« Je savais que j’allais payer un jour ou l’autre pour tout le mal que j’ai fait »

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« Je savais que j’allais payer un jour ou l’autre pour tout le mal que j’ai fait ». Importée à Mayotte au début des années 2010 par un fonctionnaire m

« Je savais que j’allais payer un jour ou l’autre pour tout le mal que j’ai fait »
Achim a fumé de la chimik pour la 1ère fois au collège ©Louis Witter

À Mayotte, les ravages de la drogue « chimik »


Importée à Mayotte au début des années 2010 par un fonctionnaire métropolitain, la chimik est une drogue de synthèse devenue un fléau à Mayotte. Des consommateurs et des dealers racontent leur descente aux enfers.

Mamoudzou, Mayotte – Une femme au regard vide et à l’air hagard, s’avance sur le terrain de jeu qui jouxte la place de l’ancien marché. Il est 9h du matin dans le centre de Mamoudzou, la capitale mahoraise. L’endroit est connu pour ses consommateurs de drogue, qui s’y retrouvent à la nuit tombée. Cheveux courts et couches de vêtements empilées sur le dos, elle s’avance vers Djah. L’homme de 60 ans porte lui des lunettes noires et boit une bière tiède. Le badaud traîne souvent par ici, ou pas loin, et connaît bien les habitués de cette place. Désorientée, la femme balbutie quelques mots avant de s’agiter et de filer au loin. Djah lève les yeux au ciel :

« Voilà ce que tu deviens à force de fumer cette merde de chimik : un zombie. »

La chimik est à l’origine un cannabinoïde synthétique, en clair, une reproduction de produits que l’on trouve dans la plante de cannabis. Cette drogue se présente sous l’aspect d’une poudre. Les dealers la diluent avec de l’alcool – parfois de l’alcool à brûler – avant d’en imbiber le tabac et de la rouler en cigarette. « J’ai bien connu cette femme. Elle était clean avant que son mec ne la fasse fumer », poursuit Djah. « Aujourd’hui, elle est folle, dort dehors et conservera des séquelles à vie. » Une bouffée de chimik provoque un choc anesthésiant et enlève l’envie de boire et de manger. Un dosage trop important peut être fatal. « J’ai perdu deux amis comme ça. » Lui promet n’y avoir jamais touché. Les yeux encore fixés sur la toxicomane, que plus rien ne semble connecter à la réalité, il raconte avoir été enseignant et musicien dans une autre vie. Avant de traîner ici :

« Il y a quelques années, cette place, c’était zombieland. On fumait, on dormait et on mourait. »

Importée sur l’île au début des années 2010 par un fonctionnaire métropolitain depuis condamné, la chimik est à l’origine de nombreux drames à Mayotte. Aujourd’hui plus discrète, ses ravages sont toujours visibles, notamment chez les ados et jeunes majeurs. « La chimik est présente dans 75% des cas lorsqu’un jeune arrive en crise », estime un infirmier aux urgences psychiatriques du centre hospitalier de Mayotte (CHM)[...]

Un facteur de la délinquance

« J’étais accro. J’en consommais tous les jours pendant plus de deux ans. » Achim (1), presque 30 ans, a le visage émacié par un quotidien de galères. Il raconte son addiction, ses moyens pour la financer, mais aussi les raisons qui l’ont poussé à en vendre. Aujourd’hui repenti et sevré, il confie amer :

« Je savais que j’allais payer un jour ou l’autre pour tout le mal que j’ai fait. »

Il fume de la chimik pour la première fois au collège. Sa deuxième consommation le conduit directement aux urgences. « J’ai juste tiré quelques bouffées et je me suis évanoui. » Ce qui ne l’empêchera pas de recommencer et de développer rapidement son addiction. La chimik est devenue un terme générique, qui désigne le fait de consommer une poudre en cigarette. Elle regroupe aujourd’hui la consommation d’un certain nombre de produits qui intègrent des cannabinoïdes synthétiques, mais sûrement aussi de la méthamphétamine.

Le jeune Achim n’en a aucune idée. Il n’en a que faire, il veut sa dose quotidienne. Il vend tous ses vêtements pour financer sa consommation. Le garçon se sent tendu quand il ne l’a pas. Certains de ses amis le sont encore davantage et deviennent violents. « Décompensation psychotique, désorganisation psychique, violence extrême, désinhibition totale, insensibilité… », énumère un médecin spécialiste de la santé mentale, qui témoigne dans le contexte tendu du plan Wuambushu et a préféré rester anonyme. « Le consommateur perd toute notion du réel. Il peut frapper et tuer sans se rendre compte de ce qu’il fait. » Il ajoute :

« Si on parle de la délinquance à Mayotte sans prendre en compte cette dimension toxicologique, on passe à côté du problème. »

Aux racines du mal


L’arrivée de la chimik à Mayotte remonte au début des années 2010. À l’époque, Omar (1) est l’un des seuls grossistes de l’île. Ce quadragènaire énergique et souriant se souvient bien de cette révolution, mais surtout de son importateur : un employé du conseil départemental de Mayotte. Un homme à première vue quelconque :

« Ce fonctionnaire s’appelait Christophe. Au départ, la chimik qu’il importait était uniquement pour sa consommation personnelle. Il traînait avec des jeunes de Cavani et a commencé à leur faire goûter. »

Christophe sent rapidement l’engouement autour de lui. « Quand il a compris qu’il y avait du pognon à se faire, il en a importé des kilos. » Mélanger des produits de synthèse avec du tabac n’est pas une pratique répandue. Surtout, le business est légal : le...Lire la suite sur Streetpress

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