Rencontre avec le journaliste économique Kamardine Soulé (Al Watwan)

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Rencontre avec le journaliste économique Kamardine Soulé (Al Watwan)

Kamardine Soulé, journaliste est actuellement rédacteur en chef adjoint du quotidien « Al-watwan » et responsable du Magazine économique « Watwan’ Eco ».

Il est le fondateur de « Comores 4.0 ». Une initiative qui promeut la production et la publication des reportages d’enquêtes sur les abus de pouvoir aux Comores dans l’objectif de stimuler des reformes. En 2015, il sera élu personnalité du mois par la Fédération comorienne des consommateurs pour la qualité de ses articles sur l’économie et l’entreprise, pour son engagement de journaliste d’investigation, et la diffusion de son travail par le biais des médias sociaux. 

Il fait partie de la promotion 2016 du programme « La Richesse des Nations » de la Fondation Thomson Reuters qui soutient les enquêtes sur les flux financiers Illicites et l’évasion fiscale menés par des journalistes africains à travers tout le Continent.

Kamardine Soulé est aussi membre fondateur de l’Observatoire des journalistes africains sur la pêche et l’économie bleue.

Interview

Kamardine Soulé bonjour, vous êtes journaliste au quotidien Al-watwan, vous vous distinguez en traitant exclusivement des questions économiques, pouvez-vous nous expliquer le sens de votre démarche – assez singulière- dans le paysage médiatique comorien?

J’apporte, il est vrai, un intérêt particulier aux questions économiques. Je dois préciser d’emblée que la démarche n’a rien de personnel. C’est en tant que chef de la rubrique économie, finance et nouvelles technologies au quotidien « Al-watwan » que j’étais amené à beaucoup écrire sur des sujets économiques. Aujourd’hui, on m’a donné l’opportunité de diriger « Watwan’Eco », un supplément hebdomadaire de notre journal, dédié aux questions économiques.

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Je dirais que ma touche personnelle aura été de m’intéresser particulièrement aux contrats publics signés avec des sociétés locales et étrangères, aux grands projets d’infrastructures, à la vie des entreprises publiques et privées. Et par la suite, de diffuser mes articles dans diverses plateformes en ligne. C’est ce qui a créé, je pense, cette interaction et visibilité. Ma démarche s’inscrit aussi dans une vision un peu plus globale de journalisme transfrontalier. C’est pourquoi aujourd’hui, j’aborde des sujets comme l’évasion fiscale des multinationales. C’est ainsi que j’ai pris part, suite à une sélection par la Fondation Thomson Reuters, au programme «La richesse des nations» sur les flux financiers illicites en Afrique.

Les consommateurs de « news » comoriens sont obnubilés par la chose politique, la vie des partis, la valse des nominations et assez peu de sujets économiques….
 On ne peut rien y faire, la politique c’est l’opium du comorien ou qu’on redistribue aux comoriens pour qu’ils se désintéressent de l’essentiel. Je suis de ceux qui croient que le débat d’opinion doit se faire sur la base de faits sur le présent ou sur le passé. Et c’est là où nous journalistes entrons en jeu en  exposant des faits pour en créer de l’information incontestable.
Aujourd’hui, je veux bien croire que les choses commencent à changer. Les comoriens sont de plus en plus connectés, et la démocratisation de l’information a fait que beaucoup de comoriens sont sensibles à tout ce qui se passe dans le pays. Gageons que cet intérêt se porte particulièrement sur les questions relatives à la gouvernance et à la gestion de la chose publique. Nous avons vu, par exemple, la mobilisation des comoriens d’ici au niveau local et de la diaspora lors de l’affaire dite de «Handuli». Ce contrat, signé dans des conditions obscures, qui donnait à une multinationale l’autorisation d’exporter des agrégats de carrière des Comores vers l’étranger.


Watwan’Eco c’est combien de ventes en moyenne?Quelle évolution depuis son lancement?
Comme je l’ai dit, Watwan’Eco est un supplément hebdomadaire du quotidien Al-watwan. En fait  c’est un gratuit qui apparait tous les vendredis. Et on peut l’avoir en achetant le quotidien. Aujourd’hui, le quotidien al-watwan, c’est environ mille exemplaires par jour. En 2015, c’est en moyenne 10.000 ventes au numéro  et un peu plus de 75.000 ventes par abonnement par an.
Par rapport à son évolution. Watwan’Eco a pour perspective de devenir un des produits phare de la maison Al-watwan Presse Edition. Ceci devra se traduire dans le long terme par une augmentation de sa pagination et la formation d’une équipe à part entière dédiée à sa conception. Il faut savoir que  Watwan’Eco prend en quelque sorte le relais du mensuel «Al-watwan Magazine». Ce dernier fut lancé en juillet 2010. Il avait en son temps consacré des nombreux dossiers sur l’énergie, les finances publiques, les contrats publics ou la problématique du chômage des jeunes diplômés. L’impact de ses articles reste toujours d’actualité. Cette belle aventure éditoriale s’arrêta fin 2014 suite à des soucis financiers.
Comme ce fut le cas pour le mensuel Al-watwan magazine, l’hebdo Watwan’Eco est né d’un constat : le traitement au quotidien de l’information, à travers le quotidien Al-watwan, ne permet pas d’explorer les sujets de fond, ni de donner aux lecteurs les éléments d’appréciation et d’analyse de l’actualité.

A part le support écrit existe-t-il des émissions radiophoniques ou télévisuelles spécialisées sur les questions économiques au pays?
Si elles existent, elles sont peu nombreuses. Nous avions essayé avec la Radio « Hayba Fm » de programmer des émissions  économiques avec des acteurs du secteur public et privé ou associatif. Nous avons pu produire deux à trois émissions ; dont un très long entretien au sujet de la lutte contre la corruption avec  Mohamed Halifa, à l’époque, président de la Commission nationale de prévention et de lutte contre la corruption. Nous comptons relancer l’initiative mais dans un cadre plus formel entre Hayba Fm et Al-watwan.


Ces émissions de « Hayba FM » auxquelles vous avez collaboré , Y a-t-il un e-lien qui permette de les réécouter ?
Oui, la radio a un site internet haybafm.webcomores.com où l’on peut écouter  des émissions. 

En tant qu’observateur privilégié de la chose économique depuis près de dix ans, quelles sont les lignes de forces qui se dégagent du paysage économique national?


Il y a eu ces dix dernières années un renforcement progressif du cadre législatif et réglementaire aux Comores.


Par exemple, la loi relative à la transparence des activités publiques, économiques, financières et sociales, le Code des marchés publics, ou la loi sur la concurrence. Ce qui nous avait permis de faire des bons scores dans différents classements mondiaux. Que ça soit l’indice de perception de la corruption de l’Ong transparency international ou le classement Doing Business sur l’environnement des affaires de la Banque mondiale. Mais la situation s’est vite retournée, car dans les faits la mise en œuvre de ce dispositif réglementaire s’avère difficile. Nous n’avons eu de cesse de voir ces textes foulés au pied par ceux même qui les ont élaborés.

C’était sous quelle présidence ?
La situation s’est retournée dès la période Sambi, Ikililou et ça continue avec le nouveau régime en place du Colonel Azali. On vote des lois le matin  pour les violer le soir. En signant des contrats dans l’opacité, en octroyant  des marchés publics  sans appel d’offres etc… Ce sont des mauvaises habitudes que nos gouvernants ont malheureusement du mal à abandonner.

Pouvez-vous être plus précis quand vous dites que ceux qui énoncent ces règles les piétinent par la suite ?

La loi sur les marchés publics et délégation des services publics, la loi sur concurrence, pour ne citer que ces deux là, sont des textes qui ont été proposés par l’Exécutif. Et c’est aussi toujours, les gouvernements successifs  qui n’ont pas respecté lesdites règles. Pour favoriser certains amis pour ne pas dire autre chose.
On observe aussi, une  volonté systématique d’affaiblir les organes de régulation. Cela fait déjà un an que l’Autorité de régulation des marchés publics, par exemple, interpelle en vain les autorités contractantes à présenter leurs plans de passation de marchés. Malheureusement rien ne nous dit qu’on va vers un respect strict des textes. Les contrats et décisions continuent à être signés au mépris des règles.
La dissolution de la commission anti-corruption, dans un tel contexte n’est pas pour apaiser les craintes des observateurs…

En effet! En  septembre dernier, le président Azali Assoumani signait un décret (n°16-228/Pr) abrogeant certaines dispositions de la loi n 08-13 du 25 juillet 2008 relative à la transparence des activités publiques, économiques, financières et sociales, notamment dans le volet concernant la création de la commission de la lutte contre la corruption.
Un peu plus d’un mois après, la Cour constitutionnelle a annulé ledit décret pour inconstitutionnalité et illégalité. Mais en réaction à la publication de l’arrêt de la cour, la Présidence de la République a fait savoir que le gouvernement ne nommera personne à la commission anti-corruption. Nous voulons bien  qu’on nous  construise des routes, des centrales électriques,  des hôpitaux, etc.,  mais pas au prix d’une violation de notre législation. A quoi bon, d’une main faire les  infrastructures du pays, et d’une autre défaire ses lois.

En décrivant, des Comores peu reluisantes sur le plan de la bonne gouvernance, à visage découvert et en habitant aux Comores, ne courrez-vous pas certains risques ? L’actualité récente a été émaillée de quelques coups de pression envers les journalistes…
J’aurais aimé brosser un tableau plutôt positif, croyez-moi. Pour ce qui est des risques, il est toujours permanent. Mais je n’ai rien à craindre du moment que  ce que j’avance ici, nous l’avons déjà écrit et documenté dans les règles de l’art de notre métier de journaliste. En vérifiant nos informations, en les recoupant. Par exemple, la gestion opaque des marchés publics par l’administration publique ou les sociétés publiques, hier comme aujourd’hui,  ce n’est un secret pour personne.  Ce sont des sommes  énormes qui sont en jeu.
Selon le rapport Doing Business 2017 de la Banque mondiale, dans l’ensemble, les marchés publics représentent en moyenne de 10 à 25 pour cent du Pib, ce qui fait des achats publics une pépinière exceptionnelle d’opportunités d’affaires pour le secteur privé.

Autre sujet à fantasmes pour les Comoriens, les investissements étrangers. Sur un temps long que peut-on en dire?
Il est temps que nos gouvernants nous ramènent des vrais investisseurs. Car il faut souligner la naïveté abyssale  de nos dirigeants. Combien de fois, ils se sont laissé rouler  dans la farine et combien de fois ils ont été prêts à répéter les mêmes bêtises. Nous avons connu Rowland Ashley avec l’affaire Air Comores au temps du président Djohar. BasharKiwan avec  son holding Cgh et son programme de vente des passeports comoriens  à des étrangers. Cela n’a pas servi de leçons, on est allé s’enticher d’un autre soit disant homme d’affaire, un certain Esam AlFahim, avec son holding Hss, celui-ci fut présenté par le président Sambi comme un expert en affaires maritimes. Sous la présidence d’Ikililou, un homme nommé TaalatHejazi était venu lui aussi tenter sa chance de se faire de l’argent aux Comores. Ce ne sont que des exemples parmi les plus connus.

Il est sain de rappeler que cet amateurisme a traversé toutes les époques pour ceux qui auraient la mémoire courte…


Tout à fait. Il faut lire le livre « Comores. Les nouveaux mercenaires » écrits en 1994 par l’ancien journaliste Pascal Perri, et « Citoyennetés à Vendre. Enquête sur le marché international des passeports», celui-ci a été écrit récemment par la journaliste Atossa Araxia Abrahamian, pour se rendre compte. Nos dirigeants se repassent la médiocrité comme un bijou de famille.
Pendant ce temps, des projets dormaient dans des cartons au Commissariat général au plan. Je veux parler des projets issus de la Conférence de Doha de mars 2010. Une conférence au cours de laquelle beaucoup d’investisseurs avaient montré leur volonté de venir investir, de façon sérieuse, aux Comores. 

Pour finir, y a-t-il une raison d’espérer avec la jeune garde qui monte au sein des Partis politiques, au sein de l’administration, dans la société civile et dans le monde de l’entreprenariat ? Y a-t-il une soif de pratiques plus saines, plus fair-play, plus légales au vu de l’arsenal législatif déjà existant mais qui n’est que trop rarement appliqué ?


Rien n’est encore perdu. En tout cas, je l’espère. Je suis quelqu’un d’optimiste, j’ai du mal à croire que tout est perdu. Des initiatives citoyennes commencent à voir le jour. A l’exemple de l’Initiative citoyenne pour la transparence budgétaire aux Comores. C’est un programme qui fédère des organisations de la société civile en partenariat avec le Ministère des finances et du budget. Ce consortium regroupe la Fédération comorienne des consommateurs (FCC), l’Association comorienne pour le bien-être de la famille, le Mouvement associatif pour l’éducation et l’égalité de chances et l’Organisation du développement communautaire. Le rôle de ce consortium est de collaborer et de dialoguer avec les élus comme avec le Ministre des finances et les autres parties impliquées dans la préparation du budget et de son exécution, afin que les citoyens soient toujours informés de ce qu’il advient de leur argent.
Affaire à suivre comme on dit, Kamardine Soulé, Merci infiniment et bonne continuation.
Retrouvez cet interview sur le blog de Oluren Fekre
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