L'État français laisse les Mahorais assoiffés. La situation est critique à Mayotte, où les habitants n’ont accès que deux jours par semaine à de l’eau
La situation est critique à Mayotte, où les habitants n’ont accès que deux jours par semaine à de l’eau, qui n’est, en outre, pas toujours potable. Les annonces faites par le gouvernement prouvent son désintérêt pour la vie des citoyens de Mayotte, qui prévoient une grève lundi.
Malgré la situation, elle garde le sourire, toujours prête à lancer une blague quand la discussion s’assombrit. Si elle fait tout pour faire bonne figure, Yasmina n’a pas une vie facile. À 48 ans, elle souffre d’hypertension sévère chronique, une maladie qui a entraîné plusieurs complications au niveau des yeux et des poumons. Financièrement, elle n’a pas d’autre revenu que ceux issus de la vente des poissons pêchés par son mari. Avec leurs deux filles de 11 et 21 ans, ils vivent dans le quartier défavorisé de Kahani, dans le centre de Mayotte. Malgré cette situation précaire, Yasmina ne fait pas partie des « personnes vulnérables », telles que définies par la préfecture de Mayotte, c’est-à-dire celles qui peuvent bénéficier d’un malheureux pack d’eau… quand le camion de livraison daigne passer dans le village.
5 euros le pack d’eau… quand il y en a dans le magasin
« Ils ne donnent qu’aux vieux et aux enfants. J’envoie donc ma fille aller chercher l’eau pour nous », témoigne la mère de famille. L’élève de cinquième, qui ne peut aller en cours qu’une demi-journée à cause des rotations des établissements scolaires surpeuplés, est ainsi obligée de guetter l’arrivée de l’or bleu au village, et de se battre pour obtenir six bouteilles d’un litre et demi. Mais « en deux jours, il n’y a plus rien », déplore Yasmina. Quant aux packs d’eau vendus par le douka (« boutique » en shimaoré) du quartier, « ils sont vendus à cinq euros, et encore, quand ils en ont ». Un prix exorbitant que la famille ne peut se permettre de débourser.
Un manque d’eau depuis plusieurs années
Cette situation, digne d’un pays sous-développé, se déroule pourtant sur le territoire de la septième puissance mondiale, la France, incapable de fournir le plus précieux des biens à 310 000 Mahorais. Alors qu’ils alertent l’État sur un manque d’eau depuis plusieurs années, les habitants de l’île au lagon ne reçoivent que des gouttes de l’Hexagone, en témoignent les annonces de la Première ministre Elisabeth Borne, ce jeudi 5 octobre. Outre la prise en charge des factures d’eau de septembre à décembre 2023, une demande de longue date des syndicats et des abonnés, Matignon propose d’« élargir progressivement le public bénéficiaire » de ces fameux packs d’eau, et promet quelques dizaines de personnels pour l’éducation et la santé.
« C’est proprement scandaleux, s’indigne Haoussi Boinahedja, secrétaire départemental de la CGT. Il y a un décalage entre la demande des Mahorais et la compréhension du gouvernement. Nous vivons une crise de l’eau depuis juin et elle durera jusqu’en février. Nous payons très cher les bouteilles d’eau en magasin, nous avons le pouvoir d’achat le plus faible de France, et l’État ne fait rien pour aider financièrement les familles ? ! » La même incompréhension frappe Mansour Kamardine, député de la première circonscription de Mayotte. « Dans un département où le SMIC est inférieur de 20 % au SMIC national, où les minima sociaux sont plafonnés à 50 % des montants de droit commun, 300 à 400 euros d’achat d’eau par mois pour une famille moyenne placent nombre de Mahorais dans une situation financière intenable », rappelle le parlementaire, qui demande « que le gouvernement mette un terme à la discrimination sociale qui caractérise sa politique dans la région la plus pauvre de France ».
Des complications de santé
Que la France aide directement ses citoyens, c’est ce que demande aussi Haoussi Boinahedja. « Quand l’argent sera débloqué, il n’ira pas dans les poches des Mahorais désespérés, mais dans celles de Vinci et du système capitaliste, qui nous fournit une eau pourrie et nous rend malades ! », tempête-t-il. Les complications de santé se sont multipliées ces dernières semaines, à mesure que les retenues collinaires se vidaient et que leur eau devienne trop vaseuse pour être potable. Mais certaines familles, comme celle de Yasmina, n’ont pas le choix. La mère de famille continue de stocker l’eau du robinet quand...Lire la suite sur l'Humanité
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