« Notre pays est géré comme une épicerie familiale. Les Comoriens se sentent humiliés ». Sur onze candidatures déposées, seulement six ont été validée
Aux Comores, le président Assoumani accusé de verrouiller sa réélection
A un mois du premier tour de la présidentielle, le chef de l’Etat a limogé la responsable de la section électorale de la Cour suprême.
Candidat à sa réélection, le président comorien Azali Assoumani briguera le 14 janvier un troisième mandat. Mais depuis le limogeage de la présidente de la section constitutionnelle et électorale de la Cour suprême Harimia Ahmed le 7 décembre, l’opposition comorienne dénonce un scrutin taillé sur mesure par le chef de l’Etat. « Assoumani a pris une décision grave. Il a nommé celui qui va juger l’élection à laquelle il est lui-même candidat. C’est une façon de mettre la main sur l’organe judiciaire », s’alarme l’opposant franco-comorien Saïd Larifou, leader du parti Ridja.
Le gouvernement n’a fourni aucune justification au renvoi de celle qui avait la responsabilité de statuer sur les contentieux relatifs aux élections. Le responsable de la communication de la présidence de l’Union des Comores, Ali Amir Ahmed, défend cependant la légalité de la décision : « La nomination des membres de la Cour suprême relève de la compétence constitutionnelle du président », précise-t-il. Harimia Ahmed a été remplacée par Rafiki Mohamed, le substitut général de la Cour suprême.
Dans ce contexte de suspicion, plusieurs opposants accusent le pouvoir de vouloir les exclure de la course électorale. Début décembre, deux candidats issus de la diaspora ont été écartés de la présidentielle, faute d’avoir séjourné de manière permanente aux Comores ces douze derniers mois, comme l’exige la législation.
« La diaspora représente un tiers de l’électorat comorien. Mais, aujourd’hui, elle ne peut ni voter, ni candidater librement. Nous avons à faire une mascarade électorale », déplore Saïd Ahmed Said Abdillah, le porte-parole du Front commun partagé, une plate-forme réunissant plusieurs partis d’opposition aux Comores et en France. En septembre, la justice comorienne avait refusé de garantir le droit de vote à la diaspora, rejetant un recours qui réclamait son inscription sur les listes électorales pour la présidentielle de 2024.
Un contexte politique tendu
Sur onze candidatures déposées, seulement six ont été validées par la Cour suprême le 2 décembre. Mais l’opposition reste divisée sur sa participation. Si le Front commun partagé a décidé de boycotter l’élection, Bourhane Hamidou, l’ancien président de l’Assemblée nationale, et Mouigni Baraka Saïd Soilihi, l’ex-gouverneur de la Grande Comore, devraient être sur la ligne de départ.
Depuis l’arrivée au pouvoir d’Azali Assoumani en 2016, le contexte politique s’est progressivement tendu. Les manifestations de l’opposition sont régulièrement interdites. Le 1er mai, le pouvoir avait empêché le Front commun partagé de tenir une manifestation en opposition à la politique menée par le président Assoumani. « Si je retourne aux Comores, le régime au pouvoir me coffrera automatiquement », confie Mchindra Abdallah, président du Mouvement des démocrates comoriens (MDC). Basé à Paris, l’opposant a vu sa maison fouillée par les autorités en 2018 sur l’île d’Anjouan.
Mais l’opposition n’est pas la seule à faire les frais de la politique d’Azali Assoumani. Quatre membres de son propre parti, la Convention pour le renouveau des Comores (CRC), ont été exclus pour avoir présenté ou soutenu des candidatures dissidentes aux élections des gouverneurs. Parmi eux, le directeur de cabinet de la présidence, Omar Mgomri, et le directeur de Comores Télécom, Saidali Chayhane.
Cette fronde interne intervient alors que le président est soupçonné de vouloir transmettre le pouvoir à l’un de ses fils, Nour El Fath Azali. Conseiller privé de son père depuis 2019, il est désormais de presque tous les voyages diplomatiques. « Notre pays est géré comme une épicerie familiale. Les Comoriens se sentent humiliés », fustige...Lire la suite sur LeMonde
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