M’Toro Chamou présente Sika Mila, son tout nouvel album. L'auteur-compositeur-interprète mahorais y défend son M’Godro rock contestat...
M’Toro Chamou présente Sika Mila, son tout nouvel album. L'auteur-compositeur-interprète mahorais y défend son M’Godro rock contestataire, en soutien rythmique à ses mises en cause quant au devenir des îles où il a grandi en plein océan Indien.
M’Toro Chamou vient de sortir de table quand sonne le téléphone. Au menu ce midi pour le chanteur et musicien, des bananes plantains au lait de coco, façon mahoraise précise-t-il comme pour nous aiguiser l’appétit malgré les trois heures en temps universel et les milliers de kilomètres qui nous séparent de Saint-Pierre (La Réunion) où il vit depuis 7 ans.
M’Toro Chamou - Chamsidini Momed – de son vrai nom, est né en 1974 à Dzaoudzi, sur Petite-Terre, une des îles qui constituent Mayotte. "M’Toro, c’est le marron, l’esclave qui s’est révolté, et Chamou, un diminutif de Chamsidini. Je suis très attaché à Mayotte et à mon identité mahoraise même si j’ai beaucoup voyagé. C’est ce qui m’a fait, c’est là que sont nées mes émotions" confie celui qui en 1995 a rejoint La Réunion avant de s’installer l’année suivante à Marseille, puis dès 2000 à Nantes. En 2012, il retrouve La Réunion où il vit depuis pour que "son art ne meure pas, parce qu’ici à la différence de Mayotte, il y a une politique culturelle affirmée."
"La musique m’a avalé tout petit"
Aîné d’une lignée de 6 enfants "même père, même mère" ajoute-t-il, M’Toro Chamou a plusieurs grands frères et sœurs. "Chez nous à Mayotte, on ne dit pas demi-frère ou demi-sœur, ces mots n’existent pas" confie-t-il simplement pour expliquer ce paradoxe.
Son père, employé dans une société de manutention portuaire, occupait ses loisirs à réparer magnétophones, radios et tourne-disques. "On écoutait de la musique en permanence" confie-t-il, "autant les musiques des îles de l’océan Indien ou des côtes africaines voisines (Mozambique, Tanzanie, Kenya, Somalie…) que les disques des vedettes de la chanson française ou ceux du Jamaïcain Bob Marley."
À Mayotte, comme il l’explique "la musique est partout. Elle m’a avalé tout petit." À Grand-Terre, chez Demo, un voisin musicien de sa grand-mère, Il voit et touche pour la première fois, une guitare. À Petite-Terre, près de chez lui, Slim, un musicien africain, fan de Fela lui offre sa première guitare quand il rejoint le groupe de ce dernier comme choriste. "Je devais avoir 17 ou 18 ans. Dès que j’avais du temps, je jouais" se souvient-il.
La musique sera son salut : "Côtoyer tous les artistes de Mayotte et des Comores m’a sauvé" commente celui dont la carrière musicale a démarré adolescent au sein de M’Tsapéré Power, un combo hip hop avec lequel il connaît un premier succès. "On a ouvert des portes, permis aux jeunes de découvrir autre chose que la musique de leurs aïeux. Nous avons planté des graines. La descendance est belle, mais cela ne suffit pas".
Mayotte est-elle un département comme les autres ?
Devenue le 101e département français en 2011, Mayotte traverse de graves difficultés. "Le Mahorais est fier d’être français. La France est-elle, elle, fière des Mahorais ?" questionne M’Toro Chamou. "C’est quelque chose qu’elle ne dit pas. Ici, on n’a pas l’impression d’être un département comme les autres. La population ne comprend plus ses élus qu’ils agissent ici ou depuis Paris" explique-t-il, citant au passage les politiques en matière de santé, d’éducation ou de développement de l’activité touristique.
Le constat n’est pas nouveau. En 2016, Punk Islands, "son album coup de gueule" pour reprendre ses mots, posait déjà la question du no future de ses îles. "Tu ne sais pas ce que tu vas faire dans 5 ans, alors qu’il y a un super potentiel. Ici, tout est en attente. En attente de quoi ? Tu ne sais pas" lâche-t-il amer en regrettant que nombre des questions qui se posent aujourd’hui demeurent sans réponses.
"Quand tu es à Mayotte, des îles parmi les plus joyeuses au monde, tu vois des gens qui courent, des flics, des clandestins. Tu ne fais pas la différence. Ce n’est pas parce que tu renvoies un Anjouanais ou un Africain chez lui qu’il ne revient pas. Les problèmes sont-ils nés de la départementalisation ou seraient-ils arrivés de toute façon ?", se demande ce révolté bien conscient qu’il s’agit de questions qui doivent être posées et résolues à l’échelle de la sous-région. "Mayotte était française avant la Haute-Savoie" rappelle-t-il. "Tout le monde ne le sait pas ici. Un jour, on saura et l’on s’en sortira."
M’Toro Chamou Sika Mila (Le Cri de L’océan Indien/InOuies Distribution/Believe Distribution) 2019.
Par RFI
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