En 2016, le président Azali hérite d’un pays géré dans la citoyenneté économique (attribution...Aux nouvelles générations, sachez que tout s'explique
AUX NOUVELLES GENERATIONS SACHEZ QUE TOUT S’EXPLIQUE
A. CE PASSE SI TRAGIQUE, SI CORIACE
Une antériorité historique postindépendance gâchée par des excès d’amateurisme
dans l’accession au pouvoir, dans la possession du pouvoir par la médiocrité.
Un présent d’absence inquiétante de pluralisme politique actif sans
restrictions, de trop de fractures, d’incertitudes, de trop de pouvoir
autocratique. Mais une certitude : le pluralisme politique, la solidarité,
l’attachement à des valeurs d’intérêt collectif, bref tout ce qui caractérise
un pays, un état démocratiques n’est atteint que par l’exercice d’une
politique du pluralisme idéologique qui s’attelle à faire naître et consolider
des comportements de civisme, notamment du respect du bien commun.
Et aucun présent n’est compréhensible sans un rappel du passé qui lui a
transmis soit l’héritage de sa propre réalité soit, au contraire, la mutation
intervenue par la détermination et l’intelligence de celles et ceux qui
aspirent à faire avancer leur pays. Et nous, ou plutôt vous, nouvelles
générations, vous héritez de la réalité figée d’un passé qui ignore les
exigences de la rationalité, et qui se complait dans des déterminismes
inébranlables. Le drame, c’est qu’aucune initiative, comme dans le passé,
n’est engagée ni contre les comportements délétères ni pour une prise de
conscience inclusive de nos enjeux. Mais un seul discours : le développement
économique qui, répétons le, creuse les inégalités dans les sociétés comme la
nôtre dont seule une faible minorité est suffisamment avertie pour y être à
l’aise.
B. VOLONTE NEOCOLONIALISTE DU SENAT, NAÏVETE DE L’OPPOSITION COMORIENNE A PARIS, COLERE INAPPROPRIEE D’ABDALLAH, INDEPENDANCE ABÎMEE
L’Opposition incarnée par Ali Soilihi(Mranda), Abass Djoussouf et Turqui Saïd
Bacar ( dissidents du RDPC (Rassemblement démocratique pour le peuple
comorien), jugèrent Ahmed Abdallah incapable de répondre efficacement aux
complexes problématiques d’un pays indépendant, et qu’il devait partir,
solution qui pouvait permettre, selon les parlementaires mahorais(oh, la
traitrise !), la préservation de l’intégrité territoriale. L’idée d’une
Assemblée constituante, favorable à certains parlementaires français et à
l’opposition comorienne fut rejetée par Abdallah qui y voyait une manœuvre
pour l’isoler. Et constatant l’impuissance de Giscard malgré sa volonté à
garantir l’intégrité territoriale des Comores, presque abandonné par un
parlement au sein duquel il pensait avoir des soutiens, mais assuré de
l’adhésion populaire des mouvements indépendantistes comoriens et africains,
pris de colère, Ahmed Abdallah proclama, de façon précipitée, l’Indépendance
unilatérale.
La conviction du président Abdallah et de ses soutiens était qu’en moins de
trois mois l’ONU allait faire rétrocéder Mayotte en vertu du droit
international qui, malheureusement, ne résista pas au véto français maintes
fois brandi au Conseil de sécurité et à cet inique (lorsqu’il est injustement
utilisé) « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes », attribué à des mahorais
pourtant historiquement et sans ambiguïté faisant partie du peuple comorien.
Une Indépendance mal négociée. Des acteurs politiques comoriens opposés là où
la solidarité sans faille s’imposait. Une détermination d’écarter Abdallah
responsable de la manipulation du clan Ali Soilihi par des parlementaires
mahorais sans scrupules. Une énorme interrogation autour du coup
d’état réussi d’ALI Soilihi : aurait-il suivi la voie révolutionnaire si les
députés mahorais avaient tenu leur promesse d’une indépendance unitaire sans
Ahmed Abdallah, lequel fut écarté après le coup d’état ? La voie
révolutionnaire ne pouvait-elle donc être que le fruit de la colère
consécutive à la trahison et des parlementaires mahorais et de la France
elle-même, qui aurait encouragé à écarter Abdallah pour créer ainsi un espace
et un climat favorables à l’unité de l’Archipel et à une étroite coopération
dans l’amitié? Des interrogations auxquelles nous ne pouvons objectivement
répondre tout en sachant qu’elles renferment le ferment d’une partie de notre
tragique, l’autre incombant à nos propres irresponsabilités et incompétences.
C. ABSENCE DE PRISE DE CONSCIENCE DES ENJEUX, DECONSTRUCTION, SEPARATISME, COUP D’ETAT
Ce sont les gouvernances des pages d’histoire qui ont suivi la parenthèse
révolutionnaire d’éveil et de prise de conscience des impératifs de
développement socioéconomique de l’ensemble du pays qui portent la
responsabilité de notre état des lieux désastreux.
Certes la présence de mercenaires durant onze ans, l’appréhension stérilisante
de cette présence, les peurs et les tourments psychologiques consécutifs aux
éliminations physiques et à l’exil forcé de nos présidents, ajoutés au dur et
long séparatisme d’Anjouan, peuvent plaider en faveur de l’inacceptable
gestion de notre pays. Mais cette gestion ne repose pas exclusivement sur
l’option de choix de nature socioéconomique, secteur dont la mise en valeur
induit l’engagement de moyens financiers importants que les Comores ne peuvent
seules assumer.
En raison de nos contraintes financières structurelles, au lieu de l’attente
du providentiel, il eut été aisé, pour nos gouvernants successifs, d’orienter
leurs choix de développement dans l’apprentissage et la consolidation de tout
ce qui assoit un état : des fondements institutionnels dignes de la viabilité
d’un état insulaire, des droits et des devoirs inhérents à l’esprit des
référents constitutionnels, la sacralité du bien commun, bref tout ce qui lie
l’individu à son pays, à l’état, tout en lui faisant prendre conscience de son
rôle de citoyen. Une initiation de longue haleine qui aurait peut-être
progressivement agi positivement sur les consciences, et les exemplarités
aidant, contribué à alléger la doxa socioculturelle villageoise dont le poids
du conformisme conditionne l’uniformisation des comportements et détourne des
enjeux nationaux.
Nous ne doutons pas du climat d’incertitudes propice à l’inaction instauré par
les handicaps ci- dessus indiqués. Toutefois, il est intolérable pour des
responsables de l’avenir d’un pays sous- développé, dont les habitants ne
nourrissent d’intérêt que pour leurs villages, confondent les biens personnels
avec les biens publics, considèrent pour une partie d’entre eux, quand cela
les avantage, leurs compatriotes des autres îles comme des étrangers -, de ne
pas comprendre que le développement socioéconomique sans le préalable ou tout
au moins la concomitance avec l’éveil et la prise de conscience des valeurs
démocratiques de construction et de fonctionnement d’un état n’est autre que
de la déconstruction.
Car dans un pays sous-développé où le déficit du démocratique est profond, le
développement économique est principalement source de creusement des
inégalités : les comportements déviants augmentent avec l’attrait des
nouvelles richesses qui accentuent les actes de soumission par la corruption,
la cooptation là où s’impose le contrôle des compétences, le népotisme et le
favoritisme.
Aucune présidence ne peut se prévaloir d’avoir construit mais non déconstruit.
Le désenclavement de certains milieux ruraux, l’audace(en raison des
circonstances de son élection) de se passer des
ténors de l’Ouzima(coalition Vert/Blanc) dans son gouvernement au bénéfice
d’éléments peu connus, restent des décisions, disons des choix, de rupture
pour Djohar. Même le pluralisme politique qui a suivi n’autorise à parler
d’une construction en raison du délitement des comportements politiques,
enclins à une forte corruption et à un laxisme facteur d’illisibilité de la
gouvernance elle-même. Tout s’aggrave avec le dur et inquiétant séparatisme
d’Anjouan, inflexible dans la détermination d’imiter Mayotte, en tout cas de
se détacher institutionnellement des autres îles. Notre structurelle crise
financière s’intensifie dans la courte et triste présidence de TAKI, qui meurt
« empoisonné ? » quelques heures après son retour d’une quête à l’extérieur
pour faire face à l’affaissement du pays. La crise séparatiste s’aggrave, la
confusion gagne Moroni, un coup d’état militaire autochtone prend le pouvoir
après une insignifiante transition. L’état du pays est calamiteux. Soutenus
par les extrêmes droite de tous bords, les séparatistes contrôlent si bien
Anjouan qu’ils se croient proches de leur victoire. Mais, sous l’impulsion de
l’Union africaine, l’ex- puissance coloniale, qui nous a déjà soustrait
Mayotte, semble mal à l’aise de céder au séparatisme, à son extrême droite et
à une certaine administration toujours nostalgique de l’empire colonial.
D. PRESIDENCES TOURNANTES CORRUPTIVES, COLONISATION INTERNE ININTERROMPUE, AUTONOMIE DES ÎLES FOULEE AU PIED, GABEGIE A VOLONTE
Mohamed Bacar accepte les conclusions du nouveau paradigme institutionnel de
Fomboni, signées par Saïd Abeid en 2001, qui font de lui comme des autres
gouverneurs, des présidents des îles, devenues autonomes, avec une présidence
de l’état institutionnellement tournante durant quatre ans, et un vice
président pour les îles ne détenant pas la présidence tournante : telle est
l’œuvre des représentants des organisations internationales, aux côtés de
[next] l’homme fort des Comores, issu du coup d’état militaire, Azali
Asoumani.
La longue période des Présidences tournantes commence avec Ngazidja et Azali.
Une présidence tournante institutionnellement créée pour un équilibre
politique susceptible de faire disparaître les ressentiments et les pulsions
séparatistes que seul, croit-on, un partage alternatif de la présidence de
l’état ferait disparaître. En toute logique, la présidence tournante en a la
vertu en faisant disparaître les frustrations génératrices de comportements
séparatistes.
Malheureusement elle surmultiplie les comportements délétères, la corruption
en tête, principalement chez les iliens à qui elle échoit, lesquels, sans
aucun critère souvent de compétence, obtiennent les postes les plus
avantageux. Sans garde-fous juridiques qui la protégeraient des actes qui
nuisent gravement au développement du pays, la Tournante nous est
préjudiciable car même la stabilité espérée reste fragile en raison de
nouvelles injustices produites, notamment cet insidieux nouvel état d’esprit
de « rendre la pareille » dans les tournantes à venir.
Même élevé au rang de président d’Anjouan, Mohamed Bacar joue subtilement la
carte séparatiste et n’est solidaire du pouvoir central que lorsque cela
l’arrange. Les priorités, celles que nous considérons comme telles et que nous
répétons à souhait : la prise de conscience de nos réalités, l’intériorisation
du concept d’état, de notre appartenance à un pays insulaire de quatre îles
(Mayotte incluse), donc à un même peuple, la sacralité du bien commun, la
primauté de l’entité nationale sur l’espace villageois et ses contraintes
socioculturelles surannées, toutes demeurent des exigences
incontournables.
Une Université naît, mais sans attributs d’adaptation aux besoins de notre
contexte. Aucune orientation n’est attribuée ni aux bacheliers qui y entrent
ni à ceux qui vont étudier ailleurs. Le pays, qui a besoin de cadres moyens,
techniques dans leur plus grand nombre, susceptibles de servir comme
formateurs dans les secteurs où leur formation l’exige, se retrouve en
quelques années avec un pléthore de diplômés exclusivement plus ou moins aptes
à exercer dans l’administration, dans la justice, exactement là où la
corruption est endémique, là où le tragique est enraciné et contamine les
rares espaces épargnés. Ne le cachons pas, la vérité, même si elle n’est
jamais partagée par tous,
doit être sue ; elle est alors source de débat(s) : ces trois présidences
tournantes, à l’image des précédentes gouvernances (exceptée la parenthèse
révolutionnaire), ont eu des gestions de colonisation interne, des gestions
qui ignorent la mise en valeur cohérente et ordonnée du potentiel endogène,
une mise en valeur adaptée à nos possibilités. Mais, surtout, comme le faisait
la colonisation dans la mise à l’écart de toute initiative favorisant a priori
une prise de conscience des difficultés rencontrées et /ou des enjeux à
envisager, nos gouvernants, comme nous l’avons déjà dénoncé, prospèrent dans
le déni de la politique d’éveil, d’ouverture sur toutes les réalités riches en
modèles d’activation de la nécessité de se défaire des archaïsmes hérités pour
une vie organisée dans le travail, facteur de promotion sociale de l’individu
et de la société elle- même.
E. AZALI 2, DESILLUSIONS DEMOCRATIQUES AMERES, AVENIR TOUJOURS ASSOMBRI
En 2016, le président Azali hérite d’un pays géré dans la citoyenneté
économique (attribution de la nationalité comorienne à des riches apatrides
des émirats, moyennant des devises, des centaines de milliards de francs
comoriens, avance-t-on), en vue du développement économique. Des sommes
colossales auraient été ainsi obtenues, nous apprend-on, mais du
développement, rien ! On ne nous le dit pas, on le constate, consterné(s).
Un référendum concluant les Assises écarte institutionnellement la Tournante
de 2001 et une réélection présidentielle anticipée prolonge, trois ans après
son élection, le mandat du président en place jusqu’en 2024. Accompagnés de
l’ambition d’une émergence en 2030, ces changements institutionnels provoquent
une levée de boucliers dans l’Opposition qui crie au « vol caractérisé » en
condamnant fermement « des multiples pratiques frauduleuses » qui auraient
permis cette réélection. 2021- 2024, deux dates, deux termes au centre de deux
postures inconciliables ?
Une émergence en 2030 ! Etonnante ambition sincèrement quand on s’aperçoit
qu’aucune lutte n’est organisée contre les pratiques mafieuses structurelles
qui minent le pays depuis des décennies et qu’une énorme opposition interne et
extérieure, certes sans colonne vertébrale idéologique ni leader incontesté,
maintient une pression contestataire si élevée que même un rassemblement
insignifiant, une simple critique à connotation politique, une communication
téléphonique à un adversaire politique…, deviennent pour les gouvernants des
prétextes pour une arrestation, un interrogatoire à la gendarmerie, voire un
emprisonnement ! Des mesures arbitraires très impopulaires, source d’une
chronicité de l’anomie, et qui détruisent, au regard de l’opinion publique,
les efforts mis dans l’amélioration des infrastructures routières. Une
inconsciente autodestruction, car on ne peut ainsi raisonnablement s’attendre
qu’au désordre, à la détestation, à des réactions répressives, à l’instabilité
permanente, à tout ce qui se dresse en obstacle au développement et à cette
stabilité pourtant si prônée par le Pouvoir en place.
Nous ne comprenons pas pourquoi jusqu’à présent l’Opposition s’entête à
réclamer la démission d’un président réélu depuis si longtemps, réélection
certes très contestée, et à croire en l’Union africaine pour y parvenir. Une
Union africaine qui ne se manifeste qu’en cas de coup d’état avéré, avec un
chef d’état en exercice déchu de ses fonctions ou lorsque dans un pays membre
un pouvoir contesté sème la terreur par des scènes de tuerie massive de ses
adversaires. Il est d’ailleurs malheureusement rarissime que les intentions de
l’UA aboutissent.
Aujourd’hui, pour l’intérêt supérieur du pays, si des personnes sont en prison
pour leurs idées, elles doivent être libérées, et faciliter ainsi la
convergence nationale dans la liberté du débat démocratique, dans celle de se
réunir et de s’opposer à ce que l’on considère incompatible avec les valeurs
que l’on défend. Car il serait inquiétant de penser que tous ceux qui
aujourd’hui ou demain voudraient faire de la politique aux Comores devraient
s’entendre. Ce serait très grave, le parti unique en somme, l’absence
d’opposition, le pire ! Seul le pluralisme politique, dans le respect des
valeurs démocratiques, avec la régularité d’une alternance
constitutionnellement établie, assurerait notre stabilité tout en permettant à
toutes les tendances d’exprimer, dans la dialectique démocratique, leurs
divergences et d’œuvrer pour parvenir à l’exercice du pouvoir par la
pertinence de leurs propositions. Nous aimerions voir naître un climat
national de
la tolérance : une ère de convergence des visions qui se rapprochent et de
tolérance pour celles qui ont des appréciations opposées, en d’autres termes
l’établissement d’une vraie démocratie, celle du débat qui élève la maturité
du citoyen. Et non le Pouvoir pour le Pouvoir – qui a animé et anime (en
dehors de la parenthèse révolutionnaire) nos dirigeants politiques, et qui
génère l’intolérance, faisant du pays le grand perdant.
Ali Mlamali, enseignant à la retraite
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