Lettre à mes assassins et frères d’armes…« Bapalé ». Je me rappelle comme aujourd’hui mon serment devant Dieu, le saint coran à la main, et sous le dr
Lettre à mes assassins et frères d’armes…« Bapalé »
Cela fait presque deux ans depuis qu’on m’a forcé à tourner le dos à mes proches, à mes enfants surtout. A l’heure où je vous parle, j’ignore ma nouvelle adresse. Je n’ai aucune connaissance de l’endroit où je me trouve. Je ne cesse de me demander pourquoi je me trouve là même si je connais les circonstances qui m’ont conduit à cet endroit. La seule question qui me revient sans cesse à l’esprit est celle-ci : pourquoi mes frères d’armes m’ont torturé de la sorte avec tant de violences, de sévices incommensurables jusqu’à m’ôter la vie ?
Je me rappelle comme aujourd’hui mon serment devant Dieu, le saint coran à la main, et sous le drapeau de mon pays, de défendre ses institutions , de protéger sa population et ses biens. Ce jour-là, nous étions plus d’une centaine de jeunes recrus à jurer fidélité au chef d’État-major qui n’est autre que l’actuel président du pays.
Pourquoi mes compatriotes, mes propres frères d’armes ont décidé de m’enlever chez moi pendant que je dormais, de me bander les yeux, me jeter dans un fourgon militaire banalisé et m’amener au camp militaire de Sangani et me torturer jusqu’à sabrer mon corps ? Quel horreur, quelle souffrance ! Je sais que derrière leur ignoble acte, il y a de la manipulation politique, du sacrifice humaine. Pourquoi moi et non les autres ?
Le pire dans tout cela ce n’est pas ma mort car chaque être vivant quittera ce monde un jour. Mais plutôt les circonstances et la méthode de ma mise à mort qui me font mal jusqu’à nos jours. Qu’est ce que j’ai fait pour mériter la mort et être enterrer précipitamment au cimetière de Mirontsi comme un vulgaire voyou ? Les propos infondés du Directeur de cabinet chargé de la défense Monsieur Belou m’accusant de faire partie d’un groupe de mercenaires financés par la diaspora comorienne de France afin de déstabiliser le régime en place, ont causé donc ma mort. Et pour camoufler le crime, il avance ensuite que « j’étais mort d’une mort naturelle, d’une hypertension ». Pourquoi ment-il devant ma tombe ? N’a t-il as honte ?
J’ai bien compris que ma mort a été ourdi en âme et conscience par le pouvoir en place, avec Belou comme instigateur principal. Devant Dieu, Belou me dira la vérité en face. Ce ne sont pas les sévices physiques que j’ai subi qui me choquent mais c’est le fait de m’enfermer dans un sac mortuaire comme un vulgaire assassin puis de me jeter dans un trou avec des vêtements ensanglantés. Quand je me rappelle de cela, je me fonds en larme. Qu’est ce que je vous ai fait pour mériter ce traitement inhumain ?
A ceux avec qui j’avais juré amitié et fidélité, c’est-à-dire à mes frères d’armes, devenus aujourd’hui mes ennemis d’armes, sachez très bien que vous êtes mal vus par le peuple car au lieu de le protéger vous faite le contraire. Vous tuez des enfants, vous violez des femmes innocentes, vous cambriolez leurs maisons. Aujourd’hui, l’armée a vendu son âme au diable. Vous êtes devenus un instrument de maltraitance, une machine à tuer. Une sorte de crétinisme s’installe dans les camps de Kandani comme celui de Sangani. Aujourd’hui, personne n’est épargné de la violence des militaires qui agissent aujourd’hui comme un groupe de toxicomanes armés, violents et dépersonnalisés.
Chers frères d’armes, regardez un peu ce qui m’est arrivé, ce qui s’est passé au capitaine Faiçoil, à major Moutu, à Hamada Gazon, à la petite et innocente Fayina, aux jeunes Ayman, Fahad et Mouslim… La liste des victimes tombées sous les balles de l’armée est tellement longue et ça donne le vertige. Pour terminer, je vous rappelle ce passage : « celui qui vit par l’épée, périra par l’épée. Celui qui règne par les armes, périra par les armes ». Ne vous laissez pas manipuler, instrumentaliser comme des simples crétins et redorez votre blason car il est temps de protéger le peuple, le drapeau. Ne vous laissez pas traîner dans la boue car votre image est aujourd’hui entaché de sang.
Je vous vois tous depuis les cieux…Major Bapalé
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