Selon les premiers scores publiés, Azali Assoumani aurait battu, dimanche 10 avril, le candidat du parti au pouvoir lors du second tour de ...
Selon les premiers scores publiés, Azali Assoumani aurait battu, dimanche 10 avril, le candidat du parti au pouvoir lors du second tour de la présidentielle. Mais ce dernier demande un nouveau vote dans les 23 bureaux qui ont été saccagés. De quoi faire basculer le résultat.
Azali Assoumani, le 24 janvier à Moroni, serait arrivé en tête du second tour. Photo Ibrahim Youssouf. AFP |
Un résultat aussi serré ne pouvait qu’aboutir à des contestations. Selon le décompte de la Commission électorale nationale indépendante, le candidat Azali Assoumani (ancien président des Comores arrivé au pouvoir par un coup d’Etat en 1999 avant d'occuper le poste de Président élu de 2002 à 2006) est arrivé en tête du second tour de l'élection présidentielle, dimanche 10 avril, avec seulement 2 144 voix d’avance. Mais plusieurs bureaux de vote de l’île d’Anjouan ont été saccagés le jour du scrutin, empêchant plusieurs milliers de Comoriens de déposer leur bulletin dans l’urne. Le candidat du pouvoir, Mohamed Ali Soilihi, dit «Mamadou», arrivé en deuxième position, a donc déposé un recours devant la Cour constitutionnelle, qui doit rendre sa décision dans les prochains jours. Un avis très attendu, qui pourrait dénouer la crise électorale ou enflammer l’archipel.
Comment fonctionne l’élection présidentielle ?
Original, le système électoral de l’Union des Comores est le résultat d’un compromis imaginé après la crise séparatiste des années 90. La présidence est exercée à tour de rôle par un ressortissant de chacune des trois îles : Grande Comore, Anjouan et Mohéli. En 2016, c’est Mayotte – dont le rattachement à la France n’a jamais été accepté par l’Union des Comores – qui devait occuper cette présidence tournante. Un tel cas de figure étant aujourd’hui impensable, le tour de Mayotte a été oublié : tous les candidats devaient ainsi, cette fois-ci, être originaires de Grande Comore, principale île de la fédération, où est située la capitale, Moroni. Le premier tour se déroulait d’ailleurs uniquement sur l’île en question.
Seules les trois personnalités arrivées en tête au premier tour accèdent au second, élargi cette fois à tout l’archipel. «Mamadou», vice-président sortant, a récolté 17,61% des suffrages, le colonel Azali Assoumani 14,96% et le gouverneur sortant de Grande Comore, Mouigni Baraka Said Soilihi, 15,09% des voix.
Pourquoi le scrutin est-il contesté ?
Le second tour de l’élection a été émaillé d’innombrables irrégularités. Les urnes ont été tellement bourrées que la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) a compté plus de bulletins (205 410) que de votants (204 113). Les pires incidents se sont déroulés à Anjouan. Une quinzaine de localités de l’île ont été le théâtre de violences et dans 23 bureaux de vote, le scrutin n’a même pas pu se tenir. Des militants ont brisé les urnes, voire mis le feu au matériel électoral. «Ils protestaient contre la fraude massive organisée sous leurs yeux par le parti au pouvoir», assure un journaliste comorien. Or, ces 23 bureaux représentent 11 250 électeurs potentiels. De quoi faire basculer le scrutin, dans un sens ou dans l’autre.
Comment arbitrer la querelle politique ?
Les fidèles du parti du colonel Azali – qui a noué dans cette élection une alliance de circonstance avec l’ex-chef d’Etat Ahmed Abdallah Mohamed Sambi, surnommé «l’Ayatollah» et toujours très populaire et influent à Anjouan – préparent le champagne, se basant sur les résultats publiés par la Ceni. Les partisans de «Mamadou» dénoncent, eux, «un coup d’Etat institutionnel». Le gouverneur sortant de Grande Comore, arrivé en troisième position, demande également l’annulation du scrutin.
Selon la loi électorale, c’est la Cour constitutionnelle qui, en dernier ressort, a autorité pour proclamer les résultats. Elle est composée de huit membres, nommés pour six ans par le président de l’Union des Comores, le président de l’Assemblée, les trois gouverneurs de Grande Comore, Anjouan et Mohéli, et les trois vice-présidents. Elle a jusqu’au 30 avril pour remettre sa décision. Le parti au pouvoir, qui a tenu une conférence de presse houleuse au Fouquet’s à Paris, mercredi matin, espère que des élections partielles seront organisées dans les 23 bureaux de vote manquants pour que leur candidat, «Mamadou», puisse reprendre l’avantage. Celui-ci a déjà promis qu’il respecterait l’avis de la Cour constitutionnelle.