Photo d’archives : SNPSF à Moroni ©️Al-watwan LA SNPSF VA FACTURER « KFM 1000 » TOUT RETRAIT SANS CHÈQUE, UNE DÉCISION PRÉJUDICIABLE ...
Photo d’archives : SNPSF à Moroni ©️Al-watwan |
LA SNPSF VA FACTURER « KFM 1000 » TOUT RETRAIT SANS CHÈQUE, UNE DÉCISION PRÉJUDICIABLE
Je viens de lire un avis de la Société Nationale des Postes et des Services Financiers (SNPSF) des Comores informant sa clientèle qu’elle a décidé de facturer « kfm 1000 tout retrait sans chèque ». En ma qualité de client de la poste, j’ai décidé de réagir à propos de cet avis signé par le Directeur des clientèles. Comment comprendre une telle décision ?
Les opérations bancaires et financières relèvent souvent de différentes stratégies au sein desquelles existe UNE qui est toujours permanente : celle de faire le maximum de profit pour ces établissements. Cette décision de la SNPSF répond uniquement à cet objectif du profit et soulève en même temps de très nombreuses questions.
D’abord, dans le contexte local, comme dans beaucoup de sociétés en Afrique et ailleurs, l’usage du chèque aux Comores n’est pas un habituel ou courant. Dans aucun commerce ou service de la vie quotidienne, on ne peut pas utiliser un chèque. Alors pourquoi imposer un moyen de paiement quand on ne peut l’utiliser nulle part sauf à la poste ?
Je n’ai pas de chèque bancaire et du coup je ne sais pas si le chéquier est payant à la SNPSF. Mais en tout cas, il y a deux grands préjudices ou risques possibles :
- d’une, étant donné que l’essentiel des retraits d’argent au guichet doit être constitué de petits montants, vue le niveau de revenus des habitants, cela veut dire que les clients vont devoir utiliser beaucoup de chèques pour effectuer leurs retraits. Conséquence, le chèque leur coûtera très cher ;
- de deux, si le chéquier n’est pas payant, son usage exclusif ou massif pour faire des retraits au guichet entraînera des coûts exorbitants pour la SNPSF.
Il faut savoir qu’un chèque est un document qui nécessite une exploitation assez longue depuis sa production, son émission, son paiement jusqu’à son archivage sous les formes papier et électronique. Est-ce que les chèques sont fabriqués aux Comores ou à l’étranger ? Quel que soit le lieu, les chéquier engendre un coût de fabrication.
Ensuite, On peut considérer que les clients de la poste ne vont pas adopter immédiatement l’usage du chèque. Ils vont donc continuer leurs habitudes de retrait au guichet. En fonction du nombre de retraits mensuels, le coût financier sur le compte d’un enseignant ou d’un personnel administratif par exemple, pourra varier entre 1,11 % (s’il retire tout son salaire en seule fois) et 5,5% (pour 5 retraits mensuels) de son salaire ( je me suis basé sur un salaire de 90 000 kfm/mois). Une autre interrogation se pose car la décision de la SNPSF ne précise pas si ce sont seulement les retraits en guichet ou si c’est avec les retraits sur DAB (distributeurs automatiques de billets).
Enfin, c’est une stratégie commerciale risquée. Certes, aujourd’hui la quasi totalité des agents de l’Etat ont leur compte à la SNPSF où est viré leur salaire. Ce monopole constitue encore aujourd’hui une source financière non négligeable pour la SNPSF, rien qu’en prélevant kfm 1000 une fois par mois. Donc, dans l’absolu cette politique stratégie est rentable. Cependant, cette politique présente des risque dans le moyen et long terme. Je cite ici l’exemple d’une expérience que j’ai eue, avec des centaines d’autres clients, dans une banque de la place. Une des prestigieuses banques de Moroni a longtemps tenu des comptes courants pour beaucoup de clients dont un très grand nombre de travailleurs basés à l’étranger.
La majorité de ces comptes ressemblaient à des comptes de dépôt car l’argent laissé n’était utilisé fréquemment par les clients et surtout pour ces comptes il n’y avait ni carte bancaire, ni autorisation de découvert ni facilité de crédit à la consommation par exemple. Donc, la banque a pu travaillé ces dépôts d’argent pour réaliser des bénéfices ailleurs. Mais comme si cela ne suffisait pas, la banque a ensuite pris une décision unilatérale imposer des « AGIOS » (Intérêts et commissions) à des clients qui n’avaient ni crédit, ni défaut de paiement, ni autre incident bancaire.
Cette affaire a conduit à la fermeture de très nombreux comptes dans cette banque au point que certains clients, moi y compris, ont vu leur compte fermés sans même pouvoir retirer le peu d’argent qui y restait. La conséquence fut un départ massif de la clientèle qui a choisi des nouvelle banques coopératives, initiant ainsi une nouvelle forme de concurrence bancaire. Cela n’a pas tardé à mettre en difficulté cette banque juqu’à aujourd’hui.
Pour conclure, au moment où la finance évolue avec une dématérialisation de plus en plus dominante des moyens de paiement, il est essentiel de consolider, rassurer et surtout fidéliser la clientèle bancaire dans une société comorienne en retard de nouvelles technologies. Or, la décision d’imposer le retrait par chèque en guichet risque de créer une méfiance et un mécontentement pour les clients de la SNPSF. Que deviendra l’écrasante majorité de Comoriens habitués à la monnaie fiduciaire et ignorant la monnaie scripturale ? Allons-nous assister à une explosion de la fraude ou à une meilleure traçabilité des opérations bancaires avec les chèques ?
Mohamed Chanfi
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