Maître Maciste : le karaté coule dans son sang. Né à Ndruani Bambao il y a environ 67 ans, Hamada M’madi Djaé connu sous le surnom de Maciste est une
Maître Maciste : le karaté coule dans son sang
Né à Ndruani Bambao il y a environ 67 ans, Hamada M’madi Djaé connu sous le surnom de Maciste est une légende dans le monde du sport national notamment le karaté. En 1969, il avait 15 ans. Sa famille décide de l’envoyer à Madagascar pour apprendre un métier, puis faire sa vie comme les autres jeunes de sa génération.
Pendant cette période coloniale, Madagascar était l’eldorado pour plusieurs familles comoriennes. C’est son oncle maternel Hassane Ahmed Soilihi, un commis de l’État qui a fait ses papiers lui permettant de prendre le bateau à destination de la grande ville du nord de Madagascar, Majunga. Après trois mois passés à Majunga, il se dirigea vers le sud du pays et atterrit dans la ville de Tulear.
Une fois sa carte de résidant expirée, il prend la route pour monter à la capitale Tananarive pour la renouveler. Mais, arrivé à Fianarantsoa, après un contrôle d’identité, il a été jeté en prison pour séjour irrégulier. Il passa la nuit en cellule jusqu’au lendemain. Le matin, il retrouve la liberté puis se rend à Tananarive où il pose son sac dans un quartier très branché, Isotry où plusieurs familles comoriennes y vivent depuis des longues décennies.
A peine sorti de son adolescence, Hamada M’madi avec ses copains du quartier se rendaient au cinéma Ritz et vite il se rend compte de la violence de la ville. Vite il se met à pratiquer du sport, l’haltérophilie dans un premier temps. C’est son meilleur ami malgache David qui lui conseille de s’inscrire dans son dojo pour la première fois. «Il a constaté que j’avais une force physique hors norme mais il me manquait les bonnes techniques pour mieux me défendre en cas de conflit», me confie Maciste.
Tout le monde lui appelait Maciste avant de s’inscrire au dojo. «C’est à l’image de l’acteur de cinéma Maciste que mes amis m’ont donné ce surnom». Toujours prêt à défendre ses compatriotes qui étaient tout le temps agressés par les ivrognes et les bandits à Tananarive où la violence urbaine avait atteint une proportion très inquiétante. Après le coucher du soleil, les tananariviens se terraient chez eux pour se mettre à l’abri.
Après les conseils de son copain malgache David, Maciste s’inscrit au dojo situé au quartier Antazombato en 1975. Puis au dojo Akanin situé au quartier Tsaralalana derrière l’actuel hôtel Anjary. Son premier maître était le japonnais Shumitsu. Quelques années après, maître Shumitsu rentre au Japon. Il continua son apprentissage auprès de trois autres maîtres: Paul, Hugues et Roger. En 1977, il passa la grade de ceinture marron et en 1986 il obtient sa ceinture noire. En 1990, il passa l’examen pour sa ceinture noire 2è dan.
Pendant ses années d’apprentissage, Maciste exerçait comme agent de sécurité et videur dans des boites de nuits. En dehors du Karaté, il avait fondé une famille avec une malgache et a eu avec elle six enfants. Aujourd’hui son fils aîné a un doctorat. Il enseigne à l’Université des Comores et son deuxième est diplômé d’une maîtrise d’histoire. «Mes enfants sont mes plus grands cadeaux divins», se réjouit-il.
1991: Le grand tournant
Les soirées tananariviennes sont très bien branchées et électriques. Maciste se trouvait par hasard sur le quartier Tsaralanana quand il a vu un groupe de jeunes descendait d’un taxi et à leur tête le chef de la sécurité présidentielle du non de Désiré connu aussi sous le surnom de Mena. Ce groupe s’amusait à tabasser un vieux monsieur d’origine comorienne qui vendait des brochettes à côté de la boite de nuit la plus branchée de Tana, Indra. Choqué, Maciste essaya de stopper ce champion malgache de Karaté mais celui-ci tourna sa colère contre lui.
«Mena a voulu me déshonorer publiquement voire me tuer», m’a confié maître Maciste. Après un court combat, Maciste lui met k.o. Après ce combat héroïque, toute Tananarive parlait de Maciste enfin considéré comme un héros. Choqué et humilié, Désiré décida alors de se venger non pas par le combat mais par les armes. Des mois durant, Maciste vivait en cavale jusqu’au jour où sa famille lui paya le billet d’avion pour rentrer définitivement au pays sain et sauf en 1991.
Il est rentré au bercail avant de recevoir son grade de ceinture noire 2è dan pourtant il l’avais bien validée avec brio. Une fois à Ndrouani, il ouvre son propre dojo, le Budo Wadokan. Il avait une trentaine d’apprentis venus des quatre coins du pays. Parmi ses trentaines d’apprentis, il y avait deux jeunes filles de Ndrouani à savoir Mlle Charifa et Mlle Zalhata(Zed). L’actuel maire de Bambao sud Ismaël Mohamed était-là aussi comme élève apprenti. Pendant une quinzaine d’années, maître Maciste a formé une centaine des jeunes depuis son village natal Ndrouani et à Moroni. Il a travaillé comme agent de sécurité à l’hôtel Galawa, puis instructeur au camp militaire d’Escadron de Mdé.
En 1998, lors des jeux des îles de l’Océan Indien tenus sur l’île de la Réunion, il était coach de la sélection nationale de Karaté. «Ces jeux m’ont ouvert d’autres horizons, d’autres opportunités». Mais comme au pays la culture et le sport ne font pas vivre ses adeptes, il décide de se rendre à Mayotte en 2009 où il passe trois petites années. A Mayotte il dispense des cours de karaté dans un dojo et fait découvrir le Wador you un style méconnu par beaucoup de pratiquants de l’île.
Contrairement au Taekwondo un style basé aux coups de pieds, le Wador you s’illustre davantage sur les techniques manuelles et surtout sur la rapidité. Le Wador you est un mélange du Shotokan et d’Aïkido. A Mayotte, maître Maciste valide son grave de 5è dan. Il formait des militaires français aux combats rapprochés ou corps à corps à la base militaire (GCMA). Mais n’ayant pas un titre de séjour lui permettant de travailler légalement, il décide de retourner aux Comores et vivre sa vie sans pression ni crainte des contrôles d’identité des CRS.
Malgré la fatigue causée par le poids de l’âge, maître Maciste a financé la construction en dur son propre dojo à Ndrouani mais peu de jeunes s’intéressent au Karaté. Seule une dizaine de jeunes fréquente son dojo. Ce qui est dommage vue la violence et les assassinats que connaît le pays ces derniers temps. «Il est temps que les parents comprennent que les arts martiaux aident à l’épanouissement moral et physique des jeunes enfants.» Comme disait le prophète Mahomet, je cite: «un musulman qui sait se défendre est bien aimé par Dieu qu’un musulman fainéant». J’appelle donc aux jeunes de tout le pays d’aller apprendre le Karaté car cet art est avant tout un art de vie avant d’être un art de combat car«l’esprit sain est dans un corps sain».
Soilihi Ahamada Mlatamou
France, le 02/10/2021
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