LES NOUVELLES DE MON PAYS Chapitre 2 : l'entrée d'El Marouf Vivons nous toujours sous une dictature ? Peut-être bien. Et ...
LES NOUVELLES DE MON PAYS
Chapitre 2 : l'entrée d'El Marouf
Vivons nous toujours sous une dictature ? Peut-être bien. Et quelle dictature !!! Dans ce pays qui est tien mais où tu découvres tout, comme une étrangère, tu n'es pas encore au bout des surprises. "Dictature", "corrompu", "ne lawe"... Tels sont les propos que tu peux entendre partout, de la part de certains, entre autres expressions destinées aux autorités et dont la pudeur te contraint à ne pas rapporter dans ton récit. Oui ils disent tout cela, au nom de la "liberté d'expression" dans ce pays sous la dictature.
Mais qu'importe, là n'est pas le sujet du récit de ton voyage.
Après moults aventures sur les routes de Moroni, tu arrives donc devant l'hôpital El Marouf. Cet hôpital, te dit-on, est l'hôpital de référence du pays.
Derrière ton siège, ton bébé en état d'urgence et à ces côtés, un médecin qui lui prodigue des soins. Oui ! Tu avais amené ton bébé dans une clinique mais, la providence a voulu que tu viennes ici, parce que ton bébé a besoin de soin intensif d'urgence qui nécessite l'usage de l'équipement de cet hôpital. La providence a-t-elle voulu t'amener ici pour te livrer un message ?
À l'approche du grand portail, tu découvres une foule immense. Plus tu approches et plus les mots parviennent à tes oreilles. Il est question d'une femme enceinte qui a accouché, à même le sol devant ce grand portail fermé et gardé par des agents de sécurité.
Il t'est très difficile de te frayer un chemin au milieu de cette foule. Tu entends des cris de colère, des pleures. Le médecin qui t'accompagne descend de la voiture pour essayer de faciliter le passage : "écartez-vous s'il vous plaît ! Je suis médecin j'emmène un bébé qui a besoin de soins d'urgence. Écartez-vous !" Mais la foule ne décolère pas "vous êtes des assassins !" "Vous n'êtes pas des humains..." Sont les réponses de la foule.
Bon gré malgré, tu parviens à arriver devant le portail. Tu découvres sur le sol, une flaque d'un liquide répondu et tu comprends qu'il s'est passé quelques chose devant ce portail. Ton cœur se serre et l'incompréhension t'envahi.
Le médecin donne de grands coups au portail à l'aide de ses mains et de ses pieds "ouvrez ce portail ! Je suis médecin ! J'accompagne un bébé en détresse ! Ouvrez ce portail !"
Le portail s'ouvre doucement; tout doucement de quelques centimètres. La tête d'un homme apparaît graduellement dans l'entrebâillement du portail pour expliquer calmement au médecin qu'il ne peut pas ouvrir le portail car il a reçu l'ordre de maintenir ce portail fermé. "Qui donc vous a donné cet ordre ?" - "l'étranger qui travaille ici." Déclare-t-il avant de refermer le portail. Une femme en sanglots et dans un état presque hystérique s'approche alors de ta voiture pour hurler au médecin, comme pour expier sa peine "ils ont fermé le portail.
Ce sont les étrangers qui ont ordonné ça et nous, nous pouvons mourir. Regardez cette flaque ! C'est une femme enceinte qui vient de perdre les eaux là, ici ! Regardez ! La tête du bébé est sortie. Les passantes ont donné leur chals pour faire un mur d'intimité. C'est là qu'ils ont ouvert le portail pour l'emmener sans nous laisser entrer. C'est l'étranger qui travaille là qui a ordonné la fermeture du portail !"
Une larme te voile alors la vue, puis un sanglot sans vraiment savoir pourquoi tu pleures. Est-ce l'état de ton bébé qui te chagrine ainsi ? Est-ce la pensée de cette femme enceinte accouchant à même le sol devant le portail de cet hôpital ? Tu te remémore alors, non sans culpabilité, les conditions d'accouchement de ton bébé, dans une suite de luxe quelque part dans une clinique du monde, avec péridural et échographies 3D. Devant ce portail clos, avec ton bébé dans un état préoccupant, devant les traces qui témoignent de l'accouchement indigne imposé à cette femme inconnue, la valeur de la vie se révèle alors à toi. Faut-il fuir cet hôpital ? Faut-il fuir ce pays ? Pourquoi infliger ça à ton bébé ?
Tu essuies alors tes larmes en te disant humblement que tu ne fuiras pas. Cette détresse est la tienne. Cette misère est la tienne. Ce pays est le tien et nul part ailleurs tu ne pourras trouver la paix si tu fuis les tiens.
Le portail s'ouvre alors tout d'un coup. Que s'est-il passé ? Perdue dans tes pensées, tu n'as pas suivi le déroulement de la situation. Peut-être le médecin a réussi à faire ouvrir le portail. Ou peut-être que le destin t'ayant livré son premier enseignement, te laisse accéder à l'étape suivante.
Tu avances tout doucement ton véhicule. Un agent de sécurité, tout de noir vêtu, te guide pour t'indiquer le chemin. Tu tournes alors tout de suite à droite sur ses indications. Tu suis un petit chemin en couloir sensé te mener au service pédiatrie. Tu découvres au loin, dans ce qui aurait dû être une cours arrière, une déchèterie à ciel ouvert dans ce département pédiatrique. Tu es prise d'un mal être. Cette odeur nauséabonde propre aux hôpitaux de manière générale, est ici mélangée à une odeur d'ordures. Mais la peur t'a quittée. Tu es à présent comme anesthésiée. Aucun sentiment ne te perturbe. Tu gares ta voiture. Le médecin accourt accompagné de 2 infirmières. Ils prennent ton bébé pour l'emmener en salle de soins en te priant d'attendre dans le couloir.
Attendre dans le couloir ? Peux-tu seulement attendre dans le couloir, à entendre les hurlements de ton bébé ? Non tu ne peux pas. Et puisque tu ne peux rien faire d'autre, pourquoi ne pas aller chercher ce que le destin a voulu te livrer en te menant en ce lieu ?
Tu retournes donc devant ce mystérieux portail et tu entames la conversation avec les agents de sécurité. Les gardiens de ce temple. Tu apprends que tout est partie du décès d'une femme étrangère. La défunte était l'épouse d'un autre étranger exerçant la médecine dans cet hôpital de référence nationale. Mais la femme étrangère du médecin étranger est décédée dans cet hôpital où exerce son mari étranger. Et le mari, médecin étranger, a ordonné la fermeture du portail de cet hôpital de référence nationale de ce pays qui lui est étranger.
Et les agents de sécurité, qui eux, ne sont pas des étrangers, ont exécuté les ordres du médecin étranger de fermer le portail de cet hôpital de référence nationale, dans ce pays qui ne leur est pas étranger. Par conséquent, parce qu'une femme étrangère est décédée, et qu'elle était l'épouse d'un médecin étranger, une femme comorienne a accouché sur le sol, comme un animal, devant le portail de l'hôpital de référence nationale, aux Comores. Et parce que cette femme décédée était l'épouse d'un médecin étranger exerçant dans cet hôpital, ton bébé de 18 mois a failli, lui aussi, mourir devant ce portail, devant cet hôpital de référence nationale.
Telle est la tragédie dont le destin a voulu te faire le récit en te menant dans ce lieu. Il t'appartient de la réciter, à ton tour, ou de la garder pour toi.
Le médecin arrive enfin, portant ton bébé sur les bras, une perfusion sur le bas. Il est temps de reprendre le volant est repartir. Et si cette voiture avait des choses à te dire ? N'a-t-elle pas, davantage que toi, l'expérience de ce pays ? Fais lui donc confiance et laisse la te guider. Elle te livrera les secrets de ton pays.
De retour à la clinique, la pression commence à retomber. Vraiment ? Non pas vraiment ! Mais qu'importe ! Demain est un autre jour et ta voiture doit encore te conter les nouvelles de ton pays. Ta voiture te mènera à la découverte de ton histoire. Ah mais tu y penses ! Demain tu dois aller au marché car l'état de santé de ton bébé nécessite qu'il mange des légumes.
Demain tu dois donc te rendre au marché de Volovolo.
Rendez-vous donc demain, pour la suite de l'histoire, au marché de Volovolo.
Par Daika Hamadi
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