Les LGBTQ + aux Comores s'assument et revendiquent leur cause

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Les LGBTQ + aux Comores s'assument et revendiquent leur cause. «Non seulement ils affichent leur préférence et/ou orientation sans aucune gêne, mais.

Les LGBTQ +  aux Comores s'assument et revendiquent leur cause

Violet, Rose, etc, chronique d'une discorde haute en couleurs annoncée


À rebours de toute la panoplie religieuse déroulée et des prises de position islamiques, aux allures d'une course à l'échalote de fatwas, avec une surenchère de l'indignation par les fundi et autres prêcheurs du web, il serait intéressant de se donner la peine d'observer les faits pas si divers que ça qui secouent notre société avec des lunettes cartésiennes. Des faits de société isolés, des faits sociaux, des feux qui peuvent paraître de paille mais qui embrasent néanmoins une conscience collective chancelante.

Les réactions d'indignation et de condamnation sont légitimes, surtout animés que nous sommes par les convictions religieuses profondes que nous partageons, le ciment ontologique de nos us et coutumes, et les sentiments moraux qui nous guident tous. Sauf que ces haut-le-cœur épidermiques doivent aller plus loin que les « soubhan'ALLAH » repris en chœur par un tout un peuple profondément choqué, et sincèrement scandalisé, par ces actes osés, et défiant la norme coutumo-religieuse de notre identité.

Des cris d'orfraie après le « gay-football » de Mirontsi, aux remontées d'estomac après la publication et la large diffusion de la photo du trans assumé Youssouf-Yousra, la bonne société puritaine n'en finit pas d'être choquée, en attendant le prochain buzz autour des coming-out qui semblent s'annoncer dans les prochains jours. Les LGBTQ + (et autres classifications qui dès fois prêtent à rire) aux Comores, s'assument et revendiquent leur cause.

On aurait tort de sous-estimer le nombre, la pratique et l'influence relatifs à l'homosexualité. Plus qu'une évidence, la société se trouve face à une véritable lame de fond de ce qui semble être un mouvement de homos décomplexés. Les Lgbt, ou bien pour parler local, comme le consacre déjà la rue sarcastique comorienne, les VROM (Violet = lesbienne, Rose = gay, Orange = bi-, M = multicolore, c'est-à-dire passe-partout'ze), non seulement affichent leur préférence et/ou orientation sans aucune gêne, mais semblent également recruter de plus en plus de nouveaux adeptes, aidés en cela par un effet de mimétisme comportemental de mode, et l'absence d'idéaux, de perspectives et d'espoir. La démarche présente ne prend pas en compte les données biologiques et chromosomiques pouvant expliquer tel ou tel cas particulier.

Le temps d'une étude sociologique approfondie du phénomène viendra avec les spécialistes, mais pour l'instant, de façon moins scientifique et officielle, ici et maintenant, il n'est question que de pousser les portes closes de notre puritanisme, pour inviter à la réflexion. Les Versets de notre Saint Coran, et les hadiths de notre Noble Prophète (SAW) gardent toujours leur fraîcheur, leur sagacité et leur vivacité pour rappeler à l'ordre moral les récalcitrants, mais le rappel des châtiments et des condamnations éternelles en enfer semblent n'avoir aucune résonance dans le cerveau de nos VROM.

Face au tribunal populaire, leur défense, sorte d'argument passe-partout orienté contre la société, et surtout contre les représentants de l'ordre moral et de la loi, est devenue un slogan de ralliement qu'ils répliquent à tout bout de champ, et qui consiste à dire : « il y en a qui sont et qui font pires que nous ! » En clair et sans décodeur, ceux-là sont, en vrac, les agents voleurs du sirkali, policiers, bandits et escrocs de grand-chemin ; fundi, tontons ou voisins pédophages, violeurs ; les papas incesteurs, éphébophiles ; les directeurs détourneurs de fonds publics ; les juges corrompus, le gouvernement véreux, les autorités kléptocrates, etc. Un argument simpliste et léger, mais qui fait des dégâts car ferme le débat, en contournant la question. Autre argument qui peut être de taille, c'est que les barons (ou baronnes, lol) de ce mouvement, relais cachés de grande importance, se trouvent dans les hautes sphères de l'Etat, au cœur du pouvoir des différentes institutions, au sein des instances de décision, parmi les hauts gradés de l'armée, et les hauts dignitaires des instances religieuses.

C'est peu dire que de confirmer que les angoisses sont légitimes.

Et la question lancinante, comme une litanie et manifestement redditionnelle revient sans cesse : comment en sommes-nous arrivés là ? Il est logique d'aller creuser, dans le cadre d'une recherche sociologique, pour essayer d'expliquer les causes de ce phénomène. Ces lignes proposent une piste parmi tant d'autres, en avançant par hypothèses comme l'exige l'observation objective. Certains de nos Anciens dans nos villages, droits dans leurs kandu, fiers de nos traditions, et gardiens du sacré (du latin « sacer » « ce qui ne peut être touché », et « sancio » « rendre inviolable, interdire, délimiter »), parleraient d'une « sabénisation » de nos mœurs.

Petit rappel, les Sabenas, sans tomber dans une discrimination catégorielle, ni un quelconque jugement, sont arrivés brusquement dans nos villages, suite à la « catastrophe de Mdjangaya », avec dans leurs bagages, outre l'accent et un nouveau vocabulaire, une autre manière d'appréhender la vie. Dans cette période de collusion subite et violente de deux cultures, le pays a été largement confronté à de nouveaux rituels sociaux, de nouveaux codes moraux, des mentalités étrangères, voire contraires aux coutumes millénaires qu'on croyait intouchables, inviolables et inébranlables ; bref, des outils éducatifs sensiblement, essentiellement et quasiment différents des fondamentaux de l'éducation classique, basée sur le sacré métaphysique et l'interdit social, fixant la zone au-delà de laquelle on tombe dans l'opprobre, l'indignité, voire dans l'animalité (twabiya ya hayawani).

Le langage évoluant avec le mode de vie, dans mon adolescence, les parents et autres adultes nous réprimandaient en nous affublant du qualificatif « sabena » lorsque nous étions en train de commettre de petits actes anodins, même les plus innocents du quotidien, mais qui sortaient ne serait-ce que légèrement du cadre normatif des convenances sociales collectivement admises, comme faire pipi dehors devant du monde et sans se nettoyer. Sans parler d'actes plus lourds et plus immoraux, qui étaient contraires à l'éthique universellement acquise et intégrée, tous ces petits gestes qui déviaient et qui allaient à l'encontre de la norme établie depuis des lustres, devant nos baobabs, et qui tombaient sous le coup de la loi féodale, étaient considérés comme infects à la bonne marche de la société.

Autrement dit, à force de côtoyer des Sabenas, et dans un mouvement de relativisation de la portée du « twabiya mbi » nous aurions fini par adopter leurs pratiques. Comme si nous serions, sous l'influence considérée comme néfaste de cette mentalité, en train d'outrepasser une certaine limite morale, un cadre social, rendu force légale par la coutume. L'expression la plus limpide et néanmoins très péjorative : « sabena ye ka wono haya ! » C'est-à-dire le Sabena est celui qui est insensible à l'opprobre et qui ne dispose d'aucune notion de ce qu'est la honte, comme charge mentale, émotive et surtout dissuasive.

En un mot, le subconscient collectif a sauté, et le « ça », gardien et filtre des interdits n'a plus fonctionné. Libre cours était ainsi donné à tous les instincts animaux, même les plus vils et les plus abjects, sans passer par la case « refoulement ».

Et par extension, il s'agit d'une mentalité jouissive et permissive qui n'en a cure de ce qu'est le sacré et l'interdit, et qui a poussé jusqu'à rendre en pointillé, pour ne pas dire effacer, la frontière entre le licite et l'illicite. Peut-on y trouver dans cette influence sabénienne les sources d'un long processus qui a fini par ébranler les fondements psychologiques, les structures morales, jusqu'à la désacralisation mentale de tout un ensemble de lois coutumières millénaires ? On ne peut être totalement affirmatif. Même si un grand nombre de totems furent abattus, et de tabous tombés, au même titre que la délégitimation de la notion d'opprobre, et de l'acte de déshonneur.

En revanche, le constat, amer et désillusionnant, est clair : ce choc de cultures a fait le lit d'une morale fluctuante qui aura réussi à bouger le curseur des interdits, et du sacré, lequel se déplace de jour en jour à une vitesse grand V, poussant jusqu'à l'inversion des valeurs vertueuses. Les vertus de droiture, de courage, d'honneur, d'abnégation, d'altruisme, d'intégrité, de probité, de loyauté, d'honnêteté, ne sont plus de mise.

Reste que dans un pays où la démocratie est plus qu'approximative, les services de base inexistants, la précarité et la pauvreté en nette augmentation, la sécurité des biens et des personnes brinquebalante, l'insécurité physique en général, et plus particulièrement l'insécurité sanitaire et alimentaire de plus en plus alarmante (avec une famine qui pointe son nez), la corruption des mœurs et son corollaire la prostitution ne peuvent que se développer. Par conséquent, il peut paraître logique que tous ces déficits, économiquement et socialement structurels, provoquent une rupture d'équilibre dans la notion des valeurs (morales, républicaines, coutumières) partagées, et poussent à une perte systématique de repères, à une banalisation du vice, et à un ébranlement des socles moraux refuges.

La banalisation du vice, du mal, et de l'interdit fut la première étape, comme c'est souvent le cas, de ce long processus de normalisation effective, de légitimation morale et de légalisation implicite de toute déviation (ou déviance). Les instruments punitifs et coercitifs de la sanction traditionnelle, de l'amende au bannissement (wu yilwa mawu, wu lapvwa, wu washiwa...) n'ont plus leur force, en même temps que le caractère totémique du « ân'yibu » tend à disparaître.

Nous sommes face à un cataclysme qui s'annonce, mais que tout le monde feint de ne pas voir, ou bien peut-être ne voit pas encore, minimisant et isolant les faits, croyant naïvement que c'est juste un petit bout de glace, alors que ce qui est visible représente un quart de l'iceberg. Et l'époque du mariage pour tous occidental semble être d'une influence non négligeable.

Nos larmes de conservateurs et de nostalgiques d'un âge béni, sont loin de pouvoir sécher, et, à part une croisade ou des expéditions punitives contre eux, Violets, Roses, Oranges et Multicolores, vont continuer à faire le buzz, dans cette guerre de couleurs qui n'a pas fini de faire couler... beaucoup d'encre. Et ce que nous renseigne cette porosité des interdits et la fin d'une certaine sacralité, c'est que le pays tout entier est secoué par une crise identitaire et morale généralisée.

À notre humble niveau, il serait judicieux, pour préserver la concorde civile (de « cum cordis » « avec le cœur »), de retrouver l'harmonie heureuse et radieuse d'un monde fait d'indulgence d'un côté, et de retenue, de l'autre, sans ostentation de bas étage ni prosélytisme inconséquent, sans chercher à choquer ni à provoquer, ni à s'adonner à une propagande malveillante et nuisible. Contrairement à une certaine tendance dans l'air du temps, et à un endoctrinement étranger, nous avons nos propres codes, et devons les préserver. Il n'y a rien d'hypocrite à respecter nos propres valeurs. Pourrait-on reprendre et compléter ce proverbe « eya zaya ye nyoha kadja latsa,... sha hayi tsatsaza » ?

Devant La Loi Divine, le code civil, et la coutume, chacun face à ses responsabilités et ses démons, doit, en son âme et conscience, se poser la question de l'intérêt de tels actes. Beaucoup s'en scandaliseront, mais force est de comprendre que si cela ne nuit pas à autrui (à part heurter sa morale, casser une confiance, ou briser une amitié, et tuer un amour), le propre a toujours été de tolérer un monde tant qu'il restait silencieux dans l'ombre, dans l'alcôve de la sphère la plus intimement intime, et très strictement privée, en gardant toujours à l'esprit, le fameux diptyque prohibitif qui forme les deux piliers de notre éducation légendaire et salutaire : le « kazirendwa - kazambwa ». Sodome et Comores, comme une fatale prémonition.

Said Ahmad Said Tourqui - SASTP
Titre : La rédaction
Photo : Youssouf - Yousra 

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