N’en déplaise à M. Msaidié et consorts, le classement des Comores en queue de peloton des États africains - suivant leur attractivité en ter...
N’en déplaise à M. Msaidié et consorts, le classement des Comores en queue de peloton des États africains - suivant leur attractivité en termes d’investissements - est une nouvelle illustration du gouffre abyssal dans lequel le gouvernement a conduit les Comores.
Il est tout à fait naturel que les opérateurs économiques hésitent et se posent mille et une questions sur leur intérêt à investir dans un État qui ne déploie aucun effort pour se rendre compétitif sur ce terrain.
Dans un monde où la presque-totalité des pays en développement sont demandeurs de capitaux et d’investissements, la moindre des choses pour un État pauvre comme le nôtre est de réunir les conditions basiques garantissant aux investisseurs, ne serait-ce qu’un minimum de rentabilité et de sécurité à leurs biens. Certes, l’État a à son actif un code des investissements qui offre aux opérateurs économiques internationaux des avantages théoriquement alléchants en matières fiscale, douanière et foncière. Cette incitation juridique doit effectivement peser dans le processus de prise de décision du bailleur de fonds. Mais est-ce un facteur suffisant pour attirer et drainer des investissements directs étrangers (IDE) sur notre territoire ?
Pour être terre à terre, disons-nous les choses clairement. Avant de prendre sa décision d’investir, l’opérateur se pose un certain nombre de questions sur la situation et le climat politico-juridique du pays d’accueil. Il cherche d’abord à savoir si le titre du terrain sur lequel il va construire son entreprise est valide et que les ayants droit avec lesquels il va négocier l’achat de ce terrain sont les vrais propriétaires. En plus de l’insécurité juridique de la propriété foncière, il se pose aussi la question de l’incertitude quant aux délais et coûts qui doivent être engagés par l’acquéreur pour obtenir l’enregistrement de son acquisition.
Le problème est qu’en raison de sa corruptibilité, l’administration comorienne souffre d’un manque de fiabilité. Ce débat tombe donc à pic pour nous permettre d’interroger le gouvernement sur les raisons qui l’ont amené à abandonner le projet d’enregistrement des terrains bâtis et non bâtis initié par ses prédécesseurs. Je ne cache pas ma fierté d’avoir participé à l’initiation dudit projet alors que j’étais, en qualité de délégué ministériel, à la tête du département de l’urbanisme et de l’habitat.
Comme le préconisent toutes les études consacrées à l’insécurité foncière en Afrique, la solution à apporter se résume en ces termes : Il faut concevoir dans notre pays un cadastre et un plan d’aménagement du territoire afin d’y sécuriser la propriété. Mais , en attendant, il est urgent de donner à l’administration les moyens techniques et financiers qui permettront de délivrer des titres de propriété inattaquables.
L’autre souci de l’investisseur est de disposer d’une main d’œuvre qualifiée pour optimiser sa productivité. Or, depuis le régime d’Ali Soilihi nos gouvernements n’ont jamais eu l’idée d’initier une formation technique et professionnelle. Je crois que cela doit faire partie des chantiers d’Hercule à inscrire dans l’agenda des prochains gouvernements. Par ailleurs, par quelle magie pourrait être attractif un État comorien dépourvu d’infrastructures routières aux normes, et dont la capitale même est souvent paralysée par manque de courant électrique ou d’une énergie aussi basique et vitale que l’eau ? Telle est la bonne question qu’il convient de poser à notre ministre de l’économie et de l’énergie.
L’opérateur aura également besoin de banques opérationnelles pour se procurer des fonds – y compris des fonds de roulement - et faciliter ses opérations de crédit. Là encore, la situation est pour le moins alarmante car, en raison de la gestion catastrophique des finances publiques et de la politique économique à courte vue de ce gouvernement, les bailleurs de fonds fuient les Comores comme la peste. C’est notamment le cas des principaux actionnaires de la banque de développement, de la BIC et la BFC.
Aux dernières nouvelles, nous apprenons que lors de la dernière réunion du conseil d’administration de la Banque centrale, la Franca aurait agité la menace d’une renégociation des accords monétaires avec l’État comorien dans le cadre de la zone franc. Dit autrement, les Comores risquent de subir une dévaluation de leur monnaie, chose qui n’augure rien de bon en termes de déséquilibre de la balance extérieure, d’inflation, de gonflement de la dette publique, de cherté de la vie, d’accroissement de la pauvreté, et que sais-je encore ? Si à l’épée de Damoclès de la dévaluation, on ajoute encore l’épuisement des fonds de réserves statutaires de la Banque centrale, on peut prendre ainsi la mesure du chaos qui règne dans la gestion financière de l’État.
Toute alternative à la politique actuelle implique d’abord de connaître les raisons de ce gâchis, d’en tirer les leçons pour rectifier le tir et rendre les Comores attractives pour les investisseurs notamment internationaux. Par malchance, notre pays est souvent dirigé par des énergumènes ou apprentis sorciers qui n’ont ni volonté ni vision de servir l’intérêt général. Sinon, comment expliquer l’attitude paradoxale du gouvernement actuel consistant à prétendre drainer des investissements productifs d’origine étrangère tout en chamboulant l’État de droit censé les protéger et mettre les investisseurs en confiance ?
L’investisseur a besoin d’être rassuré par un climat favorable à l’investissement, c’est à dire un système juridique et un ordre judiciaire capables de protéger ses intérêts. Sinon, vers qui se tournera-t-il en cas de litige soit avec l’État, soit avec des groupes de gens quelconques ? Le problème de l’insécurité du système judiciaire est d’autant plus préoccupant qu’en plus de leur dépendance du chef de l’État, nombre de nos magistrats ont la réputation d’être corrompus. Ce manque d’intégrité explique peut-être les cas fréquents des dénis de justice et du travestissement honteux et inexcusable de nombre de décisions judiciaires rendues, y compris même en audience.
Pour quiconque se souvient du conflit qui opposa la ville d’Iconi aux investisseurs chinois autour du marché de ‘’Malousini’’ ou de l’abandon par le gouvernement Azali de la société de pêche – et ce malgré tous les investissements importants réalisés auparavant - il apparait tout à fait normal que les investisseurs étrangers se détournent des Comores, voire délocalisent leurs sites de production pour s’installer ailleurs, dans des pays plus sécurisants.
Et puis quand on sait - pour couronner le tout - que l’État comorien est devenu la risée du monde en raison de cette gouvernance de pacotille qui amène la voyoucratie à gouverner sans budget, et qui a sorti les Comores du cercle vertueux de l’IPPTE pour le plonger dans le cercle vicieux de la hausse vertigineuse de la dette publique (130 milliards), du déséquilibre de la balance extérieure (40% du PIB), de l’inflation, etc., on ne peut que s’étonner de la légèreté du tweet de M. Msaidié.
Enfin, si les investisseurs privés étrangers savaient ce que les fonctionnaires comoriens et nos partenaires au développement savent par rapport à la gabegie et la mainmise du neveu du colonel Azali - M. Idaroussi - sur les finances et les projets de développement de l’État, ils seraient encore plus choqués. N’est-ce pas lui qui aurait dit, comme le Roi Soleil (Louis XIV), à un émissaire étranger que « l’État comorien c’est moi » ? N’est-ce pas suffisant pour mesurer le degré de dévoiement de l’État et justifier la fuite des capitaux ?
Youssouf Boina
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