La mise en conformité des statuts de la MECK-Moroni De la forme d’association mutualiste à la forme de société coopérative Intr...
De la forme d’association mutualiste à la forme de
société coopérative
Introduction
La Mutuelle d’Épargne et de Crédit ya
Komor-Moroni (MECK-Moroni) est une institution de microfinance ayant été
constituée principalement selon deux cadres légaux :
§
d’une
part, la loi n° 86-006/AF du 30 mai 1986, relative au contrat d’association, et
lui conférant le statut d’association ;
§
et
d’autre part, le décret n° 04-069/PR du 22 juin 2004, régissant ses activités
en qualité d’Institution Financière Décentralisée (IFD) avec un capital social variable
dont le montant minimal est fixé par la BCC.
De ces deux législations régissant
notre institution, découle le caractère mutualiste que son statut juridique a
adopté, d’où l’appellation de « association
mutualiste ou société mutualiste »[1].
Cependant, la nouvelle loi bancaire
adoptée le 12 juin 2013 abroge le décret n° 04-069/PR du 22 juin 2004 (article 104) ayant prévu la forme de « association mutualiste » pour
les IFD (article 22 alinéa 1) et, par
conséquent, contraint ces dernières à adapter leurs statuts en harmonie avec
les dispositions de l’Acte uniforme OHADA relative au droit des sociétés
coopératives.
C'est dans ce cadre que nous avons
rédigé cette note avec un regard profane, non spécialiste des questions juridiques, mais s'appuyant sur la
lecture approfondie des textes nationaux et de l'Acte uniforme, à l’occasion de
la prochaine Assemblée Générale Extraordinaire de la MECK-Moroni qui aura pour
objet d’adopter le nouveau statut harmonisé du réseau MECK.
Après
avoir rappelé les spécificités des statuts juridiques des mutuelles et
coopératives avec les autres formes de société (A), cette note présente
brièvement l'Acte uniforme et ses implications (B) dans les statuts de notre mutuelle.
Ensuite, les procédures d’harmonisation des textes (C) initiées par son Conseil
d’Administration.
A. Qu’est-ce qu’une mutuelle ou coopérative ?
§ Définition
L’article
11 de la loi n° 13-003/AU du 12 juin 2013 relative aux
activités bancaires prévoie « la
forme de mutuelles, de coopératives ou de sociétés », pour les
institutions financière décentralisée (IFD). En revanche, il n’existe pas une
définition juridique des mutuelles, selon la législation nationale. Cependant,
l’Acte uniforme OHADA sur le droit des sociétés coopératives a repris la
définition de coopérative telle qu’est reconnue par l’Alliance coopérative
internationale : « La société coopérative est un groupement autonome de
personnes volontairement réunies pour satisfaire leurs aspirations et besoins
économiques, sociaux et culturels communs, au moyen d’une entreprise dont la
propriété et la gestion sont collectives et où le pouvoir est exercé
démocratiquement et selon les principes coopératifs » (article 4).
En principe, les mutuelles
et coopératives sont des formes d’entreprises qui se distinguent des
entreprises capitalistiques, car elles réunissent des personnes avant de réunir
des capitaux. La recherche du service prévaut sur la recherche du bénéfice. Ainsi, pour les
prises de décision, elle repose sur le principe « une personne = une voix ». Les membres-usagers et les
salariés sont ainsi tous égaux en droit.
Les deux termes « mutuelles » et « coopératives » sont liés, mais ne se situent pas sur un même plan.
§ Différence entre coopératives et mutuelles avec les
autres formes de société
La distinction entre « mutuelle » et « coopérative » est plus une
différence d'appellation et de structure juridique qu'une différence sur le
type d'activité. En effet, les mutuelles, à l’inverse des coopératives, n’ont pas de
capital social, les fonds proviennent des cotisations de leurs membres. Ces cotisations
sont généralement fixes et constituent essentiellement les fonds propres de la
mutuelle. On fait appel à une mutuelle
lorsque les adhérents n’espèrent y recourir que rarement tandis que les
adhérents d’une coopérative souhaitent en faire un usage habituel. Par exemple, les
structures des activités des assurances de solidarité santé correspondent à la
forme de « mutuelle »,
lesquelles structures, en l’absence de législation spécifique, sont régies par
la loi relative aux associations à but non lucratif.
Une association à but non
lucratif est une propriété collective qui n’appartient pas forcement aux
usagers, (exemple : un orphelinat
associatif bénéficie aux enfants, ici "les usagers", mais appartient
à l'association). Contrairement à une coopérative ou une mutuelle qui vise la satisfaction des intérêts - et non
le profit - de ses membres étant propriétaires-usagers de l’organisation.
Elles ne cherchent pas des profits individualisés sinon c'est une société commerciale[2].
En revanche, une société commerciale, ayant établit une distinction entre
ses associés et ses clients, partage les bénéfices entre les
actionnaires une fois toutes les charges payées ; elle est à but lucratif.
Ce qui n'est pas le cas des coopératives, des mutuelles et des associations où les
bénéfices si existants ne sont pas redistribués aux membres et sont réinvestis
dans la poursuite de l'objectif social de l'organisation.
Ainsi, une « mutuelle
d’épargne et de crédit » ne peut être de la forme associatif puisque,
selon la loi bancaire, toute institution financière doit disposer d’un capital
social. Or le régime associatif n’envisage pas la constitution de capital
social. Cependant, on peut parler de « banque
mutualiste » ou « banque coopérative », en référence du modèle à la fois mutualiste
et sociétal adopté par le statut, puisque toute société à capital
variable et de type mutuel est forcement une coopérative. En France, par
exemple, les « Société de
Cautionnement Mutuel (SCM) » sont régies par la loi des coopératives.
En ce qui concerne la MECK-Moroni, il
s’agit d’une « banque mutualiste »,
c'est-à-dire une institution financière décentralisée dans laquelle les
sociétaires ont la double-qualité d'usagers (clients déposants ou emprunteurs)
et de propriétaires (participant à la gouvernance). Toutefois, lors de sa
création en 1997, il n’existait ni une législation propre pour les coopératives
ni celle des mutuelles. Ceci a conduit, par défaut, à faire régir ses statuts
sous la loi n° 86-006/AF du 30 mai 1986
relatif au contrat d’association, en attendant l’adoption de l’Acte uniforme
relative au droit des sociétés coopératives.
B. Les implications de l’Acte uniforme
Selon la nouvelle réglementation
bancaire, les institutions financières décentralisées peuvent choisir entre
deux types de statut régis par le droit OHADA ainsi définis par le
règlement n° 19/2015/BCC/DSBR du 30 novembre 2015. Il s’agit de la forme
juridique de « société commerciale »
ou « société coopérative ».
L’article 1er, alinéa 2
dudit règlement précise : « en
ce qui concerne les sociétés coopératives, seule la forme avec conseil
d’administration est conforme à l’article 15 de la loi bancaire[3] ».
Ainsi, c’est la forme coopérative à conseil d’administration qui devient
approprié pour la MECK-Moroni.
A noter quatre points cruciaux pour
analyser les implications de l’Acte uniforme sur le droit des sociétés
coopératives :
§
Deux
catégories de société coopérative sont distinguées par le texte :
a.
la
société coopérative simplifiée (SCOOPS) avec un nombre minimal de 5 membres.
Elle est dirigée par un comité de gestion composé de 3 membres au plus ;
b.
la
société coopérative à conseil d'administration (COOP-CA) avec 15 membres et
plus, nécessitant un conseil d'administration de 3 à 12 personnes. C’est la
formule qui s’impose dans les statuts de la MECK-Moroni.
§
Le
capital social :
les deux catégories de coopérative sont des sociétés à capital variable, elles
sont constituées à partir des apports de membres sous forme des parts sociales
remboursables. Les statuts peuvent prévoir de rémunérer ou non les parts
sociales[4], ou de verser des
ristournes[5] aux membres en proportion
des opérations faites ou du travail effectué par chacun.
§
Le
non cumul de mandats des administrateurs : un administrateur d'une coopérative de base
(sous forme de COOP-CA) ne peut pas intégrer le conseil d’administration d'une
autre coopérative de base ou d’une faitière : union, fédération, etc. (article 300). Alors que nombreux sont les
administrateurs élus de l’Union des Meck qui sont également élus au niveau des MECK
de base.
§
La
participation des usagers non membres :
« La société coopérative peut, en
plus de ses coopérateurs qui en sont les principaux usagers, traiter avec des
usagers non coopérateurs dans les limites que fixent les statuts ». L’étendue
des transactions avec les usagers non coopérateurs est déterminée dans les
statuts et ne doit pas porter atteinte à l’autonomie de la société coopérative (article 18-18).
§ Les assemblées de section : les statuts de la société
coopérative peuvent prévoir des assemblées de section ainsi que leur modalité
de répartition, lorsque les membres dépasse un nombre 500 personnes. Les assemblées
de section élisent des délégués qui représentent les membres à l’Assemblée
générale (article 106).
C. La mise en harmonie des textes
Les banques mutualistes déjà existantes dans l'espace OHADA « sont
tenues de mettre leurs statuts en harmonie avec les dispositions de l'Acte
uniforme dans un délai de deux ans à compter de son entrée en vigueur »
soit au plus tard le 15 mai 2013.
Au niveau national, un règlement n°19/2015/BCC/DSBR édicté par la BCC a accordé
une période de mise en conformité pour
les statuts des IFD, jusqu’au 30 novembre 2016. En principe, toutes
les institutions du réseau MECK sont concernées par cette nouvelle législation.
A
cet effet, le Conseil d’Administration de la MECK-Moroni a pris l’initiative de
mettre en harmonie les textes de l’institution conformément au droit
communautaire de l’OHADA. Deux chantiers sont en cours pour la rédaction des
nouveaux statuts, d’une part, et pour les règlements de l’assemblée des
délégués, d’autre part.
Une
Assemblée Générale extraordinaire de la MECK-Moroni est convoqué le 10 décembre
2017 pour adopter le nouveau statut harmonisé du réseau MECK.
Il
faut souligner que, dans ce travail d’harmonisation des textes, les rédacteurs
doivent accorder une attention aux spécificités de la microfinance, le
caractère mutualiste du réseau MECK et la différenciation de chaque structure
(taille, secteur géographique, niveau hiérarchique), tout en observant les
mentions obligatoires que doivent comporter les statuts des coopératives (article 18).
Conclusion
La MECK-Moroni, en tant que « banque mutualiste », ne peut
plus adopter le statut des associations, dans la mesure où elle dispose à son
passif un capital social. Et
selon la législation bancaire qui régit ses activités de microfinance,
il est nécessaire de mettre le statut de la MECK-Moroni en conformité avec
l'Acte uniforme relatif au droit des sociétés coopératives, faute de quoi,
l’institution risquerait de perdre son agrément.
En adoptant le statut coopératif,
notre institution affirme rejoindre, sans appel, aux organisations de
l’économie sociale et solidaire (ESS) regroupant les coopératives, les mutuelles, les
associations, et les fondations. Les
statuts juridiques de ces organisations transcrivent les principes de la coopération et de la mutualité basés sur la non lucrativité,
l’équité, la gestion démocratique, la libre adhésion, et la solidarité. C’est
ainsi qu’elle doit restée exonérée fiscalement afin de promouvoir le
développement inclusif.
Ces nouvelles réformes sont censées faciliter
les investissements des membres déposants et des bailleurs de fonds étrangers, ainsi
que l’accès au crédit auprès de l’institution tout en sécurisant leur solidité
financière et la responsabilité civile de ses dirigeants.
Moroni, 05 décembre 2017
Mohamed ABDOUL BASTOI
[1] Le décret n° 04-069/PR du 22 juin 2004, abrogé
par la nouvelle loi bancaire, parle de «société ou association mutualiste ». Le terme de "société" est requis lorsque
la mutuelle est constituée avec un capital social.
[2] De plus, une société
commerciale exige un capital social fixe alors qu'une coopérative peut avoir un
capital social variable.
[3] L’article
15 de la loi bancaire prévoie un conseil d’administration pour les IFD
[4]
Le taux de rémunération du capital est limité
par la législation bancaire de chaque État Parti de l’OHADA (article 209). Si
applicable, il
ne peut être supérieur au taux d’escompte fixé par la banque centrale ; dans ce cas, la coopérative perd automatiquement son
caractère lucratif.
[5] Les
ristournes sont assimilées aux intérêts de l’épargne des membres versés sur
leurs comptes ouverts à la mutuelle d’épargne et de crédit.