Le président du petit archipel des Comores Azali Assoumani sollicite dimanche dans les urnes son maintien à la tête du pays dans un clima...
Le président du petit archipel des Comores Azali Assoumani sollicite dimanche dans les urnes son maintien à la tête du pays dans un climat tendu avec ses adversaires, qui l'accusent de dérive autoritaire et redoutent un "hold-up électoral".
Même s'il a rendu, conformément à la constitution, les clés du pays il y a deux mois pour faire campagne, M. Azali, 60 ans, fait figure de grandissime favori au terme d'une campagne qu'il a écrasée de tous les moyens de l'Etat.
Ses portraits géants ont fleuri sur les murs blancs de la capitale Moroni et le long des routes qui traversent le paysage volcanique luxuriant des trois îles du pays. Avec leurs affichettes microscopiques, ses douze rivaux du premier tour ne font que pâle figure.
Sûr de lui, le chef de l'Etat sortant ne doute pas un instant de rafler la mise dès dimanche.
"La mobilisation est là, tous les espoirs sont permis", assure avec une sourire roublard M. Azali au pied de la caravane qui vient de le déposer devant le salon d'honneur de l'aéroport de l'île d'Anjouan.
Et quand on évoque le scénario d'une défaite, il éclate franchement de rire. "On est des hommes, hein, mais cette question, je n'y réponds pas", s'esclaffe-t-il, "quand on part, c'est pour gagner".
La machine Azali s'est mise en marche avec la réforme constitutionnelle approuvée par référendum l'an dernier.
Très controversé, ce texte a étendu d'un à deux mandats de cinq ans la durée de la présidence attribuée successivement à chacune des trois îles de l'archipel (Grande-Comore, Mohéli, Anjouan).
- 'Mascarade' -
Ce système a donné un coup de canif au fragile équilibre institutionnel instauré en 2001 pour mettre fin aux crises séparatistes et aux coups d'Etat à répétition qui agitaient l'archipel depuis son indépendance en 1975.
L'opposition a hurlé au loup mais rien n'y a fait. Au contraire. M. Azali a riposté à la contestation en embastillant nombre de ses détracteurs, à commencer par son ennemi de toujours, l'ancien président Ahmed Abdallah Sambi, accusé de corruption.
Sur sa lancée, l'ex-putschiste, élu en 2016, a remis son quinquennat en jeu dès cette année. En cas de succès, il pourrait garder les rênes du pays jusqu'en 2029.
L'opposition espère bien l'en empêcher. Mais, prise de cours par l'accélération du calendrier politique, elle s'est lancée dans la bataille en ordre dispersée. Et la Cour suprême l'a un peu plus fragilisée en écartant quelques-uns des rivaux sérieux du président.
Patron de l'Union de l'opposition, l'ancien vice-président Mohamed Ali Soihili a été interdit de scrutin. Il ne décolère pas.
"Cette élection est une grosse mascarade", se lamente-t-il. "Le scénario est écrit d'avance: le 24 mars au soir, il y aura une déclaration de victoire (d'Azali Assoumani) au premier tour, c'est un passage en force."
C'est l'antienne reprise par tous les adversaires du président. "Tout le monde est contre lui, si le scrutin est transparent, il ne peut pas gagner", assure le candidat du parti Juwa, l'avocat Mahamoudou Ahamada, 48 ans. "Azali n'a d'autre choix que de voler les élections".
Plus que la crainte de fraudes, les partisans de l'opposition reprochent au pouvoir sortant la pauvreté persistante de la population et le train de vie des dirigeants.
- 'Plus que Macron' -
"Tu ne peux pas m'expliquer que je vais avoir une vie sans électricité, sans eau. C'est pas possible", se lamente Mahmoud Mze, chômeur de 48 ans. "Et lui (M. Azali), il gagne 34.000 euros par mois, plus que (le président français Emmanuel) Macron. Ca ne va pas !"
Privée, par la réforme, de présidence tournante en 2021, l'île d'Anjouan, la plus pauvre de l'archipel, bouillonne.
En octobre, des civils armés hostiles au président ont fait le coup de feu avec l'armée durant six jours à Mutsamudu, la capitale de l’île, avant de s'évaporer dans la nature.
En campagne à Anjouan, le colonel Soilihi Mohamed, dit "Campagnard" pour ses origines rurales, a mis en garde contre les risques d'un passage en force électoral du président.
"Le peuple va s'exprimer par une révolution dans les urnes", prédit l'ancien officier, aussi raide que le sortant est bonhomme. Mais "si jamais le président tente de faire autrement, on risque une révolution populaire".
La menace fait sourire le ministre de l'Intérieur Mohamed Daoudou, qui promet "la transparence totale".
"Il y a trop de mensonges de l'opposition, notre pays n'est pas une dictature", s'étrangle le secrétaire général de la Mouvance présidentielle, Ali Mliva Youssouf.
Par AFP
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