On aura beau répéter en chœur que le référendum du 30 juillet a eu lieu dans des conditions sereines et démocratiques, faire croire à tou...
On aura beau répéter en chœur que le référendum du 30 juillet a eu lieu dans des conditions sereines et démocratiques, faire croire à tous que le peuple comorien a approuvé la nouvelle constitution à 92% à la suite d’une participation historique de 72% des électeurs, et enfin assurer que la route vers l’émergence est déjà tracée ; seulement, il est des moments où la réalité balaie les prétentions, notamment illusionnistes. Et face à cela, nul n’est dupe.
En effet, depuis 17 ans, les Comores n’ont jamais été confrontées à une crise multiple comme celle d’aujourd’hui. La politique, la justice, la cohésion sociale et la liberté d’expression sont frappées de plein fouet par un régime dont les autorités ont du mal à dissimuler leur soif de pouvoir et leur cynisme en matière de violation du droit et de transgression des pratiques républicaines. Du coup, le pays se trouve au bord du précipice.
Voilà ce qui prouve encore une fois l’inopportunité de changement de constitution aujourd’hui. Mais en fait, pourquoi cette obsession de la part d’Azali Assoumani, élu il y a tout juste deux ans ? Pourquoi surtout vouloir ce retour en arrière ? Et que se passe-t-il dans son inconscient ?
N’en déplaise aux soutiens de ce régime, mais il faut leur rappeler que les Comores ont vécu une crise séparatiste aiguë entre 1997 et 2008 ; que c’était à partir de cette crise que M. Azali, fortement soutenu par toute la communauté internationale qu’il fustige en ce moment, a instauré l’Union des Comores- caractérisée par une autonomie large des îles et une présidente tournante- à la place de la République fédérale islamique des Comores. Cela ne s’efface pas d’un revers de la manche, 17 ans après, quelque soit la nostalgie des uns et des autres ou les imperfections du système qui en est issu. Comme le philosophe et ancien ministre français de l’Education nationale, Luc Ferry, l’a dit : « la volonté de restaurer les paradis perdus relève d’un manque de sens historique ».
Si, en effet, la situation politique, économique et sociale antérieure des Comores était convaincante ou porteuse d’espoir, ça se saurait. Le pays n’aurait jamais subi ce séparatisme inouï. Le peuple n’aurait jamais vu sa pauvreté s’accentuer à ce niveau abyssal. L’Etat lui-même n’aurait jamais été victime de près d’une vingtaine de coups d’Etat et tentatives de coups d’Etat.
Alors pourquoi cette volonté de détruire un système, certes qui est loin d’être parfait, mais qui a épargné le pays d’un chaos certain, pour le remplacer à celui qui a été la cause de notre plus grand malheur, à savoir l’instabilité, la pauvreté et le séparatisme ? Toute cette mise en scène n’est qu’une imposture qui fait fi à l’unité de notre pays, comme si celle-ci n’avait aucune valeur. C’est aussi une insouciance tendant à minimiser les conséquences dramatiques de la crise séparatiste qui a ébranlé les Comores 11 années durant. Comme si cela était une histoire déjà oubliée.
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Or, eu regard de la jeune et tumultueuse histoire politique de notre pays, on ne peut pas éluder les questions fondamentales posées par cette période noire : le remise en cause de notre vivre-ensemble, la corruption, la pauvreté, mais surtout le pourrissement de la classe politique.
Reconnaissons-le, le problème de l’Union des Comores que l’on a connue de 2002 à aujourd’hui, c’est l’irresponsabilité de la classe politique. Elle a entretenu la misère du peuple, favorisé la corruption, instauré l’insularisation de la politique et inventé les imposteurs de toute sorte.
Pointer du doigt la tournante et l’autonomie des îles c’est de la mauvaise foi. C’est chercher un bouc émissaire. On aurait mieux agi en essayant d’appliquer les règles fixées, notamment au niveau institutionnel en ce concerne l’autonomie des îles et la décentralisation, et en ce qui concerne l’économie, la justice sociale et la solidarité.
C’est trop facile d’indexer les autres et faire croire qu’on dispose du monopole du bon sens. Le gaspillage de l’argent public, la corruption, le népotisme, la mauvaise organisation des administrations, l’inefficacité du parlement et des assemblées des îles… ne sont pas imputables à la tournante, au mandat unique, ni à l’autonomie des îles. Ce sont les conséquences d’une mauvaise gouvernance, de l’absence de justice, et du manque d’éthique et morale politiques.
Pour changer cela et redonner vie et espoir à notre peuple, il n’est nullement besoin de nouvelle constitution, et encore moins dans les conditions d’une division aussi cruelle.
Il y a d’abord besoin de paix et de stabilité, puis de bonne foi, de sincérité et d’amour envers le pays et son peuple.
Voilà les conditions sine qua non pour un développement possible aux Comores. Mais, il faut s’accorder sur le fait que le bon sens n’est pas la chose la mieux partagée entre nous. Ce qui n’empêche de le réclamer de ceux qui ont les destinées de notre nation entre les mains.
Ainsi, en cas d’élection anticipée – ce que je n’espère pas car cela voudrait dire que la médiation internationale a échoué – Il faudra que tous les patriotes se mettent derrière un candidat ou une candidate qui mettra en avant le retour de notre ordre constitutionnel et qui s’engagera de rétablir la tournante dès 2021 et corriger nombreuses les anomalies de cette tournante.
Au moins on sera servi par l’adage selon lequel, « un mal peut parfois conduire vers un bien (Zembi zinou ndo Ndjema) ».
Ali Mmadi(alimmadi@yahoo.fr)
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