Sonelec : L’impunité ne doit être hissée en mode de gouvernance « Nous ne pouvons pas nous permettre de ne pas apprendre de nos erreurs. Nou...
« Nous ne pouvons pas nous permettre de ne pas apprendre de nos erreurs. Nous ne pouvons nous permettre, n’ayons pas peur de nous répéter, de hisser l’impunité en mode de gouvernance. Il est possible que sous peu, le pays ait besoin d’une nouvelle centrale thermique. Auditer ce qui s’est passé avec la précédente, nous permettrait de tirer les erreurs du passé et ce faisant, rompre ce cycle désespérant de l’éternel recommencement ».
« Parfois même, on nous trompe, on prétend avoir des groupes neufs, alors que peut-être ce sont des groupes reconditionnés, mais on n’a pas pris le temps de réfléchir parce que nous voulons agir en urgence (sic) ». Ce propos est du tout nouveau directeur général de la Société Nationale de l’Electricité des Comores, Soilihi Mohamed Djounaid, tenu samedi dernier dans son bureau.
Cette phrase est révélatrice de bien des maux qui accablent la moribonde société dont il a aujourd’hui la fastidieuse charge. Elle renvoie surtout à la centrale thermique, présentée comme neuve, lancée officiellement en février 2017 dont on disait qu’elle était la solution pour sortir le pays de la pénombre.
Près de 4 ans plus tard, l’ex-secrétaire d’Etat a timidement évoqué une tromperie probable et a prudemment émis l’hypothèse selon laquelle la centrale ne serait pas neuve. Si on ne devait retenir qu’un mot, ce serait la tromperie qu’il a évoquée. Il serait suivi de celui-ci : la responsabilité. En un mot comme en mille, la question tiendrait en une courte phrase : « si tromperie il y a eue, qui en serait le(s) responsable(s) ? ».
Mais au-delà de la tromperie supposée, certains responsables de l’énergie semblent vouloir minorer le fait que 7 milliards de francs appartenant au contribuable comorien ont été investis pour une centrale thermique supposément neuve et qui aujourd’hui ne compterait que deux groupes fonctionnels sur les 10 qui la constituaient. Nous nous serions attendus à un vrai scandale car cette histoire de centrale en est un. Un scandale parce que le peuple comorien a consenti 7 milliards de ses pauvres deniers dans l’espérance qu’ils seront bien gérés et l’énergie, assurée.
Ou alors, à défaut d’une bonne gestion, qu’une enquête soit diligentée, que les responsabilités soient dégagées et les coupables sanctionnés. Mais l’on fait tout pour étouffer le scandale, pour le normaliser. A la place de la lumière, nous avons une économie qui périclite, un pays tout entier à terre dans un contexte de pandémie qui laissera des séquelles durant bien des années et des responsables, presque hilares, qui affirment « nous avons besoin d’autres groupes électrogènes ». Le peuple comorien mérite plus de respect.
Qui est responsable de la mise hors-circuit de la centrale ?
Pour Soilihi Mohamed Djounaid, si la quasi-totalité totalité de la centrale est aujourd’hui hors service, c’est pour une raison simple : « les prescriptions du constructeur n’ont pas été suivies », citant huiles, filtres ou gazoles inappropriés, ce qui aurait précipité la mise hors service de l’onéreuse centrale. Le patron de la Sonelec s’est bien gardé de désigner des coupables. Il faut préciser que « ce diagnostic » est partagé par le ministère de l’énergie.
Toujours est-il que le discours sur la fumeuse centrale était tout autre à la Sonelec avant qu’il n’y fasse son intégration. « Les groupes nous sont parvenus avec des défauts d’origine, les vilebrequins explosaient, 4 ont rendu l’âme la même année », entend-on du côté du personnel. Pourquoi ne pas avoir fait jouer la garantie de ces groupes, en ce cas ?
A la lumière des constats des uns et des autres, l’on comprend qu’il est primordial qu’un audit soit effectué. Ne serait-ce que parce que selon un communiqué conjoint de la Nouvelle Opaco et du Synaco datant de ce 18 décembre, la crise énergétique ferait perdre 700 millions de francs de Pib par jour au pays. Ne serait-ce que parce le candidat Azali et le chef de l’Etat par la suite avaient fait de la stabilité énergétique une promesse de campagne et une de ses réalisations phares. Ne serait-ce que parce que l’impunité ne peut pas être hissée en mode de gouvernance.
Le peuple comorien a besoin de savoir pourquoi ses 7 milliards semblent avoir été jetés à la mer avec autant de nonchalance. Mais surtout, un pays aussi pauvre que le nôtre ne peut se permettre de ne pas apprendre de ses erreurs. Nous ne pouvons nous permettre, n’ayons pas peur de nous répéter, de hisser l’impunité en mode de gouvernance.
Il est possible que sous peu, le pays ait besoin d’une nouvelle centrale thermique. Auditer ce qui s’est passé avec la précédente, nous permettrait de tirer les erreurs du passé et ce faisant, de rompre ce cycle désespérant de l’éternel recommencement.
Par Faïza Soulé Youssouf
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