Il était une fois, un pays. Un pays formé d’îlots, un petit groupe de quatre petits îlots jetés au milieu du vaste océan et pris en protecti...
Il était une fois, un pays. Un pays formé d’îlots, un petit groupe de quatre petits îlots jetés au milieu du vaste océan et pris en protection par un géant continent et une toute aussi géante île. Minuscules poussières comme ils étaient, ils n’en étaient pas moins, de par leur position géographique, un carrefour et un creuset de l’Afrique et de l’Asie, fondues dans leur moule.
Ses habitants étaient comme rien et seraient restés ainsi, eux et leurs îlots, dans un incognito éternel, s’ils n’avaient eu, dans des temps immémoriaux, l’honneur de l’heureuse visite de la légendaire Reine de Saba, qui y laissa sa bague, et celle, encore plus marquante, du roi du monde, Salomon. La reine de la nuit, pour sa part, leur fit également le merveilleux don de son nom. Ainsi triplement bien servis et adulés par leur destinée, le monde apprit à apprendre leur existence.
Dans cet archipel donc, il y avait un homme, qu’il conviendrait peut-être d’écrire avec un H majuscule. Cet homme était...un Homme. Soulignons bien les choses et disons que c’était un grand homme. Il avait fait l’orient et l’Afrique, et de ces lointaines contrées, il avait appris à connaître, sur le bout des doigts, mieux que ses îlots, la Grèce et la Rome antiques, si bien qu’on le disait à la fois célèbre helléniste et brillant membre du congrès romaniste. Par ailleurs les pyramides d’Egypte n’avaient aucun secret pour lui. Naturellement aucune parcelle de la civilisation millénaire de l’empire du milieu où il a séjourné ne lui était inconnue.
On était ébahi devant l’étendue de ses connaissances sur les Pharaons, les dieux de l’Olympe, Héraclès et Périclès, Socrate et le socratisme, Epicure et l’épicurisme. Et avec cela un maniement aisé du gaulois, jonglant et surfant admirablement sur l’imparfait du subjonctif. Qu’importait alors s’il ne connaissait rien de Mbaé Trambwé, du pohori et de ces autres sous cultures de chez lui !
Quand, de ses longues pérégrinations studieuses, il revint un beau jour sur ses îlots, il officia tout d’abord dans le principal hôpital du pays. Et comme il aimait rien moins que la mise en valeur de sa propre personne, le titre de docteur (qu’il fallait prononcer doctooooor), accolé à son nom, lui seyait parfaitement et créait un effet ronflant qui emplissait les couloirs de l’établissement hospitalier. Cela rimait d’ailleurs à merveille avec son homonyme célèbre inspecteur de police du moment, à cette époque troublée et survoltée, où le ciel avait pris la place de la terre, et la terre celle du ciel.
Mais on eut tôt fait de constater que son état de médecin le gênait quelque peu dans les entournures puisqu’il n’y avait pas encore à l’époque suffisamment de matière à exercer ses talents, les grands défis pathologiques contemporains (sida, ébola, coronavirus) devant lesquels il pouvait exercer ses capacités, n’ayant pas encore été inventés par Allah. La tuberculose, le paludisme, la rougeole, bah ! Que cela ! Pouvait-il s’abaisser jusqu’à de telles bénignités. D’autres confrères pouvaient le faire et le faisaient, mais lui, pas. On ne le vit donc pas soigner un seul malade.
Il fit alors une petite et géniale pirouette et, après un passage remarqué à une prestigieuse école de l’ouest africain, glissa lentement, progressivement et furtivement de l’hôpital vers le ministère des affaires étrangères et là, il embrassa tout de suite la carrière de diplomate attitré, d’honorable ambassadeur (extraordinaire et plénipotentiaire évidemment). Autre lieu, autre titre au ronflement assourdissant ! Avec cette curiosité qu’on ne le vit jamais dans une quelconque ambassade. On soupçonna alors qu’il lorgnait sur quelque poste futur sur la lune ou sur Mars puisque bientôt les hommes allaient sûrement s’y installer. Un tel poste ne serait qu’à la mesure de la dimension exoplanétaire de l’Homme.
En attendant cette affectation chez les amis extraterrestres, il se fit, pour occuper son temps précieux et servir à quelque chose d’utile qui puisse entretenir son nom et lui créer une éblouissante visibilité, thuriféraire et encenseur officiel du régime en place. En d’autres temps, cela s’appelait griot.
Toutes les saintes semaines il taillait sa plume, aiguisait son verbe, battait le rappel de toute la verve qu’on lui connaissait pour produire au bénéfice de la gazette du pouvoir une étincelante littérature chargée d’une double fonction : caresser dans le sens du poil l’homme régnant sur les îlots, embarqué sur un aéroplane émergent, et parallèlement, fouetter l’opposition dont il prédisait régulièrement « l’écroulement » et la pure et simple disparition.
Les amis et proches de notre homme n’avaient de cesse de l’encourager à persévérer dans sa tâche de flagorneur du hobereau qui tient les îlots, et d’annonceur permanent de la mort de l’opposition. Ses amis lui rappelaient bien opportunément la morale du laboureur de Jean de La Fontaine encourageant ses enfants à creuser, fouiller, bêcher, « dès qu’on aura fait l’oût », leur montrant ainsi que « le travail est un trésor. » ils lui disaient qu’à force de multiplier dans les gazettes les colonnes laudatives pour le pouvoir et incendiaires pour l’opposition, il finirait bien un jour, pourquoi pas, par...décrocher la lune.
L’autre morale de l’histoire de notre homme est que les Comme rien attendraient encore longtemps l’émergence promise et l’ « écroulement de l’opposition ». N’est-ce pas honorable Ambassadeur Ahamada ?
Mohamed Abdou Soimadou
COMMENTAIRES