui ont fait d’eux des rebelles. Ces gamins, pour la plupart, nés à Mayotte, estiment qu’ils sont chez eux et connaissent mieux que quiconque leur terrain et la capacité de la violence dite légitime de leurs adversaires. Ils ont appris à se battre pour vivre et savent comment survivre. Ce n’est pas prévu qu’ils peuvent savoir résister avec leurs moyens dérisoires.

Ils n’ont pas prévu qu’il va se révéler que les habitants des bidonvilles ne sont pas que des Comoriens des autres iles de l’archipel du même nom. Ils l’apprennent que des maorais et de maoraises sont en étroite cohabitation, tantôt pacifique tantôt tumultueuses, avec les ressortissants des autres îles parce qu’ils partagent les mêmes conditions de vie indigente dans la marginalisation absolue de l’île désignée « le Département le plus pauvre de France ».

Le décasage est pour eux, la dépossession arbitraire de celles et de ceux qui ne possèdent plus grand-chose qu’un petit abri d’infortune. Ils se mobilisent contre l’injustice qui fait d’eux des victimes collatérales.

Ils n’ont pas prévu que l’économie de l’ile est, en grande partie, articulée autour de la main d’œuvre des Comoriens venus des autres iles et que la stigmatisation, la xénophobie exacerbée et la chasse aux sorcières manu-militari sont autant des facteurs déstabilisants. La crise sociale et économique peut frapper l’île d’un coup fatal.

Ils n’ont pas prévu que le gouvernement comorien peut se trouver en droit de refuser l’accueil des refoulés de Mayotte, malgré la docilité qu’il est supposé devoir à la France.

Certes, ce gouvernement est soutenu politiquement, financièrement et militairement par la France, premier partenaire reconnu mais, l’arrogance des milieux politiques français, prenant l’aide au développement pour une radinerie collaborative, est plus qu’humiliante pour le gouvernement comorien et révoltante pour la population. Il a été d’ailleurs constaté, selon Le Canard Enchainé, que les 150 M€ promis aux Comores pendant la Conférence des Partenaires au Développement, tenue à Paris les 2 et 3 décembre 2019, sont dans les caisses de l’AFD (Agence française de développement) et que pour les 90 M€ décaissés, seulement 12M€ sont investis dans le développement. Mépriser les pays en besoin d’appui en coopération, c’est ce genre de déconsidération qui provoque le sentiment anti-français en Afrique.

En tout cas, la décision du gouvernement comorien de refuser aux bateaux transportant des expulsés d’accoster aux îles de sa souveraineté est saluée par toute la population, ce qui suppose que pour la volte-face constatée, c’est ce gouvernement qui en a pris plein la figure. C’est d’autant plus déterminant que l’Assemblée nationale venait d’adopter une résolution interdisant l’accueil des refoulés dans les trois îles sous souveraineté comorienne. Le gouvernement est donc pris entre le marteau de son parrain et l’enclume de son peuple.

Ils n’ont pas prévu que cette opération n’allait pas passer incognito devant la juridiction française laquelle fait de la défense des droits sa mission principale. Le gouvernement français ne peut pas passer outre les fondamentaux de l’Etat de droit, ce qui oblige les « décaseurs » et les « expulseurs » de rendre compte de la légalité de leurs actions et de la légitimité/faisabilité des dispositifs compensatoires. A contrario, les élus de Mayotte s’en prennent aux juges qui effectuent amplement leur travail en toute indépendance, comme il se doit, en lisant le droit.

Ils n’ont pas prévu qu’en France métropolitaine, des personnalités et organisations politiques et de la société civile puissent s’indigner vigoureusement contre l’opération mise en exécution brutalement avec des méthodes illégales et injustifiées. Les propos haineux, des élus maorais dont certains appellent publiquement au meurtre collectif des Comoriens ont choqué beaucoup d’acteurs de la vie politique et associative en France. L’on s’étonne que le président Macron prône 100 jours d’apaisement en France et 60 jours de confrontation armée à Mayotte.

Ils n’ont pas, enfin, prévu que le monde va regarder ce qu’il se passe à Mayotte et que maintenant l’Etat comorien, contraint de défendre sa dignité, peut alerter la communauté internationale sur la posture coloniale de la France au moment où le lugubre spectacle entre la Russie et l’Ukraine, entre Israël et Palestine peut s’interpeller ailleurs.

Pour rappel, plusieurs résolutions de l’ONU confèrent la légitimité territoriale de Mayotte aux Comores et déclarent les différents referendums d’autodétermination de l’île nuls et non avenus. Le retrait de la question de Mayotte de l’ordre du jour de l’Assemblée Générale de l’ONU est dû à "la volonté" du gouvernement comorien de parvenir à une solution négociée avec la France croyant, naïvement, à la possibilité de laver le linge sale en famille ou pour répéter François Mitterrand, résoudre « ce contentieux désagréable » entre deux pays amis.

Dini Nassur

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