Plaintes des candidats malheureux : de la poudre aux yeux. Les candidats malheureux aux dernières é.Abdou elwahab Moussa, Avocat au Barreau de Moroni.
Plaintes des candidats malheureux : de la poudre aux yeux
Les candidats malheureux aux dernières élections présidentielles multiplient les recours et plaintes devant les juridictions nationale et internationale en invoquant des prétendues irrégularités tout en parcourant les localités pour prêcher qu’ils vont faire annuler le scrutin. C’est peine perdue ! de la poudre aux yeux ! Puisque les instances nationales en charge des elections (CENI et Cour Suprême) ont proclamés les résultats et le Président Azali Assoumani en est déclaré vainqueur.
Ils ont saisi la cour africaine des droits de l’homme, puis le tribunal de la SADC au niveau continental et ensuite déposé une plainte auprès du Procureur de la République, au niveau national.
La démarche est en soi salutaire en ce qu’elle s’inscrit dans le droit et évite au pays le spectre des crises et violences politiques. Seulement, pour des raisons juridiques solides et évidentes, ces recours n’ont la moindre chance de prospérer.
A propos du recours devant la Cour Africaine de Droits de l’Homme : la requête soulève des interrogations liées à la compétence de la cour, ainsi que la recevabilité de ladite requête.
En ce qui concerne la compétence, il est à noter que cette cour est compétente pour connaitre des questions des droits de l’homme, alors qu’il résulte des récits des médias que le requérant a saisi la cour pour demander une expertise approfondie du déroulement du scrutin et l’annulation de celui-ci.
Il est évident que la cour risque de se déclarer incompétente, car elle ne peut se prononcer sur l’annulation des scrutins organisés par un pays souverain, une question qui ne rentre pas dans son domaine de compétence.
Cette requête risque, par ailleurs, d’être déclarée irrecevable, en ce que la cour ne peut être saisie que par les Etats et les organisations intergouvernementales africains (article 5 du protocole à la charte africaines des droits de l’homme).
Les individus et les ONG ne sont pas autorisés à saisir la cour.
Seulement, la cour peut permettre (c’est une possibilité et non un pouvoir) à un individu d’introduire une requête devant elle (article 5.3 du protocole) à condition que l’Etat fasse une déclaration acceptant la compétence de la cour pour recevoir les requêtes des individus et des ONG (article 34.6 du protocole)
Ce que l’Etat comorien n’a pas fait, à l’instar de nombreux Etats parties au Protocole.
En outre, l’une des conditions de recevabilité d’une requête par la Cour africaine de droits de l’Homme est de ne pas tenir des propos outrageant ou insultant à l’égard du pays mis en cause, de ses institutions ou de l’Union africaine (article 56.3 de la charte africaine des droits de l’homme). Sur ce point, tout le monde a entendu les propos prononcés par le demandeur de la requête, M. Mohamed Daoud à l’endroit du Président de la Commission de l’Union Africaine, M. Moussa Faki et à l’endroit de l’UA.
La saisine du tribunal de la SADC soulève également des problèmes de compétence et de recevabilité. Le tribunal est compétent pour connaitre de tous litiges relatifs à l’interprétation et l’application du traité et du protocole sur le tribunal de la communauté de développement de l’Afrique australe(SADC) dont les Comores sont membre. Ce tribunal risque de se déclarer incompétent, étant entendu que la mission de la SADC est de promouvoir une croissance et le développement socioéconomique des pays membres, mais pas de traiter des questions de droits de l’homme, et encore moins des questions liées aux élections organisés par un pays souverain.
La requête de l’opposition risque, de surcroit, d’être déclarée irrecevable en ce qu’elle n’est pas conforme aux prescriptions du règlement de procédure du tribunal de la SADC. L’article 33 de ce règlement exige que l’acte introductif de la procédure indique le nom et l’adresse du demandeur, ainsi que la désignation et l’adresse du défendeur sous peine d’irrecevabilité. Il faut noter que la requête de l’opposition n’a pas répondu à cette exigence puisqu’elle est collective sans la production d’un extrait du registre des associations, sans même indiquer l’adresse des candidats, ni designer le défendeur.
Il faut noter qu’il est un principe qu’on ne peut intenter un procès devant le tribunal de la SADC à moins que les recours devant les juridictions nationales ne soient épuisés.
Pourtant, les candidats malheureux portent plainte auprès du procureur de la République, au niveau national, après leurs recours au niveau continental. Cette plainte qui vise les membres du bureau de la CENI et les membres de la cour suprême est tout simplement hilarante et dénuée de tout intérêt juridique et risque a fortiori d’être classé sans suite.
Les membres de la CENI bénéficient d’une immunité juridique qui leur permet d’exercer leurs fonctions en toute liberté et à l’abri de toute pression, y compris judiciaire (article 59 du code électoral). Ils ne peuvent faire l’objet d’aucune poursuite pendant au cours de leur mandat.
En ce qui concerne, les membres de la cour suprême, l’article 19 de la loi organique sur la cour suprême prévoit que sauf les cas de flagrant délit, les membres de la cour suprême ne peuvent être recherchés, poursuivis, arrêtés ou détenus qu’après autorisation du Bureau de la Cour. Ils bénéficient en outre du privilège de juridiction prévu par la loi.
Il faut savoir que les magistrats sont protégés contre les menaces et attaques de quelque nature que ce soit dont ils peuvent faire l’objet dans l’exercice ou à l’occasion de leurs fonctions (article 6 de la loi portant statut de la magistrature).
Abdou elwahab Moussa
Avocat au Barreau de Moroni
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