Il est des hommes et des femmes qui dépassent les..Sayyid Muḥammad ʿAbd al-Raḥmān, mufti des Comores de 1978 à 1990, un savant plus grand que son pays
Sayyid Muḥammad ʿAbd al-Raḥmān, mufti des Comores de 1978 à 1990, un savant plus grand que son pays
Il est des hommes et des femmes qui dépassent les âges et les espaces, pour s'inscrire définitivement au panthéon mondial des figures de l'histoire. Ils sont souvent en avance par rapport à leurs temps ou plus grands que les endroits où ils naissent, ce qui leur cause quelques difficultés d'intégration dans leurs sociétés et leurs milieux.
Le mufti Sayyid Muḥammad ʿAbd al-Raḥmān est de ceux-là. Il naīt en 1912, peut-ētre, quatre ans avant, à Hahaya, une ville du centre de la Grande-Comore, dans une famille descendante du Prophète, de la lignée du grand maītre, de Tarīm, capitale de la région de Ḥaḍramawt, Abū Bakr b. Sālim. Comme tout enfant comorien, jusqu'au début des années 2000, il est envoyé à la cuisine du livre (paa la shiyo), expression qui désigne l'école coranique, afin d'y recevoir les enseignements basiques de l'islam et de la vie. On y était, en effet, formé non seulement à la lecture du Coran, ainsi qu'aux préceptes islamiques de base, comment faire la prière, qu'est-ce qui rompt le jeûne, mais aussi, et surtout, à la culture de la terre, à l'élevage, à travers notamment ce qu'on appelait "yahowa ya fundi" (littéralement le jeudi du maître), une sorte de rétribution des enseignements dispensés par le maītre à ses disciples gratuitement, tout le long de sa vie.
Etant donné son lignage, il a dû poursuivre ses études théologiques au-delà des enseignements de base sus-évoqués. D'abord dans les mosquées et zawāya (pluriel de zāwiya, maison de prières et de formation des confréries soufies) de sa ville, puis, à 17 ans, sur l'īle soeur de Zanzibar, où il renforce sa formation théologique dans les différentes disciplines des sciences théologiques, qui allaient du fiqh, essentiellement šafiite, à l'exégèse du Coran, en passant par le soufisme, et les sciences dites outils (ʿulūm l-'āla), comme la grammaire classique, naturellement arabe, balāǧa, maʿānī et badīʿ, les fondements du droit musulman (uṣul l-fiqh), les sciences dites du ḥadīṯ (ʿulūm l-ḥadīṯ), à travers notamment les grands classiques comme les authentiques d'al-Buẖārī et de Musulim, ainsi que les Sunan.
Deux choses sont à savoir à ce stade. La première est que la plupart des savants de cette Zanzibar afro-omanaise, précisément būsa ´ayidienne, depuis à l'époque deux siècles, étaient des Comoriens. Il n'est, dès lors, pas étonnant de voir que parmi ses enseignants nombreux sont d'origine comorienne, comme le Cheikh Musṭafā b. Ǧaʿfar, de Ntsudjini, chef-lieu de la région d'Itsandra, au centre de la Grande-Comore, et al-Ḥabīb ʿUmar b. Aẖmad b. Abī Bakr b. Sumayṭ, dont le père, Comoro-yéménite, sans doute le plus grand théologien musulman jamais né en Afrique de l'Est, était d'Itsandra-Mdjini et la mère de Tsidjé.
L'autre est que la formation théologique était si élevée, à Zanzibar, que les gens venaient du Yémen, d'Oman et d'autres endroits de la péninsule arabique pour y apprendre, notamment aux temps d'al-Ḥabīb Aḥmad b. Sumayṭ. On l'appelait, pour cela, l'Andalousie de l'Afrique de l'Est.
En 1939, il regagne les Comores, āgé seulement de 27 ans, non en pensant avoir fini ses études, mais plutôt pour visiter sa mère, dont il est resté séparé dix ans.. Seulement, une fois sur place, la 2nde Guerre Mondiale éclate et ce qui devait être une simple visite s'est transformé en installation définitive. Les savants de la ville de Moroni, capitale de l'īle de Grande-Comore, dont le Cheikh Sālim Wadaʿān, l'invitent à s'y installer et à surtout se mettre à enseigner, ayant vu le bagage et le génie du jeune Sayyid Muẖammad 'Abd l-Rahmān.
C'est ainsi qu'un demi-siècle durant, il va enseigner quotidiennement toutes les Comores, voire au-delà, le droit musulman, l'exégèse du Coran, encore diffusée aujourd'hui, 32 ans, après sa mort, à Paris en novembre 1990, à travers les ondes de l'Office de Radio et Télévision Comorienne (ORTC), à l'ouverture, comme à la fermeture des programmes, le soufisme, à travers notamment les sagesses d'Ibn 'Aṭā'i L'lāhi L-Sakandarī, et ses émissions de questions-réponses où il faisait ses fatwas.
Parallèlement à tout cela, il a formé quotidiennement des centaines, voire des milliers, de disciples de toutes les régions et īles de l'archipel des Comores, dans sa mosquée, connue sous le nom de la mosquée de Duweda, non loin de son domicile, à toutes les disciplines théologiques dans lesquelles il a été formé tout au long de sa vie. Nous y viendrons ci-après. Comme il a été un membre éminent du Conseil Juridique Islamique, de Djeddah, où, à l'instar de ses pairs, il a émis différentes fatwas, comme celle concernant le planning familial et celle sur le don d'organes, entre humains. Les revues de cette institution internationale en sont les meilleures preuves.
En lisant ses fatwas, que les docteurs Sayyid Burhan et Sayyid Abdallah, de l'Université des Comores, ont récemment publiées, sous le titre " Fatāwā Samāhat l-mufti l-'akbar", on s'aperçoit assez rapidement de l'immensité de son savoir. En effet, on y voit un mufti rompu aux sciences islamiques les plus poussées, avec une connaissance extraordinairement fine des avis juridiques des différentes écoles juridiques (maḏahib fiqhiyya) et un éclectisme rare, l'amenant à faire usage autant de philosophie, qu'il n'a pourtant pas apprise dans sa formation théologique, que d'avis médicaux, des plus actuels.
Encore plus étonnante, est son ouverture aux autres écoles de pensée musulmanes. En effet, bien que, connaisseur, sans doute plus que personne à son époque, du fiqh de l'école šafiʿite, il n'avait aucun mal à se référer aux écoles juridiques traditionnelles, autres que le šafiisme, à savoir le hanafisme, le malékisme et le hanbalisme, à cōté du dhahirisme, tout autant qu'au djanfarisme (shiite) et à l'Ibadisme. En ces temps où certains (shiites) cherchent à convertir le monde à leur école, et d'autres (sunnites) leur opposent le phénomène inverse, voir un aussi grand savant faire preuve d'autant d'ouverture d'esprit devrait calmer les ardeurs autant des néo-conquérants que des résistants.
Cela éviterait aux Comores bien des problèmes dont elles n'ont pas besoin. Je le dis et le répète, les guerres de religions sont les pires, qui soient pour un pays. Les musulmans ne se sont jamais autant tués que sur des bases religieuses. Les chrétiens et les juifs non plus. Mais, chaque clan montrera du doigt l'autre pour se soustraire à sa responsabilité, voyant toujours la paille qu'il y a dans l'oeil de son voisin, tout en oubliant la poutre qui se trouve dans le sien.
Le mufti était, vous l'aurez compris, une encyclopédie, dont les Comores n'ont pas su suffisamment profiter, ou, pour dire les choses autrement, dont le savoir avait dépassé de très loin les enjeux des quelques 700000 âmes des Comores de l'époque. Je dirais même d'aujourd'hui. Et ce, sans manquer de respect à personne. Mais, face à l'évidence, il faut savoir s'incliner.
Lorsqu’on voit des noms aussi ronronnants que le célèbre théologien réformiste irakien Tāhā Ǧabir l-ʿAlawānī, qui a soutenu sa thèse de doctorat en uṣul l-fiqh en 1971, à l'université d'Alzhar, si ma mémoire ne me trahit pas, s'adresser à lui pour savoir la norme juridique de tel phénomène de la vie, en 1984, lui-mēme membre du Conseil Juridique Islamique de Djeddah, on est forcé d'admettre que le niveau de formation des zawāya où on l'on formait les gens était largement au-dessus de ce que les meilleures universités islamiques peuvent proposer aujourd'hui. Mes amis et collègues qui ont publié ses fatwas l'écrivent clairement dans leur brillante introduction audit livre.
C'est pourquoi, il me semble important de donner à la fin de cette présentation, la méthodologie d'enseignement du grand mufti, à travers celle de quelques uns de ses nombreux disciples, comme le grand cadi, Cheikh Saïd Muhammad al-Ǧaylān, Cheikh Muhammad Soighir, mon père, Habib Fadl b. Abdillah Djamalullayl, mon oncle, et leurs condisciples, comme Cheikh Mhadjiri Islam, de Fumbuni, au Sud de la Grande-Comore, et Cheikh Saïd Ismāʿil, un des principaux cadis des Comores. Celle-ci reposait sur un enseignement de toutes les disciplines islamiques, subsumées dans les sciences dites de la šarīa (fiqh) et ḥaqīqa (soufisme). On ne concevait pas la formation théologique autrement. Et nonobstant les vociférations des uns et des autres, depuis seulement trois quatre décennies, grâce aux pétrodollars, aucune formation théologique ne s'envisageait autrement. Mais, comme toujours, les gens ont aujourd'hui foi en celui qui crie le plus.
On commençait, dans cet esprit, parce qu'on appelle selon l'expression consacrée, aux Comores, et ailleurs, par les muḥtašarāt, puis on passait aux livres intermédiaires, avant de finir par les ummahāt (les livres mères) - que le disciple étudiait entièrement devant son maître, de la dībajat (introduction) à la dernière lettre écrite par l’auteur. Et c'était ainsi [next] dans toutes les matières. Prenons-les donc, une à une.
Fiqh :
- Iršad l-muslimīn (localement appelé Babu, en référence au premier chapitre de cette épītre d'une dizaine de pages, dont l'auteur est inconnu). On y apprend essentiellement les ablutions (grandes et petites) ainsi que la prière, avec, au tout début, une incitation au savoir, très interessante pour un jeune enfant d'à peine 5-6 ans, puisque c'est à cet āge-là que la formation commençait.
- Al-risāla alǧāmiʿa : un petit résumé de ce qu'a dit l'imam al-Ġazālī sur les rituels, d'une dizaine de pages.
- Safīnat al-naǧā : une petite épītre généraliste portant autant sur les rites principaux que sur le dogme. Elle était suivie automatiquement de Safīnat al-salāt, traitant, elle, exclusivement de la prière, comme son nom l'indique.
- Al-durar al-bahiyya: une épitre de fiqh exclusivement commençant à rentrer dans les détails du fiqh.
- Al-riyāḍ al-badīʿa: une épitre de dogme, de fiqh et des fondements du fiqh.
- Al-muqaddima al-haḍramiyya: un livre de fiqh, appelé aux Comores, Roboo, de l'arabe, rubʿ l-ʿibād. Quand on atteignait ce livre, on pouvait, pour les anciens, ētre considéré comme connaissant passablement le fiqh. C'était comme un brevet d'études. Ce livre est d'autant plus important, dans l'école šafiite, qu’il propose des détails des plus importants sur les rites. On l'appelle tantōt du nom de son auteur, Musaddimat Bā Faḍl, tantōt masāʾil al-taʿlīm, etc. Pour information, l'auteur de ce livre est un des disciples du célèbre Ibn Ḥaǧar al-ʿAsqalānī, et d'un certain Muhammad Bājarfil, l'original, le vrai.
- Al-turyāq al-nāfiʿ mina l-ʿamā: C'est le commentaire du Babu, écrit par le grand-père d'al-Ḥabīb 'Umar, appelé al-Ḥabīb Abū Bakr b. Sumayṭ. C'est le premier commentaire qu'on lit et on est initié au vocabulaire du fiqh, ce faisant, commencé par et dans Al-riyāḍ al-badīʿa.
- Fath al-Kabīr, d’un des maîtres du mufti.
- Matn Abī Šuǧāʿ ou Matn Ǧāyat al-taqrīb, le plus célèbre matn (condensé) du fiqh šafiite. C'est le premier livre abordant la totalité du fiqh de l’école shafiite.
- Bahǧat l-wasā'il: C'est le commentaire de la Risāla al-ǧāmiʿa, donc second commentaire que l'on lisait. Son auteur est Muhammad ´Umar Nawawī al-Jāwī (le Javanais) qui a commenté la quasi-totalité des livres de base de l’école shafiite, selon, dirais-je, la méthode yéménite, siamoise ou presque de la méthode comorienne. Ainsi de sa Kāshifat al-Sajā, commentaire de Safīnat al-najā, d’Athimār al-yāni ‘a, commentaire d’Al-riyādh al-badī ‘a, un autre de Bidāyat l-hidāya, un autre encore du Maulid al-Barzangī. Comme il est l’auteur d’une exégèse exceptionnelle du Coran. Je cite tous ces titres parce qu’ils étaient connus par nos dits maîtres, voire nous ont été enseignés, en partie.
- Ṣafwat al-zubad: Connu sous le nom de Zubadu aux Comores, ce livre est un recueil de mille vers dans lequel sont abordés le fiqh, le soufisme et le dogme (surtout au début). Son auteur, Ibn Rasalān, est des plus connus aux Comores. C'est aussi un des disciples d'Ibn Haǧar al-ʿAsqalānī et de l'historien célèbre, al-Qalqašandī.
- ʿUmdat al-Sālik: C'est un matn célèbre d'Ibn al-Naqīb al-Maṣrī, regroupant la quasi totalité du fiqh, sauf un seul chapitre, bāb al-sulh, si ma mémoire est bonne. Je cite de tête ces livres, donc, je peux me tromper sur une information, car je ne les ai pas revus depuis une dizaine d'années, pour certains, voire plus pour d'autres.
- Fatḥ l-qarīb: C'est le commentaire du matn Abī Šuǧāʿ. Il est souvent lu avec sa glose, appelée Ḥāšiyat al-Bāǧūrī ou al-Bayǧūrī. Contrairement à ce qui est dit dans l'introduction des fatwas de notre mufti, ce n'est pas le livre d'Ibn al-ʿUbbād. Plutōt l'oeuvre du célèbre juriste šafiite Ibn l-Qāsim al-Ġazzī.
- Mawāhib al-Ṣamad: Commentaire du zubad, de l'imam al-Fašanī.
- Fath al-muʿīn d’al-Malībārī, le petit-fils. Un des livres-mères, mais des plus compliqués, du fiqh šafiite.
- Kifāyat l-ʾaẖyār: Célèbre commentaire de l'imam al-Huṣanī, sur Matn Abī Shudjā ´. Ce commentaire est le seul, à ma connaissance, parmi ceux qu’on lisait dans lequel le disciple apprenait les preuves (adilla) de son madhhab, contrairement aux autres commentaires. C’est ainsi qu’on l’initiait à l’extraction des normes ( istimbāt l-ahkām).
- Minhāǧ al-ṭālibīn: Le livre de référence de l'école šafiite, en matière de fatwas. Aux Comores, il est lu essentiellement avec le commentaire d'Ibn Ḥaǧar al-Haytamī, Tuḥfat l-muḥtāg.
- Al-Manhaǧ l-qawīm: C'est le commentaire du célèbre Roboo. Ailleurs, il est lu bien avant des livres comme le Minhāg. Aux Comores, non. On l'appelle mēme le Bun Haǧar. Mon père m'a dit que c'était le dernier livre que le mufti, son maītre, ait lu auprès d'un de ses maītres, al-Ḥabīb 'Umar. Et lorsqu'il (mon père) l'a lu à son tour, auprès de lui, il (le mufti) lui a dit: "C'est le dernier livre que j'aie appris de mes maîtres. Je te l'ai enseigné". Un peu comme s'il disait: « Voilà ma mission finie! » Quelle grandeur d'âme!
Exégèse :
- Tafsīr l-ǧalālayn. C'est l'exégèse de deux célèbres exégètes appelés Ǧalāl, tous les deux, d'où le nom ǧalālyn (deux majestés). L'un s'appelait al-Maḥallī et l'autre al-Suyuṭī, avec le commentaire d' al-Ṣāwī, l'imam malékite.
Grammaire :
Assez paradoxalement, la grammaire arabe était réservée aux seuls descendants du Prophète - appelés sāda, pluriel de sayyid, ou ʾāl l-bayt, ou encore šurafā' ou mazarifu (voir pour cela la thèse d'Ali Mohamed TOIBIBOU sur le Cheikh Qamardine). Mais, quand elle était enseignée, elle se faisait ainsi:
- Mutammima l-ʾaǧrumiyya
- Mulhat al-ʿirāb
- Al-tuḥfat al-saniyya
- Qaṭr l-nadā et Šuḏur al-ḏahab d'Ibn Hišām
- Alfiyyat Ibn Mālik, avec [next] le commentaire d'Ibn 'Aqīl.
Soufisme :
- Bidāyat al-Hidāya: Petite épitre de l'imam al-Ġazālī, organisant la vie de l'étudiant en théologie de son levé jusqu'à son coucher. D'où son titre : Bidāyat al-Hidāya wa ʾaʿmāl al-ywam wa al-layla.
- Les livres de l'imam al-Ḥaddād, fondateur de la confrérie Bā ʿAlwiyya, de Ḥaḍrmawt, considérés comme résumant la pensée de l'imam al-Ġazālī, dont le fameux Iḥyā qui était interdit ou presque à la lecture dans les cercles des étudiants ouverts à tous, aux Comores. Mais pas seulement, d'ailleurs. Il s'agissait essentiellement de Risāla l-mu 'āwana, Al-da'wa attāmma, Al-nasā'ih al-diniyya.
- Al-ẖikam lʿaṭāʾiyya, d'Ibn ʿAṭāʾ al-Sakandarī.
- Hidāyat l-ʾaḏkiya ilā ṭarīq l-ʾawliyā, d'al-Malībārī, le grand-père.
- Madāriju l-‘ulā, commentaire d’un célèbre poème de l’imam al-Husayn, intitulé Tabāraka dhū l-‘ulā. C’est l’œuvre d’un des maîtres de notre mufti, Cheikh Hasan al-Shīrāzī, qui est venu l’enseigner, aux Comores, en même temps à son disciple et à ses élèves - comme me l’a rapporté mon père.
- Fath l-rahīm l-Rahmān de l’imam al-Qannāwī, commentaire du célèbre poème d’Ibn al-Wirdī, Nasīhat al -´ikhwān.
Dogme :
Le dogme des savants comoriens traditionnels est indiscutablement le dogme Asharite. Les livres enseignés étaient principalement la Ǧawharat al-tawḥīd et la sanūsiyya. Le dogme était, en revanche, aussi abordé, comme on l'a vu, dans des livres de fiqh mais traitant d'un peu de tout. Pour les plus jeunes, comme nous autres, il y avait en plus Hadiyyat l-'iẖwān, commentaire de ʿAqīdat l-ʾīmān, d'al-Ḥabīb 'Umar.
Poésie liturgique :
-Bānat Suʿād: Appelé aussi Burda, ce poème est sans doute un des plus célèbres de la littérature arabe liturgique. Son auteur, Kaʿb b. Zuhaïr, l'a cité de tēte devant le Prophète et celui-ci, content, lui a offert son manteau, d'où le nom Burda.
- Burda: Célèbre poème de l'imam al-Buṣūrī.
-Nafḥat al-warda fī manhaǧi l-burda: Inconnu, généralement, des Comoriens, ce poème est écrit sur la base de la célèbre Burda de l'imam al-Buṣūrī par le poète, historien et grammairien comorien, Abū Muhammad Burhan Mkellé.
-Ṣalat al-muḍar, (الصلاة المضرية) dont le premier vers est : Yā rabbīi swalli ‘anlā l-mukhtarī min mudhari.
- Maulid al-Barzangī.
- Simt al-durar, de l’imam ´Ali al-Habashī.
D'autres disciplines :
Les autres disciplines étaient abordées à travers celles présentées ici. C'est le cas du ʿarūḍ, la métrique, des cōtes-parts de l'héritage, farāʾiḍ, des fondements du droit, du hadith, dont des livres comme Riyādh al-Sālihin, etaient lus, etc.
Notre mufti est l'auteur de plusieurs ouvrages, notamment un livre sur Ibn Taymiyya et un autre sur son disciple Ibn al-Qayyim. Le plus paradoxal dans tout cela est que ces savants sont très contestés au sein des écoles juridiques musulmanes, notamment l'école Šafiite. Ibn Ḥaǧar l-Haytamī, célèbre savant de l'école, a, par exemple, été très critique vis-à-vis d'Ibn Taymiyya.
Un des derniers maītres de l'école, contemporain des māitres du mufti, n'est autre que Yūsuf b. Ismāʿīl al-Nabahānī, auteur entre autres de Šawāhid l-haqq fi l-ʾistiġāṯa bi sayyid l-ẖalq, dans lequel il a pris parti pour Ibn Ḥaǧar al-Haytamī, contre Ibn Taymiyya, comme al-Alūsī a pris plutōt parti pour Ibn Taymiyya. Et le fait qu'il cite autant Ibn Taymiyya dans ses oeuvres montrent combien il était indépendant dans ses prises de position et ses lectures. Il n'était pas limité à un clan. C'était un savant, au sens véritable du terme. Il marchait avec la vérité là où elle le conduisait. Peu importait pour lui, pourrait-on dire, la couleur de celui qui l'amenait.
Les savants ainsi formés, il n'en existe plus, aujourd'hui aux Comores, ou presque. Leur disparition est une perte, dont le pays risque de payer très cher le prix. Le contexte comorien matrilinéaire, voire quelque peu matriarcal, est des plus particuliers. Il a su se marier avec les pratiques religieuses. Cette coexistence doit ētre sauvegardée, sous peine d'avoir, et/ou de voir surgir, des troubles d'ordre religieux des plus violents.
Comoriennement vôtre.
Mohamed Bajrafil
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