Il s’agit ici d’un cri du cœur pour attirer l’attention sur une situation critique. Lorsqu’on parle de la traversée tragique entre Anjoua...
Il s’agit ici d’un cri du
cœur pour attirer l’attention sur une situation critique. Lorsqu’on
parle de la traversée tragique entre Anjouan et Mayotte, on a tendance à
parler des centaines des morts seulement. Et pourtant. Les survivants
de cette traversée font aussi de la peine. De la vie chaotique qu’ils
vivent à Mayotte, en passant par les expulsions inhumaines et l’après
expulsion, rien n’est plus facile pour ces hommes et ces femmes qui ne
demandent qu’à vivre dans l’espoir.
C’était un mois de mars de l’année 2009
quand nous débarquons à Anjouan pour assister aux célébrations du
débarquement militaire contre l’ex-chef séparatiste Mohamed Bacar. De la
place M’roni, au centre névralgique de la ville chef lieu de l’île, le
groupe de journalistes que nous étions, sommes interpellés par un jeune
garçon. « Venez voir, il y a une fille de Moroni qui est en détresse »,
nous dit-il. Par curiosité, on a suivi le jeune dans les ruelles
exigües de de la médina de Mutsamudu. Une fois sur place, c’est un
spectacle de désolation qu’on découvre. La fille en question, dort à
même le sol. Sur des cartons en guise de matelas, cette jeune fille d’à
peine 20 ans, est allongée presque nue. « Elle est malade depuis
plusieurs jours. Mais plus grave encore, elle est aussi mentalement
malade et les hommes abuse d’elle tous les jours », raconte ce
monsieur qui l’a aussi connu à Mayotte avant d’être expulsé ensemble. Le
caractère délabré de cette maison où squatte ce groupe est
indescriptible. L’odeur qui en ressort du poulailler installé juste à
coté est insupportable. D’après le jeune garçon, la fille « n’a pas supporté l’expulsion ».
Elle a tout simplement craqué surtout quand elle pense à ses enfants
livrés à eux-mêmes en terre mahoraise. De là, on découvre un autre fléau
jusqu’ici méconnu : celle des expulsés de Mayotte.
Pour en arriver à l’expulsion, ces
Comoriens des trois îles en ont vu de toutes les couleurs. Mauvais
traitements, insultes, mauvaises conditions de vie, le quotidien de ces
hommes et femmes n’est pas de tout repos. Les multiples reportages de la
télévision française, le témoignent tous les jours. « Certains
Comoriens des trois îles sont obligés de dormir dans les champs de peur
d’être surpris en pleine nuit et en sommeil par la police française ».
Des limiers qui pénètrent sans foi ni loi dans les habitations afin d’y
effectuer des arrestations nécessaires pour compléter le quota fixé par
le ministère de l’intérieur française en terre comorienne. C’est
justement dans ces champs que la plupart d’entre eux passent leur temps.
Ils sont exploités par des Mahorais ou des Mzungu (Blancs) pour des
travaux champêtres. Et je vous laisse imaginer quel salaire, ils
perçoivent en étant «clandestins ». Et si ce n’est pas dans
les champs qu’ils sont maltraités, c’est dans le BTP que les patrons
profitent de cette main d’œuvre souvent qualifiée mais vulnérable.
Retenez seulement, qu’ils ne peuvent jamais réclamer un droit en étant
« clandestins ». Mais si les hommes utilisent leurs biceps pour survivre, les femmes, « elles donnent tout simplement leur corps »
pour pouvoir joindre les deux bouts. Ces femmes se donnent à n’importe
qui, pour ne pas dire se prostituent pour faire face aux charges
mensuelles de loyer et autres.
Ces Comoriens des trois îles sont traqués
matin et soir sans répit. Ils sont capturés comme des bêtes et placés
dans le centre de rétention le plus immonde au monde. Ils sont ensuite
expulsés au mépris de la loi. Des enfants qui sont séparés de leurs
parents, des couples qui sont divisés. « On dirait que les gendarmes de l’île n’ont pas de cœur » nous disait un ancien de Mayotte.
Mais c’est une fois expulsés et renvoyés à
Anjouan que la galère commence. Ces jeunes sont souvent originaires de
Ngazidja. A Mutsamudu sans argent et sans famille et le plus souvent
sous le choc après une expulsion brutale, le réveil est difficile. C’est
dans ces conditions que certains craquent et perdent la raison. Pour
d’autres, ils font face à un dilemme. Rare sont ceux qui acceptent de
rentrer à Moroni, s’ils trouvent les moyens. Pour eux, c’est le début
d’un autre voyage. Un voyage qui recommence or Dieu seul sait combien il
est difficile de se procurer 150 000 francs (300 euros) encore pour
reprendre la mer. Pour cette catégorie, ils sont plongés dans un cercle
infernal. Ils ont tout simplement honte de rentrer bredouilles à la
maison. Et plus le temps passe, plus la honte de rentrer à Ngazidja
grandit.
Photo.Des candidats à la traversée vers Mayotte