Coupe d'Afrique des Nations : Benjaloud Youssouf en sort grandi
Benjaloud Youssouf, le défenseur de la Berrichonne de Châteauroux, est revenu du Cameroun avec des souvenirs par milliers. Dont le fameux match des Comores face au pays hôte en 8e de finale.
Il y a de la fierté dans la voix de Benjaloud Youssouf : « On a donné une belle image de notre équipe, on a parlé partout des Comores, alors que beaucoup de gens ne savaient même pas où se situait le pays. » Pour sa première participation à la Coupe d’Afrique des Nations, la sélection des Comores a fait très fort.
Son huitième de finale du lundi 24 janvier, face au Cameroun, a tourné en boucle sur tous les écrans de la planète. Avec l’ancien défenseur castelroussin Chaker Alhadhur comme gardien de but improvisé (lire ci-dessous), les Comoriens, qui ont subi en plus l’expulsion d’un des leurs (Abdou) dès la 7e minute, ont tenu tête au pays hôte qui ne s’est imposé que péniblement (2-1) à l’issue d’un match rocambolesque. « On s’est senti lésés, affirme aujourd’hui Benjaloud Youssouf, de retour dans son club de la Berrichonne de Châteauroux. La veille de la rencontre, on s’était déjà posé la question de savoir si on allait accepter ou pas de jouer ce match. »
Le nouveau protocole sanitaire dégainé par les organisateurs alors que les premiers huitièmes de finale avaient déjà débuté a fait bouillir les Comoriens : « Même avec un test négatif, les joueurs ayant eu le Covid devaient rester isolés cinq jours. Sauf pour la Tunisie qui a eu droit à une dérogation… » Avec ces nouvelles règles, les Comores ont été privés de douze éléments, dont leurs deux gardiens de but, le troisième (Ben Boina) s’étant blessé lors du match de poule contre le Ghana.
« On a décidé d’aller jouer malgré cette injustice. » Contraints de se changer dans leur car en raison des embouteillages (« l’escorte qui devait dégager la route n’a pas fait correctement son travail »), les Comoriens auraient pu sombrer devant autant de circonstances défavorables. Au contraire, ils ont fait bloc. « Après le carton rouge, on a un moment pensé quitter le terrain. On se disait entre nous “ donnez match gagné au Cameroun, ça ira plus vite ”. Mais on a relevé la tête et on a fait front. Même à 0-2 pour le Cameroun, on a continué à y croire, on est revenu à 1-2 et on s’est créé d’autres énormes occasions. »
Mis en difficulté sur un coup franc flottant de Youssouf, le gardien de but camerounais et de l’Ajax Amsterdam, André Onana, a multiplié les arrêts pour permettre aux Lions indomptables de ne pas être mis en cage par les « petits » Comoriens. À l’issue de la rencontre, « on était cuits et un peu énervés, raconte Youssouf, mais on a vu la réaction des spectateurs qui nous ont applaudis et après le nombre incroyable de messages de sympathie qu’on a tous reçu. J’en ai eu de Russie, d’Algérie, de partout, beaucoup venaient de gens que je ne connais pas, c’était un truc de fou ». Un retentissement encore plus important que si les Comores avaient sorti le Cameroun.
« On s’est sentis lésés »
Ce petit archipel volcanique situé au nord-ouest de Madagascar, pas très loin de Mayotte, n’est pas arrivé à ce stade de la compétition par hasard. Youssouf, titulaire pendant l’intégralité des matchs des Comoriens, retrace le parcours : « Après un stage de dix jours en Arabie Saoudite, et un match amical perdu contre le Malawi (1-2), on est arrivés au Cameroun cinq jours avant notre premier match, le temps de s’adapter à la chaleur et à l’humidité qui régnaient là-bas.
Malgré notre domination, on perd contre le Gabon, qui ne se crée qu’une demi-occase mais qui gagne (0-1), puis contre le Maroc un peu au-dessus de nous (0-2). On s’est dit alors qu’on ne pouvait pas quitter la compétition sans marquer un seul but et on donne tout contre le Ghana. On mène 2-0, ils reviennent à 2-2, c’est moi qui lâche le marquage sur l’égalisation.
Je me rattrape avec une passe décisive pour le troisième but. » Troisièmes de leur poule, les Comoriens doivent attendre les résultats des autres groupes pour valider leur qualification : « C’est grâce à la défaite de l’Algérie contre la Côte-d’Ivoire et au penalty raté par la Sierra Leone qu’on est passés. Un sacré moment de joie, car on a pu voir ces matchs ensemble, pour une fois, alors que d’habitude on était souvent seul à cause du virus. » Une qualification miraculeuse avant un huitième qui le fut tout autant, Benjaloud Youssouf n’est pas près d’oublier son extraordinaire aventure.
Jean-Marc LE RUYET
Journaliste, rédaction des sports, Châteauroux
©lanouvellerepublique
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