Hommage à cet ami Said Hassan Said Hachim est parti. Je me disais qu’il allait se rétablir par la grâce de Dieu....
Said Hassan Said Hachim est parti. Je me disais qu’il allait se rétablir par
la grâce de Dieu. Il y avait encore tellement à dire, tellement à écrire,
tellement à faire.
Je remercie mon jeune frère Oubeidillah Mchangama. C’est lui qui m’a informée
que Said Hassan Said Hachim voulait s’adresser aux Comoriens. Nous sommes
alors à quelques jours du référendum constitutionnel de 2018. Je m’écrie: «
Said Hassan Said Hachim a un message à livrer à ses compatriotes et il n’a
appelé que la Radio Kaz? ».
Je demande à Oubeid de l’informer que Al-watwan sera de la partie pour son
allocution.
J’arrive chez lui. Chez maman Hachim. Oubeid est là avec son magnétophone et
moi avec mon téléphone. A l’époque, les Live Facebook, c’est moi qui les
faisais et pas Oubeid . J’en explique le principe à l’ancien gouverneur. Je
braque mon téléphone et il s’adresse à la nation pendant une demi-heure.
Nous l’écoutons attentivement, religieusement avec le sentiment de participer
à quelque chose d’unique. Sa voix grave, profonde, posée, qui martèle aux
comoriens l’importance de la Concorde, du dialogue, de la discussion. Il avait
un message de paix à délivrer à ses concitoyens. Il a appelé toute la classe
politique à un sursaut national. Un sursaut national qui se fait ( toujours)
attendre.
« La dette qu’ont les comoriens envers leur pays ne peut être payée par le
sang, mais par l’argent, par des efforts, par la réflexion », a-t-il insisté.
Ce jour-là M. Said Hassan Said Hachim voulait « libérer sa conscience ». Et il
l’a fait de la plus belle des manières, dans son habit blanc. Par sa voix
imposante. Par le choix de ses mots. Il a dit aux comoriens, « entre l’honneur
et l’argent, j’ai choisi l’honneur ». Il a dit aux comoriens « qu’il était
temps de promouvoir le dialogue afin de ne pas mettre en péril l’avenir de nos
enfants ». Des enfants qui découvraient ou redécouvraient un vieux « jeune »
qui savait encore dire « non » et qui le faisait savoir. Un homme aux idées
claires qui savait exactement ce qu’il voulait. Un homme dont le nom seul
imposait le respect. Quand Said Hassan Said Hachim parlait, on ne pouvait que
l’écouter.
Quand il eut fini et que j’ai interrompu le direct Facebook, quand il a
commencé à recevoir des appels du Japon, de la France, de la Suisse, ravi et
étonné que des gens « qui ne se trouvaient pas à Iroungoudjani » l’aient vu et
entendu, il nous a fait part de sa surprise. De la surprise que des gens aussi
éloignés géographiquement aient pu suivre son allocution en instantané. Nous
en avons rigolé pendant de longues minutes, avons cassé du sucre sur la chaîne
publique dont on pouvait se passer grâce aux directs...
Nous savions que nous avions ce jour-là, malgré les décennies qui nous
séparaient, gagné un ami. Said Hassan Said Hachim était notre ami.
C’était un homme politique comme on n’en fait plus, avec le sens de l’honneur
chevillé au corps.
La dernière fois que je l’ai vu,c’était le 24 octobre, je revenais de voyage
le même jour. Il était un peu fatigué. Aussi je ne suis pas restée longtemps,
peut être 10 minutes. Il a eu la force de venir au salon. Il m’a encore une
fois parlé de mon aïeul de Foumbouni, de son courage. Il a parlé comme
toujours de son fils qui se trouve être mon cousin , Said Mohamed. Je me suis
levée pour partir. Son regard était pensif. Je l’ai senti accompagner mon
départ. Avec le recul, je me dis que c’était une façon de me dire au revoir.
A nos enfants, je raconterai la fierté qui est la mienne d’avoir pu et su
partager quelques moments avec cet homme pour lequel j’éprouve le plus profond
respect. Je leur dirai: de mon temps, j’ai eu l’immense privilège de côtoyer
une personnalité remarquable, un Baobab.
Je leur dirai, vous savez, c’est cet homme de 84 ans, qui pour se déplacer
avait parfois besoin d’une canne et qui a eu, au crépuscule de sa vie
l’admirable courage de dire non. Une belle leçon de dignité. Un homme de 86
ans qui avait les yeux qui brillaient, qui pétillaient parce qu’il avait un
livre, un journal à lire.
Faïza Soulé Youssouf
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