La pénurie de riz ordinaire qui sévit aux Comores amène aujourd’hui beaucoup de Comoriens à rem.Privatisation des sociétés d’Etat ? Attention danger !
Privatisation des sociétés d’Etat ? Attention danger !
La pénurie de riz ordinaire qui sévit aux Comores amène aujourd’hui beaucoup de Comoriens à remettre en cause le principe même de l’attribution à une société d’Etat du monopole d’importation et de commercialisation de ce principal produit de consommation des Comoriens. Pour rappel, le législateur a créé l’ONICOR au début des années 80 pour garantir la régularité de l’approvisionnement et la commercialisation de l’aliment de base des Comoriens à un prix abordable pour toutes les couches de la population.
Les images de bousculades et de femmes enceintes qui font un malaise en cherchant à se procurer le précieux produit et les incessantes modifications du calendrier d’arrivée des bateaux tant attendus dans les ports comoriens renforcent les arguments de ceux qui réclament la dissolution de l’ONICOR et la privatisation de ses activités. Ce serait ainsi la sanction méritée de l’échec du service public. Et si c’était l’objectif recherché par le colonel Azali ?
Des investissements hasardeux, des marchés colossaux négociés de gré à gré avec, semble-t-il, à la clé des surfacturations, des établissements publics qui croulent sous le poids des dépenses somptuaires imposées par le colonel Azali et son clan, des emplois fictifs massifs, parfois une complaisance des pouvoirs publics en faveur d’entreprises privées qui opèrent dans le même secteur que des sociétés d’Etat. Il s’agit là de la mise en œuvre à bas bruit d’une stratégie délibérée de fragilisation des entreprises publiques. Les objectifs poursuivis sont : discréditer le principe même de service public et pousser le consommateur citoyen à réclamer sinon à avaliser la privatisation des activités pour espérer une meilleure satisfaction de ses besoins.
Il est illusoire de penser que la libéralisation de l’importation du riz ordinaire se traduirait par le libre accès à ce marché de tout Comorien désireux d’investir et par une baisse du prix de vente de ce produit au consommateur final. La liquidation de l’ONICOR serait un ballon d’essai avant de céder dans la plus grande opacité la Société Comorienne des Hydrocarbures et Comores Télécom, pour ne citer que ces 2 sociétés d’Etat, au clan du colonel Assoumani avec la complicité d’hommes de paille comoriens et étrangers.
« La main invisible du marché » se chargerait dans ces entreprises devenues privées de fixer par exemple le prix du kilogramme de riz ordinaire à 750 francs comoriens, d’augmenter encore et encore les prix des produits pétroliers et de licencier des centaines de salariés pour maximiser les profits. Qui pourrait s’opposer à de telles pratiques dans un pays où les associations de consommateurs ne pèsent pas lourd, où les syndicats de salariés sont tombés en léthargie et qui est, au surplus, dirigé d’une main de fer par un affairiste compromis dans un conflit d’intérêts ? Le pouvoir pourra se dédouaner de toute responsabilité dans la fixation des prix et dans ces licenciements massifs en invoquant le droit pour les patrons de gérer sans aucune entrave leurs entreprises au nom du principe de la liberté d’entreprendre dans sa conception la plus libérale.
La privatisation de pans entiers de l’économie comorienne que certains appellent de leurs vœux ne ferait, du moins à court terme, que provoquer une explosion des prix, accroître le chômage et accentuer la pauvreté. Une nouvelle classe d’oligarques liée au clan Azali émergerait de cette libéralisation sauvage et ramasserait la mise aux dépens de la majorité des Comoriens, notamment des plus fragiles d’entre eux.
Abdourahamane Cheikh Ali
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