Il est très difficile de faire (ou de parler) de la politique aux Comores. L’une des raisons ? La misère, matérielle et intellectuelle , qu...
Il est très difficile de faire (ou de parler) de la politique aux Comores. L’une des raisons ? La misère, matérielle et intellectuelle, qui empoisonne ce pays. L’une des conséquences ? Personne ne veut savoir ce qui serait bon pour le pays, donc pour tout le monde et donc pour elle ; mais ce qui lui rapporterait directement tel ou tel avantage si telle personne gagnait les élections. En fin de compte : tout le monde est perdant ! Sauf les gouvernants quand ils gouvernent ! Et comme ils ne peuvent pas gouverner éternellement : ils paient, eux aussi, les conséquences de leurs contre-performances dès qu’ils ne sont plus aux affaires ! C’est ce qui a conduit, entre autres, le politologue français Jean-François Bayart (L’Etat en Afrique : la politique du ventre, 1989), spécialiste de l’Afrique noire à affirmer que l’élite comme la population africaines sont toutes corrompues...
Un espoir quand même : le paysage intellectuel comorien a relativement changé : désormais le pays dispose d’une jeunesse relativement bien formée (il compte des milliers de jeunes titulaires d’au moins un diplôme universitaire et qui d’ailleurs ont souvent voyagé), une diaspora très bien formée et fortement politisée et des réseaux sociaux qui permettent à tout ce monde d’être en communication. Habari Za Comores est aujourd’hui, à ma connaissance, le journal le plus lu des Comores ! Et il n’est pas publié à Moroni ! C’est la première fois dans son histoire que les Comores rencontrent une telle situation : une jeunesse et une diaspora bien formées en communication permanente.
Un espoir quand même : le paysage intellectuel comorien a relativement changé : désormais le pays dispose d’une jeunesse relativement bien formée (il compte des milliers de jeunes titulaires d’au moins un diplôme universitaire et qui d’ailleurs ont souvent voyagé), une diaspora très bien formée et fortement politisée et des réseaux sociaux qui permettent à tout ce monde d’être en communication. Habari Za Comores est aujourd’hui, à ma connaissance, le journal le plus lu des Comores ! Et il n’est pas publié à Moroni ! C’est la première fois dans son histoire que les Comores rencontrent une telle situation : une jeunesse et une diaspora bien formées en communication permanente.
Je fais partie de ceux qui ont pu partir après le baccalauréat (1998) à l’étranger pour poursuivre des études d’abord à Antananarivo puis à Lyon où je me suis installé depuis 1999, avec deux fois des séjours aux Comores, comme enseignant-chercheur, à l’Université des Comores (2007-2008 et 2013-2014). Je peux donc prétendre connaître un peu les Comores et un peu l’étranger. Cette vie relativement protégée à l’étranger (loin des salaires impayés, des jours affamés, des routes caillouteuses, du quotidien sans électricité, des nuits sombres, et plus globalement de l’adversité permanente) me donne la possibilité de tenter de penser les Comores de façon relativement honnête, objective et indépendante (je vais essayer en tout cas de relever ce défi). D’autant que personne, parmi les politiques, ne m’a jamais rien donné et je ne demande d’ailleurs rien à personne à titre individuel.
Je vais donc prendre le risque de vous livrer ma modeste compréhension des enjeux des élections présidentielles prochaines.
Le président élu en 2016 héritera d’une situation particulièrement difficile (l’une des plus compliquées que le pays ait connues depuis l’indépendance) à la fois sur le plan économique et institutionnel. Un pays pauvre endetté, des comptes publics (presque) vides, un chômage des jeunes très élevé, une élite politique et économique toujours vorace, un problème d’énergie et de routes qui pénalise toute l’économie depuis déjà trop longtemps… A cela s’ajoute la question de la « Tournante » qu’il va falloir reposer : est-ce franchement la constitution appropriée à ce pays ?
Pour relever ces défis gigantesques, il ne suffira pas d’élire des gens indélicats et approximatifs, assoiffés de pouvoir, capables de financer une campagne électorale, qui savent jouer des Comoriens et de leurs misères, et qui de ce fait, vont distribuer (ou promettre de distribuer) quelques avantages à ceux-ci ou à ceux-là avant ou après les élections…
Pour relever ces défis gigantesques, il faut un homme (ou une femme) bien formé, solide, expérimenté, compétent, capable d’entraîner une équipe solide et compétente qui elle-même entraînerait la population dans une démarche de progrès et d’intérêt général. La jeunesse comorienne devra, en âme et conscience, décider si elle vote pour des sucettes, des promesses démagogiques (aller au paradis forcément après la mort – mais en attendant il faut endurer l’enfer !) ou un homme (ou une femme) capable de prendre en compte ses aspirations : une formation et un emploi.
Nassurdine ALI MHOUMADI, docteur ès Lettres, ancien enseignant-chercheur à l’Université des Comores, est professeur de Lettres modernes dans la région lyonnaise.
Il a signé trois essais chez L’Harmattan : Un métis nommé Senghor (2010), Réception de Léopold Sédar Senghor (2014) et Le Roman de Mohamed Toihiri dans la littérature comorienne (2012).