Le nord du Mozambique est en proie à des violences liées à des attaques djihadistes depuis plusieurs jours. Des milliers de civils sont piég...
Le nord du Mozambique est en proie à des violences liées à des attaques djihadistes depuis plusieurs jours. Des milliers de civils sont piégés ou en fuite.
Des groupes armés djihadistes proches de Daech terrorisent depuis maintenant trois ans le nord du Mozambique, frontalier de la Tanzanie. Les attaques se multiplient depuis un an dans cette zone côtière (Océan Indien), située non loin des Comores.
Depuis août 2020, les terroristes d'Al-Shabab contrôlent le port stratégique de Mocimboa da Praia, crucial pour l'arrivée du matériel nécessaire aux installations gazières et qui n'a jamais été repris par les militaires mozambicains en dépit de plusieurs tentatives. Mercredi, ils ont pris possession de la ville de Palma, située à seulement dix kilomètres du mégaprojet gazier piloté par le groupe français Total. Au prix de nouveaux affrontements meurtriers.
Les faits
La province musulmane de Cabo Delgago, riche en gaz naturel, est confrontée à une violente guérilla depuis plus de trois ans. Palma, où des milliers de personnes fuyant ces violences dans leurs villages se sont réfugiées, compte actuellement 75 000 habitants.
Mercredi après-midi, les groupes armés djihadistes de la région, qui s'étaient montrés plus discrets ces derniers mois, ont lancé une attaque d'envergure contre la ville, le jour même où le géant français annonçait la reprise des travaux du site d'exploitation gazière, censé être opérationnel en 2024. Selon plusieurs experts, vu l'ampleur de l'attaque et sa préparation minutieuse (sur trois fronts différents), il semble cependant peu probable qu'elle soit liée à l'annonce de Total le même jour.
Le bilan est encore incertain. Des dizaines de morts parmi les civils, a indiqué dimanche soir la Défense mozambicaine. "Plus de cent personnes restent portées disparues", a également affirmé le chercheur Martin Ewi, de l'Institut des études sécuritaires à Pretoria. Une dizaine de camions, chargés de civils fuyant un hôtel de Palma où ils s'étaient retranchés, ont disparu des radars depuis vendredi, faisant redouter de nombreux morts. Des banques ont aussi été pillées.
De l'autre côté, la réponse étatique est faible. Les militaires sont "faiblement équipés", commentait pour l'AFP Sergio Chichava, de l'Université Eduardo Mondlane, à Maputo, et ils s'appuient sur "des armes d'un autre âge". Washington a annoncé mi-mars l'envoi de forces spéciales américaines pour deux mois de formation. Les autorités ont fait appel à une société militaire privée sud-africaine, Dyck Advisory Group (DAG), pour appuyer les forces de sécurité mozambicaines, qui seraient aussi discrètement épaulées par des mercenaires russes, selon des observateurs.
Les conséquences
Des milliers de personnes fuient depuis désormais la ville portuaire de Palma. Des ONG et l'ONU travaillent de concert pour tenter de leur venir en aide. Ils sont arrivés par vagues, frappant à la porte du périmètre ultra-protégé de milliers d'hectares sur la péninsule d'Afungi - une "bulle sécurisée, une sorte de Fort Apache assiégé" selon un expert sécuritaire français -, pour s'y abriter. Selon une source participant aux opérations d'évacuation, il y aurait entre 6000 et 10 000 personnes réfugiées à l'intérieur du site ou demandant à l'être, une situation compliquée à gérer d'autant que les travaux de la construction du site gazier, censé être opérationnel en 2024, sont à l'arrêt depuis plusieurs mois.
Un ferry, le Sea Star 1, a quitté le site samedi avec quelque 1 400 travailleurs et habitants de Palma, vers la capitale de la province de Cabo Delgado, Pemba, qui encaisse depuis plus d'un an vague après vague de personnes déplacées, fuyant les violences djihadistes dans la province pauvre et majoritairement musulmane. Et de nombreuses pirogues et bateaux à voile traditionnels, chargés de civils, continuent à affluer à Pemba, selon la source participant aux opérations d'évacuation. Dimanche, policiers et militaires étaient sur la principale plage de Paquitequete, empêchant l'accès aux médias, selon un photographe de l'AFP sur place.
Pourquoi ça compte ?
Le conflit au Mozambique a déjà provoqué la mort d'au moins 2 600 morts, dont plus de la moitié de civils, selon l'ONG Acled. Al Shabab ("les jeunes" en arabe, différent des shebabs somaliens), qui a fait allégeance au groupe Etat islamique (Daech) en 2019, a forcé plus de 670 000 personnes à quitter leur foyer, selon l'ONU.
Fin 2020, le chercheur Éric Morier-Genoud, professeur à la Queen's university de Belfast, avait fait part à L'Express de ses craintes face à la montée en puissance de la menace islamiste dans cette région. "Au début, ils étaient seulement quelques centaines. Aujourd'hui, plutôt plusieurs milliers, peut-être 3 000 insurgés (...) Les insurgés se déplaçaient à pied, parfois sans chaussures, armés de simples machettes. Aujourd'hui, ils ont tous des armes, circulent à motos, en voitures."
Ce front est bien parti pour durer. "En règle générale, un groupe armé met trois ans à s'installer dans un endroit, et ensuite, il dure. C'est le cas au Mozambique. Il n'y aura pas de solution rapide. Il faudra des années pour résoudre ce conflit", professait le spécialiste.
Le groupe français Total, qui venait d'annoncer la reprise des travaux de construction du site censé être opérationnel en 2024, après un gel de plusieurs mois lié déjà à l'insécurité, a annoncé qu'elle n'aurait "bien sûr" pas lieu dans ce contexte.
Par LEXPRESS.fr avec AFP
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