La fin de l'Université des Comores. L’université des Comores (UDC), un établissement censé être de référence, vit un de ses moments les plus difficile
La fin de l'Université des Comores
L’université des Comores (UDC), un établissement censé être de référence, vit un de ses moments les plus difficiles. Elle subit de plein fouet la main mise politico politicienne imposée par le régime en place depuis 2016. Avec la complicité de certains enseignants proche du régime elle vit des problèmes structurels et financiers causés par l’ingérence politique sans précédent dans l’autonomie universitaire. Le concept même d’université ancré dans la libre expression et l’autonomie de gestion est mis en cause. Une série d’indicateurs montre aujourd’hui de manière convergente que la fin de l’Université est proche.
D’abord la désespérance des enseignants-chercheurs, sans l'appui desquels
toute réforme éducative de l’UDC est vouée à l'échec. Les grèves des
universitaires, les manifestations du personnel IATOS sont les indices les
plus visibles d'une crise qui tient entre autres à la mauvaise gestion et à un
système de financement qui a engendré, ces 6 dernières années, la dégradation
des infrastructures et du milieu d'apprentissage. A cela s’ajoute
l'amplification des conflits entre les syndicats des personnels et
l'administration centrale depuis la mise en cause de la loi et les statuts
régissant l’UDC depuis 2014.
Ensuite la proposition d’une loi d’orientation de l’enseignement supérieur
Comorienne qui propose une autre vision archaïque et de loin moins innovatrice
de ce qu’est une « université ». Dans ce texte l’on a du mal à percevoir ce
que recouvre le nom « université » d’autant plus qu’en matière de gouvernance
cet établissement est dirigé, comme au moyen âge en France, par un recteur
d’université avec un Conseil d’administration digne d’une entreprise privée
que d’un établissement d’enseignement supérieur publique. Ce texte entérine
définitivement l’entrée de la politique à l’Université des Comores.
Ceci a pour conséquence une institutionnalisation des pressions du pouvoir
politique et l’étouffement dans l’œuf de tout projet d’autonomie financière
qui aurait pu libérer la créativité des jeunes universitaires. Alain Touraine
écrivait « plus l’université sera moderne et scientifique, plus elle sera
engagée, politique et idéologique. Plus les jeunes étudieront, plus ils
contesteront, critiqueront, accuseront. L’Université engendrera la création et
la contestation permanente ».
Enfin, la perpétuation des conditions précaires depuis 2016 et l’envahissement
de l’université des Comores par le parti politique au pouvoir, rendent
difficile tout travail scientifique et annihile tout projet de développement
d’innovation technologique. En mettant en veilleuse toute volonté
d’accompagner l’UDC le pouvoir en place fait semblant d’ignorer que c’est en
répondant aux plus nobles ambitions intellectuelles que l’université
contribuera au progrès sociales.
Ceci étant, dans la ligné de ce qui se passe politiquement aux Comores où les
forces vives du pays sont émiettées et laminées, l’université, vivier de
l’élite du pays et qui plus est pourrait constituer un vrai rempart à ces
dérives dictatoriales, voit la liberté universitaire étouffée. In fine, le
pouvoir en place applique d’une façon purement machiavélique cette pensée
stalinienne qui stipule que « pas d’élite pas d’ennui ».
Se sentant menacé par l’élan qu’a pris l’université en termes de liberté
d’expression et surtout la place importante qu’a commencé à prendre les
universitaires dans le paysage politique du pays, le régime en place, comme le
fait la maman chat vis-à-vis de ses chatons faibles, menaçant ou souffrant
d’une mammite féline, commence par affaiblir financièrement l’UDC pour mieux
la « manger ». L’histoire retiendra que celui qui en 2003 a créé cet
établissement a choisi aujourd’hui, pour des raisons purement politiciennes,
de mettre fin à ses missions.
Dr El Hadji Kalim
Maitre de conférences à l’Université de Montpellier France
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