Science sans conscience n’est que ruine de l’âme. Un tel déchainement de violence et un tel mépris ne sont-ils pas contraires à l’esprit de l’Islam au
Science sans conscience n’est que ruine de l’âme
Il faut avoir une pierre à la place du cœur pour ne pas être bouleversé par le témoignage de Daoud Halifa sur son enlèvement, sa séquestration et les tortures physiques et morales qui lui ont été infligées pendant une dizaine de jours par la milice aux ordres directs du fils du colonel-président Azali.
J’ai publié sur Facebook et sur Habari Za Comores une tribune intitulée « Où est passée notre humanité ? » le 12 janvier 2024, c’est-à-dire l’avant-veille du braquage électoral qui allait provoquer des manifestations de colère des jeunes suivies de rafles, de tirs à balles réelles sur des jeunes parfois âgés de 14 ans, dont celui qui ôta la vie à Mouslim. Le choc a été tellement fort à la vue du corps inanimé de ce martyr plus jeune que mes enfants (ma benjamine a 23 ans) qu’il m’a manqué l’inspiration pour rédiger un texte. Je n’ai pu que lancer ce cri de douleur en commentaire sur sa photo « YE BWE YA HAHO NEKE NDE MONTSI YAHAWO. YEWUDJO HAMBA ZO NDJEMA NAZI MHUNDRE ».
Où est notre humanité quand nous enfermons dans une même cellule une personnalité politique de plus de 70 ans avec des dizaines de jeunes et d’adolescents et quand nous l’obligeons de surcroît à faire ses besoins dans ce lieu inapproprié ? Où est notre humanité quand nous tirons plaisir à humilier ainsi quelqu’un de la génération de notre père ?
Un tel déchainement de violence et un tel mépris ne sont-ils pas contraires à l’esprit de l’Islam au regard de ce hadith de notre noble Prophète : «n’est pas des nôtres celui qui ne fait pas preuve de miséricorde envers nos jeunes et n’honore pas nos aînés. » ?
J’ai vu un Daoud Halifa épuisé physiquement mais qui a gardé l’essentiel, c’est-à-dire sa lucidité. Il continue à rêver d’un avenir meilleur pour le pays. Voilà un homme dont le confort personnel n’est aucunement lié à la victoire d’un quelconque candidat à l’élection présidentielle, qui a investi dans son pays, qui y crée des emplois et qui continue à se battre malgré son âge avancé pour que son peuple ne subisse plus d’ injustices politiques et sociales, pour que son peuple ne soit plus condamné à la misère. C’est un homme qui peut s’enorgueillir de son humanité. C’est un homme qui a fait sienne cette devise d’Antoine de Saint-Exupéry Hommes « Être homme c’est précisément être responsable. C’est connaître la honte en face d’une misère qui ne semblait pas dépendre de soi…. ». Notre tonton Daoud peut se regarder dans la glace contrairement à ces jeunes diplômes qui ne jurent que par leurs BAC+100, « obtenus » parfois dans des conditions douteuses et qui sont incapables de défendre leurs droits les plus élémentaires, encore moins ceux de leur peuple.
Dois-je rappeler que Idriss Mohamed Chanfi et Mohamed Saïd Abdallah Mchangama, pour ne citer qu’eux, qui figurent parmi les personnalités les plus actives sur les réseaux sociaux dans le combat pour un Etat de droit et un pays réconcilié, se sont déjà illustrés dans leur jeunesse lors de la grève de 1968 ? En tant que lycéens boursiers de l’Etat français, ils faisaient partie des privilégiés de l’époque et pourtant ils ont assumé les plus grands risques et ont défendu à côté de leurs camarades que je ne peux tous citer ici la dignité du peuple comorien bafouée par le colonisateur français.
A une échelle plus modeste, j’ai assumé en 1987, pendant la co-présidence Ahmed Abdallah Abderemane-Bob Denard, la direction du mouvement de grève à l’ENES alors que je n’étais en rien concerné par les sujets de mécontentement (transport, restauration et hébergement) de mes camarades étudiants. J’ai agi seulement par solidarité, convaincu que leurs revendications étaient légitimes.
Pour conclure, j’invite nos jeunes étudiants et nos jeunes cadres à se ressaisir et à assumer leur rôle de boussole de notre société car le savoir n’a aucune valeur s’il n’est pas accompagné d’une conscience aiguë du bien et du mal. Qu’ils méditent cette citation de Rabelais : « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme »
Abdourahamane Cheikh Ali
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